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Analyses de marchés

Cycle industriel : à quand le point bas ? (Oddo BHF)

18
Nov
2022

Le retournement à la baisse du cycle industriel a débuté il y a un an dans les pays développés. A leur niveau actuel, les indices de confiance signalent une stagnation de l’activité manufacturière aux Etats-Unis, une contraction en Europe, très forte dans les branches les plus énergivores. A-t-on des raisons de penser que le point bas est en vue ? Une analyse statistique des cycles passés sur longue période laisse espérer l’amorce d’une reprise vers la mi-2023. Mais les spécificités du cycle actuel (le resserrement monétaire, la crise de l’énergie, la chute de la construction résidentielle) invitent à prendre ce signal avec prudence. A court terme, on doit s’attendre à une amplification du repli de l’activité industrielle.

Taux, énergie, immobilier : une conjonction de facteurs baissiers

Aux Etats-Unis et en Europe, la confiance du secteur industriel a passé un pic il y a environ un an. Vu la vigueur de la reprise économique après la levée des confinements du printemps 2020, une normalisation était inévitable, mais l’effet de retour à la moyenne ne peut seul expliquer la correction en cours. Sur cette période, le prix d’un grand nombre de matières premières a bondi, le commerce mondial a ralenti, les politiques monétaire sont été durcies à un rythme rapide, tout cela sur fond d’incertitude géopolitique (guerre en Ukraine, tensions entre les US et la Chine dans le domaine technologique). Autant de facteurs négatifs pour le cycle industriel. Ces éléments de risque étant tous bien identifiés, la question peut se poser de savoir si le point bas est bientôt en vue.Une première réponse peut être apportée sur la base d’une analyse historique de la durée et de l’amplitude des cycles industriels. Certes, chaque cycle a ses spécificités mais tous impliquent des mécanismes d’ajustement comparables dans les inventaires, l’emploi et la production. Le tableau ci-dessous synthétise les résultats aux Etats-Unis et en Europe (Allemagne et France) sur la période des années 1950-60 à jusqu’à nos jours. D’autres détails figurent en en annexe p.4.

Historiquement, une phase baissière du cycle industriel dure en moyenne une vingtaine de mois, les plus longues pouvant dépasser trois ans. Dans le cas présent, les indices de confiance des industriels ont commencé à se retourner il y a 12 mois aux Etats-Unis,13 en Allemagne, 8 en France. Sous cet angle, la correction en cours demeure très en-deçà de la norme.

Un critère plus pertinent de mise en perspective historique est l’ampleur de la baisse de confiance. En moyenne, sur les trois pays considérés, le point bas du cycle est touché au voisinage de 1.5 écart-type au-dessous de la moyenne, et plus du double dans le cas des crises les plus sévères. Dans le cycle en cours, le repli du sentiment industriel est très en-deçà de la normale aux Etats-Unis et en France. Il se situe dans la moyenne historique en Allemagne, sans doute parce que ce pays est plus exposé que les autres à la dégradation des relations avec la Russie et au freinage de la Chine. Cela bouleverse son modèle de croissance, en amont en raison de son mix énergétique, en aval du fait de sa sensibilité aux exportations1. En somme, une simple comparaison historique suggère que la rechute du secteur industriel reste à ce stade assez modeste. Pour se caler sur la norme passée, elle devrait se poursuivre jusque mi-2023.

Au fil du temps, le poids de l’industrie dans la valeur ajoutée s’est réduit au profit des services, un phénomène classique des phases de développement économique. Il se situe désormais entre 11% aux Etats-Unis et 20% en Allemagne. C’est insuffisant pour garantir que chaque retournement industriel soit associé à une récession mais assez élevé pour en faire un bon indicateur du momentum du cycle économique. Par ailleurs, la probabilité d’un retournement dépend de la durée de la phase qui a précédé2. Aux Etats-Unis, peu de phases d’expansion durent plus de trois ans dans le secteur industriel, alors que dans la moitié des cas, elles durent plus de quatre ans pour l’activité totale. Dans les phases de contraction industrielle, la probabilité d’un retournement à la hausse est de 5% par mois après une année de correction et de 23% après deux ans. Au vu des standards passés, on peut estimer que le cycle industriel a deux chances sur cinq d’atteindre son point bas d’ici six mois et une sur cinq de durer plus d’une année encore.

La sensibilité du cycle industriel à sa durée s’explique par le rôle des inventaires.Dans l’industrie, les fluctuations de l’activité dépendent davantage des variations de stocks que dans les autres secteurs. A chaque échelon de la chaîne, du détaillant au distributeurs au grossiste et au producteur, il peut arriver que la demande soit mal anticipée, ce qui pousse chaque acteur à ajuster les stocks sur leur niveau désiré. Un décalage à un bout de la chaîne aboutira à un décalage démultiplié à l’autre bout (bullwhip effect). Ces variations de stocks ont été atypiques durant la pandémie car l’économie mondiale a été fermée, puis réouverte, d’un coup, prenant les entreprises par surprise3.Dans un cycle standard, les firmes entament la phase de reprise avec des stocks excédentaires, qu’il faut purger. Cette fois-ci tout au contraire, les stocks étaient insuffisants, en particulier dans le secteur automobile, poussant à gonfler les carnets de commandes et la production. Deux raisons à cela. D’une part, la chaîne logistique mondiale était perturbée comme jamais (pénuries de composants, allongement des délais de livraison). D’autre part, la demande de biens était sur-stimulée par rapport à la demande de services (restrictions à la mobilité des personnes).

Après la reconstitution des inventaires en 2021 et début 2022, le rythme d’ajustement a ralenti. Aux Etats-Unis, hors automobile, le ratio stocks/ventes corrigé de l’effet prix était récemment revenu à un niveau presque normal (graphe de gauche). Le pic de hausse des stocks a coïncidé plus ou moins avec celui du climat des affaires. Cet effet de stimulation du secteur industriel a disparu. Dans le même temps, les distorsions du commerce mondial se sont aussi normalisées en très large partie (graphe de droite).

A court terme, les perspectives de l’industrie devraient dépendre davantage des conditions économiques générales. Trois facteurs clés sont à considérer : la politique monétaire car elle dicte largement les conditions de financement ; le secteur immobilier qui est un donneur d’ordre important à l’industrie ; la crise de l’énergie.

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