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Analyses de marchés

Schroders : Actions internationales et thématiques : quelles perspectives ?

22
Dec
2022

Par Alex Tedder, Responsable de la gestion Actions mondiales et gérant du fonds Schroder ISF Global Disruption
 

Ayant débuté par une guerre en Europe, 2022 a été une année que la plupart des investisseurs préféreraient oublier. L’invasion russe de l’Ukraine a entraîné des hausses massives des coûts de l’énergie et des denrées alimentaires alors même que les goulets d’étranglement post-pandémie dans les chaînes d’approvisionnement exerçaient déjà une pression considérable sur les prix mondiaux. Les banques centrales, mandatées majoritairement pour gérer l’inflation, ont été confrontées à la perspective très réelle d’une spirale coûts-prix infernale.

Fait rare, elles sont également confrontées à la tâche peu enviable d’essayer de contenir les attentes en matière de hausse des salaires alors que le chômage dans la plupart des grandes économies affiche des niveaux extrêmement bas. Le risque d’erreur était considérable, et l’est encore.


Malgré les craintes des marchés, il n’est pas question d’un retour aux années 1970

À l’heure où nous rédigeons ce rapport, le taux d’inflation globale dans de nombreux pays reste élevé voire augmente. Il est légitime de craindre que l’action des banques centrales ne suffise pas à contrer la hausse des revendications salariales et d’aucuns évoquent un retour à la stagflation (croissance stagnante/inflation élevée) des années 1970.

Toutefois, bien que le choc des prix de 2022 soit quelque peu comparable à cette époque, il convient de noter que l’inflation sous-jacente (souvent appelée inflation « core ») semble déjà s’apaiser. Cette tendance devrait se poursuivre ces prochains mois, car le relâchement des chaînes d’approvisionnement, la hausse des coûts d’emprunt, la pression sur les revenus des ménages et la baisse des prix immobiliers contribuent à ralentir l’économie mondiale et à freiner la demande.


Dans ce contexte, il est concevable que les revendications salariales s’apaisent également. Pour de nombreux observateurs, les pénuries de main-d’œuvre persistantes dans de nombreux pays et la multiplication des mouvements de grève sont autant de facteurs qui incitent à la prudence concernant la hausse des salaires. Cependant, nous pensons que la flexibilité de la main-d’œuvre ira en s’améliorant à mesure du ralentissement de l’économie. Les entreprises vont sans aucun doute reporter leurs embauches et réduire leurs effectifs. De fait, des signes évidents de ce phénomène apparaissent déjà dans le secteur technologique, où le discours des équipes dirigeantes s’est soudainement ajusté à la réalité économique.

De plus, il est possible que le taux de participation, actuellement au plus bas, augmente alors que des non-participants, notamment de nombreuses personnes âgées de plus de 50 ans, décident de réintégrer la main-d’œuvre.

Enfin, il est probable que la tendance récente au remplacement de la main-d’œuvre par l’automatisation s’accélère de manière significative, notamment compte tenu des progrès technologiques récents.

En résumé, si un retour au chômage de masse semble peu probable, il est tout à fait possible qu’une augmentation des postes vacants, associée à une légère augmentation du nombre de participants, plafonne les coûts salariaux à l’avenir.  


Les craintes d’une récession profonde pourraient s’avérer infondées

Un ralentissement économique semble inévitable compte tenu de ce qui précède, mais les craintes d’une récession profonde pourraient s’avérer infondées, du moins dans certains pays. Le chômage étant si faible, les consommateurs sont mieux à même de faire face à la hausse des coûts. Les mesures prises par les gouvernements pour alléger les factures d’énergie aident également à en amortir l’effet. À noter que la situation financière des ménages, soutenue par l’accumulation d’une épargne considérable durant la pandémie de Covid-19, constitue un coussin pour bon nombre d’entre eux (bien que manifestement insuffisant pour les ménages aux revenus les plus faibles).

La situation est similaire dans l’univers des entreprises, où l’endettement est relativement faible et d’échéance supérieure à la moyenne.

