Investissement immobilier en France par des non-résidents : le casse-tête de la résidence secondaire en location. Par Denis Martinato, Senior Wealth Planner, Quintet

Investissement immobilier en France par des non-résidents : le casse-tête de la résidence secondaire en location. Par Denis Martinato, Senior Wealth Planner, Quintet

Qu’ils soient français expatriés ou étrangers attachés à la France, nombreux sont les non-résidents à posséder une résidence secondaire dans la Ville Lumière, le long des côtes normandes ou encore au pied des pistes alpines.

Plutôt que d’envisager une acquisition en direct par une personne physique, il arrive que pour des raisons relatives à la gestion du bien, à la transmission patrimoniale ou encore à la gouvernance familiale, l’acquisition se fasse à travers une structure juridique réunissant les membres d’une famille.

Parfois encore, afin de rentabiliser l’investissement ou de couvrir certaines charges, la famille n’exclut pas de louer le bien pendant la période durant laquelle elle ne l’occupe pas.

C’est alors que les difficultés se présentent : quelle forme juridique choisir ? Structure française ou étrangère ? Comment commencer à transmettre le patrimoine ? Financement sur fonds propres ou par emprunt ? Pour répondre à ces questions, il faudra très souvent chercher du côté de la fiscalité.

Envisager de louer un bien, même partiellement, à travers une structure n’est pas anodin sur la manière de composer l’investissement. Par exemple, force est de constater que la forme française la plus utilisée pour les acquisitions immobilières en famille est la société civile immobilière (SCI), mais celle-ci, derrière son apparente simplicité, peut s’avérer être problématique si elle est mal utilisée.

Du côté des avantages, la SCI coche la quasi-totalité des cases en ce qui concerne la gestion et la transmission de patrimoine, dans un cadre clair, pérenne et simple. En effet, elle permet aux associés d’occuper le bien détenu par la société à titre gratuit, de ne pas alourdir la fiscalité de l’investisseur par rapport à une détention directe et elle peut présenter une comptabilité simplifiée ; elle permet encore une transmission dans des conditions favorables des parts en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit au profit de la génération suivante tout en permettant au donateur de conserver le contrôle du bien en étant gérant de la société. Fiscalement, la vente de l’immeuble ou des parts de la SCI obéit en principe aux règles d’imposition des plus-values des particuliers avec une fiscalité favorable en fonction des années de détention.

Du côté des inconvénients, et c’est bien là que le bât blesse, la mise en location du bien avec les meubles qui le garnissent est considérée, sur le plan fiscal, comme une activité n’étant pas compatible avec l’objet d’une société civile. Et dans la mesure où le bien immobilier disposera de tous les éléments permettant aux associés d’en profiter en tant que résidence secondaire, il y a fort à parier que la seule forme de location envisageable pour une résidence secondaire sera la location meublée. Sur le plan fiscal, si la SCI loue le bien meublé, la location meublée étant considérée comme une activité commerciale, elle est de plein droit soumise à l’impôt sur les sociétés (taux de 26,5 % pour 2021, 25 % à partir de 2022).

Par ailleurs, compte tenu de son caractère translucide en droit fiscal français, elle souffre parfois d’une mauvaise reconnaissance dans un environnement fiscal international. Par exemple, il faudra y porter une attention particulière lorsque les associés seront résidents fiscaux belges ou anglais.

La détention d’une résidence secondaire à travers une société soumise à l’impôt sur les sociétés de façon involontaire (SCI exerçant une activé commerciale par exemple) ou de plein droit (SAS, Sàrl, SA notamment) implique notamment les conséquences suivantes :

- L’obligation de tenir une comptabilité et d’assurer le suivi juridique annuel.

- L’obligation d’inclure dans le résultat imposable de la société une somme correspondant aux loyers qui auraient été perçus par la société si le bien avait été loué pendant la période durant laquelle les associés ont occupé le bien à titre gratuit.

- En cas de vente du bien, pour le calcul de la plus-value, on va tenir compte de l'amortissement pratiqué pendant la durée de détention du bien pour calculer la plus-value imposable. La plus-value sera calculée par différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable du bien et soumise au taux normal de l'IS, sans possibilité de bénéficier, comme avec le régime des plus-values immobilières des particuliers, des abattements pour durée de détention.

- La distribution des profits de la société sera soumise à une retenue à la source (au taux 12,8 % en principe).

Une option hybride, entre la SCI translucide et la société soumise à l’impôt sur les sociétés, qui permettrait de louer meublée la résidence secondaire serait d’opter pour la Sàrl de famille qui permet de soumettre la société à l’impôt sur le revenu, ce qui s’avère particulièrement intéressant en ce qui concerne la plus-value en cas de vente. Cependant, à l’inverse de la SCI soumise à l’impôt sur le revenu, les associés ne pourront notamment pas jouir gratuitement du bien. Cette société souffre aussi parfois d’une mauvaise reconnaissance en droit fiscal international. Il faudra donc faire une analyse approfondie des différents choix de structures qui s’offrent aux investisseurs compte tenu de leur projet de vie et de leurs besoins avant de réaliser l’acquisition.

Au regard du pays dans lequel la structure doit être implantée, il est clair que les choix les plus simples seraient de choisir la France, lieu de situation de l’immeuble, ou le pays de résidence de l’investisseur. Dans la majorité des cas, la détention via une structure étrangère n’octroiera pas d’avantages fiscaux particuliers qu’une structure française ne pourrait apporter à l’exception, peut-être, de la transmission des comptes courants d’associés qui pourrait échapper aux droits de mutation à titre gratuit français si la créance était détenue dans une société étrangère.

Chaque situation devra être analysée au regard de l’imposition sur les loyers, de l’impôt sur la fortune immobilière, des droits de mutation à titre gratuit et de l’impôt sur la plus-value en cas de vente du bien ou des parts en fonction des éventuelles conventions fiscales applicables entre la France et l’État de résidence des investisseurs. Enfin, il ne faudra pas négliger l’intérêt d’un financement bancaire pour l’acquisition du bien : il permettra notamment de transmettre à la future génération les parts de la société dans un contexte fiscal favorable et de réduire la base imposable de l’impôt sur la fortune immobilière si les associés y sont soumis.

Ainsi, il n’existe pas de solution clé en main en termes de structuration de l’acquisition de la résidence secondaire, d’autant plus qu’au fil du temps et parfois même des générations, l’utilisation et l’affectation d’un bien peuvent évoluer. La structure proposée devra permettre une certaine flexibilité pour ne pas pénaliser la famille dans ses projets à long terme. L’analyse des impacts économiques, juridiques et fiscaux devra être anticipée selon la situation de la famille et de ses projets de vie.

Denis Martinato est Senior Wealth Planner au sein de Quintet Private Bank. Les déclarations et les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur à la date de cet article et sont sujettes à modification. Cet article est également de nature générale et ne constitue pas un conseil juridique, comptable, fiscal ou d'investissement.

Découvrez d'autres contenus du même partenaire

Contributeurs

Contenus de la même thématique
De la même thématique
À découvrir
Graph du jour

Chaque jour, nous sélectionnons pour vous, professionnels de la gestion d'actifs, une actualité chiffrée précieuse à vos analyses de marchés. Statistiques, études, infographies dans divers domaines : épargne, immobilier, économie, finances, etc. Ne manquez pas l'info visuelle quotidienne !

Voir tous nos graphs
Agenda

Ne loupez aucun événement de nos partenaires : webinars, roadshow, formations, etc. en vous inscrivant en ligne.

Voir notre agenda
Les fonds de nos partenaires