Un mal pour un bien ? (Cogefi)

Analyses de marchés

On croyait les marchés américains, Dow Jones, S&P500 ou Nasdaq inébranlables, insensibles à tout, y compris aux soubresauts géopolitiques, à la politique intérieure, à la montagne de dettes qui s’accumulent, mais aussi aux taux d’intérêts, courts comme longs, qui avaient connu une hausse ininterrompue pendant 18 mois de 2022 à 2023. Seul le Russel 2000 (et ses déclinaisons moins connues - Russel 2500, 3000 et Russel Microcap) gardaient un semblant de corrélation à l’économie, probablement moins biaisés par les ETF et autres produits dérivés.
C’est justement l’arbitrage, tout aussi soudain que violent et massif, opéré par les investisseurs en ce mois de juillet, allégeant sensiblement leurs positions en grandes valeurs du S&P500 et du Nasdaq (dont les 7 magnifiques) vers le Russel 2000, qui a interrogé les observateurs. Arbitrage qui a surtout marqué le début de prises généralisées de bénéfices parfois sévères, y compris sur l’iconique NVIDIA dont le cours sera passé en moins de 30 jours de 140 à 105 dollars !
Intéressant de noter qu’un tel virage dans les allocations des investisseurs, des valeurs technologiques vers les petites capitalisations, avait par le passé déjà été observé. La dernière fois c’était en ... 2000 ! Mauvais souvenir !


Alors que s’est-il passé 24 ans plus tard ?


Probablement un peu d’actualité électorale américaine avec la déclaration de retrait de la candidature de Joe Biden laissant le champ libre (pour le moment) à Donald Trump et à son « America First » favorable aux petites entreprises.
Sûrement aussi un peu de politique internationale avec les déclarations, américaines elles-aussi, de restreindre encore un peu plus les exportations de puces électroniques sensibles et stratégiques à destination de la Chine, aussi bien pour les entreprises américaines que pour toutes autres dans le monde produisant de tels produits.
Clairement, une baisse des taux de la FED enfin à portée de calendrier, favorable à l’investissement ainsi qu’aux petites entreprises endettées essentiellement à taux variable, plutôt qu’aux grandes valeurs technologiques disposant quant à elle de grandes réserves de trésorerie (qui seront de fait moins bien rémunérées).
Conjuguée à l’observation qu’en 2025 et 2026 la croissance attendue des bénéfices des « 7 Magnifiques » reviendra à un niveau plus normatif, mais surtout identique à celle des 493 autres valeurs qui composent le S&P500 ainsi qu’à celles du Russel 2000, les investisseurs ont troqué le PER (Price Earning Ratio) pour le PEG (Price Earning Growth) ! Pour rappel, le PEG n’est rien d’autre que le PER divisé par la croissance des bénéfices. Donc à croissance identique des bénéfices, si le PER est 3 à 4 fois plus élevé pour le Nasdaq (et surtout ses principales composantes) que pour le Russel, alors le PEG de ce dernier devient faible et donc très attractif.
Si en outre le marché est déséquilibré par une surexposition massive (bulle comportementale déjà évoquée ici) aux titres de technologie et de l’intelligence artificielle (IA) alors qu’au même moment il est historiquement sous investi sur le reste de la cote, l’effet final est que comme en 2000 la bascule est soudaine et forte.

Ajoutons que les valeurs de l’IA sont sur-détenues dans les portefeuilles, par des institutionnels bien sûr, mais surtout par des épargnants particuliers bien au-delà de leurs capacités de détention, via des produits à effets de levier (ETF et options journalières). Des positions difficiles à tenir au moindre mouvement de retournement significatif et appelant ainsi à procéder à des ventes dans l’urgence, faisant s’accentuer le mouvement correctif.
Au-delà de ce premier épisode, la multiplication de mauvaises statistiques américaines qui s’observaient déjà via l’orientation baissière depuis plusieurs semaines de l’indice de surprises économiques, a fini de convaincre les investisseurs américains que l’économie américaine se déréglait au point de rentrer sous peu dans une récession inattendue.
Si récemment toutes les mauvaises nouvelles économiques étaient bien perçues, au point de faire monter les marchés (« Bad News is good news ») par anticipation de baisse des taux de la FED, cette fois, il semble que les marchés ont commencé à acter leur impatience d’une baisse des taux. Jérôme Powell aurait-il (une fois encore ?) mal anticipé le cycle économique? De fait, ces marchés sont passés dans une réaction « Bad news is Bad news » considérant que le ralentissement à venir ne serait pas sans conséquence sur les perspectives bénéficiaires des entreprises et donc sur des valorisations devenues soudainement trop élevées.
Bien sûr on pourrait rajouter à ce panorama bien gris d’autres facteurs déstabilisants comme le débouclage des opérations de carry Trade sur la parité Yen/dollar qui n’est pas sans effet sur les entreprises exportatrices japonaises et donc sur le Nikkeï. Et bien évidemment l’environnement géopolitique qui se dégrade dangereusement au Moyen- Orient, ou encore l’incertitude sur l’issue des élections présidentielles américaines avec l’arrivée dans la course de Kamala Harris.
Tout comme il n’est pas bon de se laisser bercer par un optimisme à tout épreuve comme l’ont été les investisseurs ces derniers mois sur les marchés américains qui donnaient l’impression d’un oasis calme, il n’est pas non plus raisonnable de succomber à l’écriture d’un scénario catastrophe. Car si tout est toujours possible, rappelons que le pire n’est jamais certain et que la saisonnalité historique de la bourse américaine sur longues et très longues périodes (20,50 et 100 ans) montre que les mois d’août et septembre sont statistiquement de mauvais mois et favorables à des phases correctrices quelles qu’en soient les causes. De fait, elles deviennent par symétrie des phases propices à des achats à bon compte pour ceux, dont nous faisons partie, qui considéraient que trop de signaux économiques, notamment d’essoufflement du consommateur américain n’étaient pas, ou insuffisamment, pris en compte. Ceci nous avait d’ailleurs invité à suivre l’élan des marchés américains avec une certaine retenue.
Gageons que les prochaines semaines, qui seront certainement marquées a minima par de la volatilité voire une petite exubérance baissière, nous permettront de revenir sur les grands noms de la cote, européenne comme américaine, à des niveaux de prix attractifs notamment sur les valeurs de l’intelligence artificielle. En effet, il y a fort à parier que face à ce nouveau contexte économique, les banques centrales enverront des messages forts et clairs d’assouplissements monétaires, bref un mal pour un bien !

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