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Droit

Les aspects civils et fiscaux de l’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire ou du concubin (Aurep)

19
Dec
2022

La filiation adoptive peut prendre deux formes : celle d’une adoption simple et celle d’une adoption plénière. Dans le premier cas, le lien avec la famille d’origine n’est pas rompu ; dans le second, il n’existe plus.


 
Le droit de l’adoption a fait l’objet d’une réforme de grande ampleur le 21 février dernier[1], la loi nouvelle étant applicable à compter du 23 février 2022[2]. Dans le prolongement de cette réforme, une ordonnance du 5 octobre 2022 procède à une recodification du titre du Code civil consacré à l’adoption, laquelle entrera en vigueur le 1er janvier 2023[3].


Il est très fréquent qu’un enfant soit adopté par le conjoint de l’un de ses parents, mais cette faculté n’était ouverte qu’à l’époux du parent de l’enfant. La loi du 21 février 2022 ouvre désormais cette option au partenaire de PACS et au concubin, aussi bien pour l’adoption simple que pour l’adoption plénière.


 
I – Les conditions de l’adoption de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin

S’agissant de l’adoptant. En principe, une adoption simple ou plénière implique du couple d’adoptants, si l’adoption est conjointe, que chacun ait plus de 26 ans (C. civ., art. 343)[4]. La règle est la même en présence d’une adoption par une personne seule (C. civ., art. 343-1). Cela dit, cet âge minimum n’est pas requis en présence de l’adoption de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin (C. civ., art. 343-2 et 361).


En outre, l’adoptant de l’enfant de son conjoint, partenaire ou concubin doit être âgé d’au moins 10 ans de plus que l’adopté[5], sauf à ce que le tribunal écarte cette règle s’il a de justes motifs de le faire (C. civ., art. 344 et 361).


 
En dernier lieu, cette forme d’adoption est dispensée de la procédure d’agrément visée par l’article 353-1 du Code civil.


 
S’agissant de l’adopté. Lorsque l’adopté a plus de 13 ans, il doit consentir à son adoption que celle-ci soit simple ou plénière[6].


 
Conditions propres à l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin. L’adoption plénière de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin est permise, jusqu’aux 21 ans de l’adopté (C. civ., art. 345), dans les seules hypothèses de l’articles 345-1 du Code civil, à savoir[7] :


 
- Lorsque la filiation de l’enfant n’est établie qu’à l’égard du seul conjoint, partenaire ou concubin, en ce compris si cette filiation résulte d’une adoption plénière par ce dernier ;
- 
Lorsque l’autre parent que le conjoint, partenaire ou concubin s’est vu retirer l’autorité parentale ;
- 
Lorsque l'autre parent que le conjoint, partenaire ou concubin est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant.


 
Eu égard à ces conditions strictes, l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin demeure exceptionnelle.


 
Conditions propres à l’adoption simple de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin. L’adoption simple de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin ne peut avoir lieu sans le consentement de celui-ci, que l’enfant soit mineur ou majeur (C. civ., art. 343-1, al. 2 et 361).


 
En toute logique, l’autre parent de l’enfant doit donner son consentement à l’adoption simple si l’adopté est mineur, dans la mesure où il est titulaire de l’autorité parentale. En cas d’opposition, le juge peut néanmoins prononcer l’adoption simple lorsque ce parent s’est désintéressé de l’enfant par exemple[8]. En revanche, lorsque l’enfant est majeur, l’autre parent ne peut s’opposer à l’adoption simple[9].


 
Une adoption dans l’intérêt de l’enfant. L’adoption simple ou plénière ne peut être prononcée par le juge que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant au sens de l’article 353 du Code civil.


 
II – Les effets de l’adoption de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin

Le principe de l’irrévocabilité de l’adoption. L’adoption plénière est irrévocable (C. civ., art. 359). Il en va de même de l’adoption simple, sauf en cas de motifs graves visés par l’article 370 du Code civil.


 
Les effets de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin. L’adoption plénière de l’enfant par le conjoint, partenaire ou concubin s’assimile à une adoption par un couple (C. civ., art. 356, al. 2). Le lien de filiation avec l’autre parent est ainsi rompu[10].


 
Sur le plan fiscal, l’adoption plénière confère à l’adopté le même régime fiscal que celui applicable à un enfant légitime, naturel ou adultérin reconnu s’agissant des droits de mutation à titre gratuit[11].


 
Les effets de l’adoption simple de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin. L’adoption simple n’a pour effet de faire disparaître le lien de filiation entre l’adopté et ses parents d’origine. Lorsque l’adopté est mineur, l’article 365 prévoit que l’autorité parentale est conservée par le conjoint, partenaire ou concubin de l’adoptant qui l’exerce « concurremment » avec l’adoptant (C. civ., art. 365). L’autre parent d’origine, en consentant à l’adoption simple de son enfant, abandonne alors tout droit d’autorité parentale[12].


 
L’article 367 du Code civil définit les règles applicables à l’obligation alimentaire en prévoyant que l’adopté ne peut réclamer les aliments de ses parents d’origine que lorsqu’il ne peut les obtenir de ses parents adoptifs.


