Analyse et perspectives du marché immobilier au S1 2024 (Anaxago)

Actus Immobilier
marché immobilier

Ce premier semestre 2024 a, à l’image de ces dernières années, connu son lot d’évènements venant secouer le marché de manière général et le marché immobilier tout particulièrement. Avec l’annonce, tant attendue, de la baisse des taux par la BCE le 6 juin, le cycle baissier du marché pourrait toucher à sa fin et il semblerait que nous ayons atteint le point bas du marché ;  la franche reprise du marché pourrait intervenir à horizon du 2e semestre 2025 mais comme nous le verrons la période semble présenter un excellent point d'entrée.

Un semestre globalement marqué par un faible niveau des transactions

Le marché de l’investissement immobilier a connu au premier semestre une chute historique du niveau de transaction, d’après la dernière étude CBRE, ce sont 4,3 milliards d’euros qui ont été investis en immobilier d’entreprise au premier semestre contre 10 milliards d’euros par semestre en moyenne décennale, soit une chute de 60% des volumes.

En Ile-de-France la chute est encore plus impressionnante avec moins de 2 Mds de transactions sur le semestre contre 8 Mds les années d'avant crise. Au sein de cette classe d’actifs, c’est bien le bureau et le commerce qui continuent de tirer les volumes vers le bas.

Des primes de risque reconstituée

Les primes de risque sur l’immobilier sont globalement en train de se reconstituer, avec une OAT qui avoisine les 3% mi-juillet, le marché pourrait être au bout de sa période de repricing.

Le graphique ci-dessous montre que les taux de capitalisation se sont bien appréciés, toutefois force est de constater qu'à ces niveaux de rendement les vendeurs refusent de transacter dans l'attente d'une future baisse des taux et donc des taux de rendement.

graphique evolution comparée des taux immobilier



Côté résidentiel, les investisseurs institutionnels sont aux abonnés absents avec 625 millions de transactions sur la période le premier trimestre le marché retrouve ses niveaux historiques pourrait s’approcher de la moyenne historique autour de 3,5 Mds d’investissement par an, très loin des années post-COVID où ces montants dépassent les 6 Mds d’euros. La classe d’actif perçue comme des plus résiliantes durant la pandémie n’attire plus les investisseurs compte tenu de l’attractivité des obligations d’état.

graphique investisseurs institutionnels résidentiel immobilier
Investissement résidentiel par trimestre (source Immostat)

Du côté des prix, l'immobilier résidentiel pourrait avoir son point bas en témoigne la dynamique du dernier baromètre Seloger / Meilleursagents. Les prix se sont appréciés de 0,5% sur le premier semestre et Paris serait en phase de stabilisation sur le dernier mois après une baisse de -2,2% depuis le début de l’année.

>> Voir le baromètre T2 du marché français de l’immobilier neuf et d’investissement

Une dynamique positive pour la logistique et l’hôtellerie

Pour la logistique et des locaux d’activité la dynamique sur le semestre a été relativement bonne avec une hausse des transactions de 27% par rapport à l’an dernier et une baisse de “seulement” -30% par rapport à la moyenne décennale, le marché comptabilise pour près de 1,5 Mds de transactions sur la période.

L’hôtellerie pour sa part continue d’attirer les investisseurs  avec 1 Md investis au premier trimestre, soit un doublement par rapport à la moyenne décennale et une hausse de plus de 50% par rapport au premier trimestre 2023.

Des signes positif côté macroéconomie qui marquer la fin du cycle baissier entamé il y’a 30 mois

Le marché français a réagi, comme souvent, avec plus de mesure que ses voisins européens dans l’ajustement des valeurs. Ce phénomène qui atténue la violence du retournement de cycle devrait logiquement également ralentir la reprise annoncée par une inflation qui commence à être maîtrisée et un début de baisse des taux directeurs.

Dans l’hexagone, les chiffres de l’inflation sont globalement encourageants puisqu’elle atteint 2,4% en avril, contre 2,6% pour la zone euro, principalement due à une hausse significative des prix dans le secteur des services (+4,1% en avril).

graphique inflation zone euro France
Évolution de l'inflation en France (source Statista)

Dans cette dynamique, la BCE a entamé une timide baisse de ses taux directeurs (- 25 points de base) le 6 juin. Cette première bonne nouvelle depuis longtemps n’aura pas fait long feu puisqu’elle a été balayée en quelques jours par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale et les craintes liées à une instabilité politique.

Dans la foulée de l’annonce de la baisse des taux directeurs, les taux courts (reflétant le coût de financement des banques) ont légèrement baissé, impactant positivement, bien que marginalement, le coût des emprunts immobiliers.

