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Analyses de marchés

Optigestion : Courtermisme ! Par Jacques de Panisse

2
Dec
2022

Les marchés financiers européens se focalisent sur le ralentissement prévisible de l’inflation. Depuis cet été, on peut constater la baisse des cours du pétrole, du fret et de nombreuses matières premières comme le cuivre. De plus, des effets de base favorables vont venir réduire mécaniquement l’accroissement de l’inflation sur un an, dès mars 2023.

Depuis six semaines, un optimisme expansif porte les indices. Il repose sur la certitude que le pic d’inflation a déjà été franchi, au moins aux Etats-Unis, que la nature de l’inflation est essentiellement conjoncturelle, que nous nous orientons vers une normalisation progressive qui permettra de retrouver les niveaux pré-Covid, tant pour les tensions sur les prix que pour les taux d’intérêt. Les marchés veulent envisager un retour prochain à une situation normale.

Cet emballement nous semble prématuré et excessif.

L’inflation n’est pas un mécanisme qui restitue de façon instantanée les pressions qu’il subit. La nature de l’inflation s’apparente plutôt à un fluide qui se répand puis imprègne le tissu économique. Elle procède par lente contamination des acteurs.

De nombreuses sociétés n’ont pas encore subi les effets de hausses des prix du fait de couvertures propices qui les ont mises à l’abri en 2022. De même que de nombreux tarifs n’ont pas encore atteint leur date de renouvellement, ces couvertures vont progressivement arriver à leur terme courant 2023.

Le baril de brent qui est actuellement largement en-dessous de son niveau d’avant-guerre d’Ukraine n’est pas nécessairement une bonne référence quand on sait que les tarifs d’électricité, indexés sur le prix du gaz, vont augmenter dans des proportions considérables en 2023.

L’euro a baissé de 10% face au dollar depuis début 2022, or les matières premières et les intrants sont facturés en dollars ce qui renchérit d’autant le prix de nombreux produits importés. Le salaire de base allemand a augmenté de plus de 21% depuis le début de l’année. Il est évident qu’une telle augmentation va se répercuter sur la formation du prix de revient de nombreuses entreprises. Mais il est aussi probable que cette augmentation sera contagieuse et incitera d’autres salariés à réclamer une revalorisation de leur traitement.

Le nombre de demandes d’emploi insatisfaites ne cesse de progresser, presque partout. Simultanément, le poids relatif de la population active ne cesse de diminuer. Il est clair que la raréfaction relative des demandeurs d’emploi constitue une tendance de fond qui suggère des salaires durablement orientés à la hausse.

La remontée des taux va nécessairement renchérir le coût de la dette, freiner l’investissement et détériorer les bilans.

La réduction du bilan des banques centrales a tout juste commencé. Ses effets ne laisseront pas indemnes !

On comprend la nécessité de savoir attendre pour mesurer l’impact de la diffusion de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt. Les marchés assimilent un ralentissement de l’accélération à une baisse de niveau absolu ; les quelques constats ci-dessus illustrent la fragilité de l’optimisme ambiant. Les résultats des entreprises ont été de bonne facture au 3ème trimestre et demeurent plutôt bien orientés.

Les résultats publiés reflètent encore l’effet prix positif. Bien avisées, les entreprises ont su s’adapter rapidement. Mais l’effet volume, négatif et plus pernicieux, devrait suivre.

Les augmentations de tarif répétées vont bientôt rencontrer une plus grande résistance et affecter les marges.

Simultanément, la contraction du pouvoir d’achat du consommateur va entraîner une baisse de la demande tandis que les mesures de soutien ciblées trouveront progressivement leurs limites.

Le recul de l’inflation se fera au prix d’un ralentissement d’activité généralisé. Le chômage devrait repartir à la hausse et contribuer à une dégradation du climat social.

Les marchés financiers se veulent confiants mais le temps est à l’œuvre et 2023 pourrait révéler les effets d’un « murissement » trop longtemps ignoré.

Avant de retrouver la confiance, les marchés doivent admettre une phase intermédiaire plus difficile.

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