 
Sur le plan successoral, l’adopté simple constitue un héritier comme les autres à la différence près qu’il n’est pas réservataire à l’endroit des ascendants de l’adoptant (C. civ., art. 368). Du fait de sa qualité de descendant de l’adoptant, il ne peut pas agir sur le fondement d’une action en retranchement ouverte aux seuls enfants non communs au sens de l’article 1527, alinéa 2 du Code civil[13]. En effet, l’enfant adopté simplement est un héritier réservataire à l’égard de l’adoptant[14].


 
En outre, l’article 368-1 du Code civil organise un droit de retour légal, d’application exceptionnelle, en présence d’un adopté simple décédant sans conjoint, ni descendance, au profit de sa famille adoptive et de sa famille d’origine.


 
Sur la plan fiscal, le principe énoncé par l’article 786 du Code général des impôts est simple : « Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple ». En conséquence, la taxation est généralement celle applicable entre personnes non parentes, soit 60 %[15].


 
Le texte prévoit néanmoins que :


 
« Cette disposition n'est pas applicable aux transmissions entrant dans les prévisions du premier alinéa de l'article 368-1 du code civil, ainsi qu'à celles faites en faveur :


 
1° D'enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant ;

2° De pupilles de l'Etat, de la Nation ou de la République ainsi que d'orphelins d'un parent mort pour la France ;

3° D'adoptés mineurs au moment du décès de l'adoptant ou d'adoptés mineurs au moment de la donation consentie par l'adoptant qui, pendant cinq ans au moins, ont reçu de celui-ci des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale ;

3° bis D'adoptés majeurs qui, soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, auront reçu de l'adoptant des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale ;

4° D'adoptés dont le ou les adoptants ont perdu, morts pour la France, tous leurs descendants en ligne directe ;

5° D'adoptés dont les liens de parenté avec la famille naturelle ont été déclarés rompus par le tribunal saisi de la requête en adoption, sous le régime antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 ;

6° Des successibles en ligne directe descendante des personnes visées aux 1° à 5° ;

7° D'adoptés, anciens déportés politiques ou enfants de déportés n'ayant pas de famille naturelle en ligne directe ».


 
S’agissant de la première exception, la doctrine administrative est logiquement favorable au contribuable en prévoyant que « dans le cas où l'adoptant ou son conjoint a contracté plusieurs mariages, l'expression "premier mariage" doit s'entendre au sens de "précédent mariage" ». Elle précise également que « pour l'application du 1° de l'article 786 du CGI il a été admis d'assimiler à un enfant "issu d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant" : l'enfant naturel reconnu du conjoint de l'adoptant, sous réserve bien entendu que la filiation de l'enfant soit légalement établie ; l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière par le conjoint de l'adoptant »[16].


 
Cela dit, la loi du 21 février 2022 n’a pas porté de modification à l’article 786 du Code général des impôts, ce qui aboutit à un résultat curieux[17] : l’enfant du conjoint adopté simplement est traité comme un héritier de l’adoptant sur le plan fiscal, alors que ce n’est pas le cas pour l’enfant du partenaire de PACS ou du concubin.


 
Aussi, lorsqu’il s’agit de l’adoption simple de l’enfant du partenaire ou du concubin, l’application de la taxation en ligne directe implique que les conditions du 3° ou du 3° bis de l’article 786 du Code général des impôts soient remplies.


 
Par application de ce texte, l’adopté simple mineur à la date du décès de l’adoptant bénéficie de la taxation en ligne directe[18]. Il n’existe alors aucune condition relative au secours ou aux soins délivrés par l’adoptant contrairement au droit antérieur applicable avant le 16 mars 2016, date d’entrée en vigueur de la loi 2016-297, du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfance.


 
De même, l’adopté simple mineur à la date de la donation consentie par l’adoptant bénéficie de la taxation en ligne directe lorsque, pendant cinq ans au moins, il a reçu de celui-ci des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale[19].


 
Enfin, l’adopté simple majeur bénéficie de la taxation en ligne directe en cas de décès ou de donation de l’adoptant s’il a reçu de celui-ci, soit dans sa minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans sa minorité et sa majorité et pendant dix ans au moins, des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale[20].


 
Dans les deux derniers cas, il appartient à l’adopté de rapporter la preuve de l’existence des soins et de la prise en charge[21], laquelle n’a pas forcément à être exclusive, mais seulement continue et principale[22].


 
A cet égard, l’administration fiscale précise que : « La preuve que l'adopté a reçu des secours et des soins non interrompus de l'adoptant pendant la durée minimale prévue par la loi doit être fournie dans les formes compatibles avec la procédure écrite au moyen de documents tels que quittances, factures, lettres missives et papiers domestiques »[23]. Il est également prévu que le témoignage est, en principe, exclu même s’il peut être produit pour corroborer d’autres moyens de preuve. En denier lieu, la doctrine administrative admet que qu’ « il peut être tenu compte du jugement d'adoption s'il ressort de celui-ci de façon suffisamment précise que les conditions prévues aux 3° ou 3° bis de l'article 786 du CGI sont remplies »[24].


 

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