Du côté des taux à long terme, l’OAT française s’est envolée de plus de 10% atteignant à pic à 3,30% au lendemain du premier tour des législatives, renforçant le “spread” (i.e la prime de risque calculée comme l’écart avec le taux des obligations d’Etat Allemandes considérées comme les actifs les moins risquées) avant de redescendre autour des 3%, soit son niveau pré-annonce de la dissolution à la mi-juillet.

Les chiffres du premier semestre témoignent d’une spécificité du marché immobilier français en période de crise. Un marché qui réagit par l’ajustement des prix mais dans une proportion mesurée puis par l’arrêt des transactions.

>> Voir l'évolution des prix immobiliers en France juin 2024

Les planètes doivent s’aligner pour que les investisseurs renforcent leurs allocations en vue d'une franche reprise

D’un côté, les conditions intimement liées à la reprise de confiance des investisseurs dans le marché sont un préalable.

Sur le volet macroéconomique, une inflation définitivement maîtrisée en zone euro permettant de confirmer et poursuivre la politique de baisse des taux de la BCE et dans la foulée la baisse des rendements immobiliers. Le consensus des économistes mise sur une baisse de 0,50 points complémentaires en 2025, laquelle n’a été ni infirmée, ni confirmée, par Christine Lagarde suite à la dernière réunion des gouverneurs de la BCE.

Une issue à la crise politique actuelle, les investisseurs scrutant le taux des obligations françaises et craignent une attaque de la dette française ou une envolée des primes de risque en cas d’incertitude politique. La nomination d’un gouvernement en capacité d’effectivement gouverner et de faire voter le budget en septembre. Une échéance particulièrement attendue par les investisseurs.

De l’autre, des facteurs liés à la libération de liquidité permettant aux investisseurs et financeurs de se repositionner sur le marché.

Les véhicules grand public ont connu une forte décollecte sous un double effet : d’un côté les demandes de retrait des particuliers qui rend nécessaire les arbitrages en vue de créer de la liquidité, si cette liquidité est assurée dans certains cas par les assureurs vie, cela n’est pas sans conséquence puisque ces derniers se retrouvent de fait sur-exposer en immobilier. Les assureurs comme les véhicules grand public de type SCPI, SC UC ou OPCI ne devraient pas revenir sur le marché avant d’avoir géré les demandes de liquidité des souscripteurs et assurés. Selon l’ASPIM (Association française des sociétés de placement immobilier), la valeur des parts en attente de retrait au T1 s’élève à près de 2,4 Mds d’euros.

La reprise de la production de crédit bancaire qui devrait faciliter les transactions. Tout comme dans le point précédent, cela ne sera possible qu’après une période d’allègement des bilans des banques françaises en immobilier.

Désormais, la célérité de la reprise sera dépendante de la rapidité de baisse des taux de la BCE ET de la capacité de la nouvelle Assemblée nationale à rassurer, ou tout du moins de pas effrayer les marchés et nos créanciers. Ceci pour éviter de compenser la baisse des taux directeurs par une hausse des primes de risque sur le marché français.

Zoom sur la gestion Anaxago dans ce contexte de marché

Depuis 18 mois, nos équipes de gestion sont concentrées sur 2 axes prioritaires, d’un côté la gestion de la liquidité et des risques de notre portefeuille d’opérations et de l’autre, après une première période d’attentisme en 2023, la saisie des opportunités dans un environnement de raréfaction des sources de financement pour le compte de nos fonds et de nos investisseurs.

Au-delà de la baisse des valeurs qui a marqué l'année 2023 sous l'impulsion de la forte hausse des taux connue depuis le mois de mars 2022, c'est bien, comme nous l’avons vu, la très faible liquidité qui gèle le marché immobilier, notamment dans le marché du bureau et du résidentiel. Pour les opérateurs comme les marchands de biens, asset manager et promoteurs le ralentissement des transactions et la baisse des valeurs créent d'importantes tensions sur la trésorerie et risques de défaillance.

Ces différents phénomènes impactent le retour des liquidités au sens large pour les prêteurs et investisseurs (banque, plateforme de financement participatif, fonds d'investissement).

Dans ce contexte, nous avons adapté nos stratégies de gestion des risques et de la liquidité autour de trois axes pour accélérer les cessions tout en limitant les baisses de valeur des actifs sous-jacents.

Renforcement l’asset management

Nous avons intégré une équipe d’Asset managers il y'a 18 mois. Une équipe dédiée au suivi de nos investissements et l’accompagnement de nos partenaires opérateurs. Ils accompagnent au quotidien les participations dans le repositionnement des actifs pour les actifs nécessitant un changement de stratégie. A titre d'exemples, cette équipe travaille sur la transformation d’actifs de bureaux en hôtels, la découpe d’immeubles initialement prévus pour être cédés en bloc, l'obtention d’autorisations administratives permettant de créer plus de valeur etc.

Ce savoir-faire intégré nous permet une meilleure agilité dans la gestion des participations.

La gestion financière

La crise actuelle est avant tout une crise financière : hausse des taux d’intérêts, baisse des valeurs, cela même pour les actifs loués et bien loués. Dans ces conditions, la liquidité étant très faible sur le marché, nous travaillons les stratégies de sortie via la fonciarisation de certains actifs (refinancement et portage à plus long terme pour ne pas avoir à arbitrer les actifs dans un contexte de faible liquidité) et les renégociations des contrats de financement avec les partenaires bancaires. Nous accompagnons également les opérateurs dans le cadre de procédure de conciliation pour négocier avec les différents partenaires et créanciers, ceci en vue de créer un environnement favorable permettant la gestion de l’opération dans le temps tout en évitant les risques de procédures collectives pour les opérations dont le financement est arrivé à son terme.

La gestion des risques et la réalisation des garanties

Enfin, l’activité de dette privée bénéficiant de garanties et sûretés, nos équipes travaillent au quotidien à la liquidité de ces financements via l’accompagnement des opérateurs et la réalisation des garanties pour permettre de reprendre la main sur certaines opérations ou actifs en vue de les arbitrer. Cela est notamment possible dans le cadre d’opérations sécurisées par des fiducies-suretés ou de garanties hypothécaires.

Au premier semestre, ce sont plus de 30M€ remboursés, soit deux fois plus que sur l’année 2023 et une cible de 60 M€ sur l’exercice en cours. En parallèle, nous avons initié un programme de repositionnement et de cession de l’ensemble de nos actifs résidentiels pour assurer une plus grande liquidité de ces investissements en l'absence de transaction dans le marché résidentiel en bloc et en portefeuille.

Le taux de retard est aujourd'hui contenu à 7% mais devrait mécaniquement augmenter dans les prochains mois sans accélération massive des cessions du fait de 80M€ d'échéances 2024 pour lesquels nous pensons que la liquidité ne saura être honorée durant le deuxième semestre. Du côté des provisions sur le capital, elles s'élèvent à 6% du capital investi sur l'ensemble du projet à comparer à une performance historique de 9% à 11% nette / an. Sur le portefeuille cédé, les pertes constatées se sont élevées à 2M€ soit moins de 1% du capital investi et la performance nette  a été de 9,90%.

Globalement, les choix d'investissement en 2021 et 2022 réoriantant l'ensemble de nos investissements vers les biens prime en centre-ville à Paris, Nice et Bordeaux pour l'essentiel et principalement dans le bureau dans les quartiers centraux d'affaires, le résidentiel en bloc et l'hôtellerie permettent de contenir la baisse des valeurs de nos opérations et de disposer d'un portefeuille de qualité bien que peu liquide.

Perspectives et opportunités pour 2024

Malgré la volatilité et l’incertitude du marché, nous avons forgé nos thèses d’investissement en 2024 autour de 4 opportunités et tendances.

  1. Nous passons d’un marché à la main des vendeurs pendant plus de 10 ans  à un marché d’acquéreurs, la fenêtre nous semble idéale malgré les incertitudes pour procéder à des acquisitions bénéficiant d’importantes décotes d’illiquidité.
  2. L’assèchement des financements prenant la forme d’un credit crunch qui ne porte pas son nom dans le marché immobilier pousse mécaniquement cette demande vers les prêteurs alternatifs comme les fonds de dette privée que nous gérons ou même les plateformes de financement participatif.
  3. Une réglementation qui force la décarbonation du parc immobilier français et engendre des besoins en financement considérables pour transformer le parc immobilier (loi Climat Énergie, décret tertiaire, loi ZAN) alors même que la liquidité se fait rare et chère.
  4. Un potentiel de création de valeur par la transformation des actifs obsolètes ou non viables financièrement (changement d’usage et repositionnement d’actifs).

Nos stratégies prioritaires

De manière contra-cyclique, nous sommes entrés activement sur le marché à partir de la fin du T1 2024.

Globalement nous misons sur les classes d’actifs dont la demande locative restera soutenue à terme et nécessitant une mise en conformité environnementale.

Le marché de la logistique par exemple s’est globalement ajusté bien plus rapidement en termes de valeur, cela a notamment été possible par une hausse significative des loyers ces deux dernières années qui a permis d’amortir le choc de la hausse des rendements attendus par les investisseurs.

  1. Le foncier disponible qui devrait à terme se raréfier sous l’effet de la loi ZAN visant Zéro Artificialisation Nette entre 2030 et 2050.
  2. Un marché globalement sous offreur avec une vacance dans certaine région inférieure à 3% impactant les loyers à la hausse
  3. Des rendements attractifs et un potentiel de hausse des loyers en comparaison aux marchés logistiques au niveau européen (loyer prime en France de 63€/m2 contre 82€/m2 pour le marché Allemand

Les actifs de qualité, sont les premiers actifs cédés par les propriétaires en recherche de liquidité, le marché actuel permet donc de mettre la main sur des actifs obsolètes avec de très bons points d’entrée, particulièrement pour les actifs nécessitant d’importantes restructurations de mise en conformité environnementale ou un repositionnement en vue d’un changement d’usage. Ainsi des immeubles résidentiels en bloc peuvent s’échanger dans les arrondissements centraux de Paris à des valeurs proches de 8.000€ pour certaines opérations, ce qui était inenvisageable il y’a seulement 18 mois.

Ce cas n’est pas généralisé puisque les propriétaires préfèrent globalement attendre la reprise du marché plutôt que de brader les actifs et les arbitrages massifs des SCPI ne sont pas intervenus à date.

L’hôtellerie de centre-ville : un actif de plus en plus rare

L’activité lancée en 2020 a permis le financement ou l’acquisition de plus d’une dizaine d’hôtels murs et fonds. Structurellement, nous sommes convaincus par l’effet rareté de ces actifs dans les centres-villes des métropoles. Ceci d’autant plus un système législatif de plus en plus punitif pour les locations meublées de courte durée (hausse de la fiscalité des propriétaires, obligations de changement de destination et systèmes de compensation de commercialité etc.).

Bien que les chiffres opérationnels des hôtels aient rattrapé leur niveau pre-COVID, nous pensons que les actifs biens situés disposant à la fois des murs et du fonds de commerce représentent les actifs les plus résilients permettant notamment d’absorber une potentielle reprise de l’inflation en répercutant cette dernière dans les prix et bénéficieront d’un effet rareté croissant dans les prochaines années.  Ce phénomène devrait être accepté par les difficultés d’obtention d’autorisations administratives se limitant le développement de nouveaux actifs en cœur de métropoles.

Enfin, la progressive reprise du trafic aérien, et particulièrement des liaisons avec l’Asie, pourrait compenser le contrecoup post J.O, à date ces liaisons sont en baisse de plus de 22% par rapport à leur niveau d’avant crise.

L’étude “investor survey 2024” produite par CBRE nous apprend que les intentions d’investissement dans l’hôtellerie ont triplé entre 2023 et 2024 chez les investisseurs institutionnels. Ces éléments sont de nature à renforcer dans un délai proche la liquidité de ces actifs.

Saisie d'opportunités dans un environnement de raréfaction des sources de financement via la dette privée

En tant que société d’investissement opérant dans la dette privée, nous constatons au quotidien une hausse importante des demandes en financement de la part des opérateurs immobiliers. D’après CBRE plus de 60% des prêteurs s’attendent à une forte hausse de leur niveau d’activité, tout en rendant plus contraignante pour 67% d’entre eux les modalités de sélection des projets.

Cette demande de liquidité permet d’entrer dans des opérations immobilières avec un risque moindre puisque les prêts représenteront jusqu’à 50 à 65% de la valeur du bien pour les prêts hypothécaires dit de premier rang et entre 65% et 80% pour les financements mezzanine disposant de garanties de second rang.

Cette stratégie permet de cibler des taux de rendement de 9% à 12% tout en bénéficiant de sûretés réelles et sur des durées relativement courtes allant de quelques mois pour les bridges jusqu’à 36 ou 48 mois pour les opérations de restructuration lourde.

Malgré la crise actuelle, nous continuons à identifier des opportunités d'investissement attrayantes dans le marché immobilier français. Nous ciblons des secteurs résilients qui bénéficient de tendances structurelles favorables et d'une forte demande locative pour assurer une bonne visibilité sur les revenus.

>> Lire aussi : comment évaluer les opportunités en dette privée immobilière ?

En conclusion, le premier semestre de 2024 nous laisse entrevoir des signes de stabilité à venir, ces derniers restant conditionnés à la stabilité politique et à la baisse continue des taux de la BCE. Bien que les années 2021 et 2022 aient été marquées par l’euphorie, 2024 pourrait bien être, malgré le sentiment général, l’année des opportunités pour les investisseurs avisés disposant de liquidités pour faire leur retour sur le marché immobilier.

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