Dans l’ensemble, cela nous laisse penser que, bien que des difficultés économiques importantes persistent, l’inflation pourrait ne pas être aussi ancrée et le ralentissement économique moins prononcé que beaucoup ne l’envisagent. Cette hypothèse s’applique sans doute davantage aux États-Unis, qui sont de fait autosuffisants au plan énergétique, tirent largement parti du fait que la quasi-totalité des principales matières premières sont cotées en dollars et bénéficient d’une immigration positive. En Europe, y compris au Royaume-Uni, la situation est hélas bien plus nuancée.


Contraction des bénéfices

Récession ou non, les prévisions de bénéfices devront être revues à la baisse. L’une des caractéristiques intéressantes du cycle de marché actuel est que, malgré l’effondrement du cours des actions, les bénéfices ont jusqu’à présent été remarquablement solides. Le niveau des prix en est la raison.

De part et d’autre de l’Atlantique, les entreprises ont impunément augmenté leurs prix : Pepsi a par exemple rehaussé les siens de 17 % au troisième trimestre, tandis qu’en Europe, Louis Vuitton et Nestlé ont annoncé des hausses de prix à deux chiffres, avec peu d’impact immédiat sur les volumes.

En ce qui les concerne, leurs chiffres d’affaires sont susceptibles de résister sachant que les consommateurs semblent disposés à payer le prix fort pour des produits haut de gamme. Mais pour de nombreuses entreprises, ce n’est qu’une question de temps avant qu’une élasticité négative n’intervienne et que la demande ne commence à baisser.

Les premières indications d’entreprises telles qu’Amazon et Target aux États-Unis, ou M&S, H&M et Primark en Europe, suggèrent que les consommateurs réduisent déjà leurs dépenses.

Les chiffres d’affaires et les marges (hors entreprises du secteur de l’énergie) semblent voués à baisser en 2023, créant un cycle de révision à la baisse des bénéfices qui n’est pas encore totalement intégré.


Jauger le point bas peut paraître contre-intuitif compte tenu de ce qui précède, mais nous sommes d’avis que le marché baissier actuel est proche de son terme. La volatilité devrait toutefois rester élevée encore un certain temps.

Les prévisions de bénéfices par action de 225 et 235 dollars pour le S&P 500 semblent encore quelque peu optimistes et nous pensons qu’elles seront progressivement révisées à la baisse ces prochains mois, le point bas étant susceptible de survenir au troisième trimestre 2023.

Mais les places boursières regardent toujours vers l’avant et intègrent généralement le point bas des bénéfices six à neuf mois avant qu’il ne soit effectivement atteint. Cela suggère que le récent rebond des marchés actions mondiaux (le Dow Jones a enregistré son meilleur mois depuis 1976 en octobre) n’était pas sans logique, bien que le récent rallye ne soit pour nous qu’un faux-semblant.

À très court terme, de nouvelles déceptions semblent probables à mesure que la pression sur la rentabilité deviendra de plus en plus visible.


Risque et rendement

Nous n’avons pas évoqué les risques géopolitiques existants, comme une nouvelle escalade en Ukraine, la possibilité d’une nouvelle réduction des livraisons de gaz russe à l’Europe, ou encore la position de la Chine concernant Taïwan. Il s’agit potentiellement d’événements de type « cygne noir » de nature binaire et impossibles à prédire avec certitude. 

Chacune de ces possibilités serait une très mauvaise nouvelle pour les marchés mondiaux. Espérons que le bon sens prévaudra.

Quoi qu’il en soit, les événements de l’année écoulée ne feront que renforcer certaines tendances déjà visibles avant la crise actuelle.

Sécurité - La sécurité nationale, la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire, la cybersécurité (pour ne citer que quelques exemples) doivent désormais être une priorité bien plus grande des gouvernements et des entreprises qu’au cours de la dernière décennie. Les mauvais coups de la Russie montrent à quel point la dépendance énergétique vis-à-vis d’un partenaire erratique peut être désastreuse. La Chine devrait rester un acteur bien plus rationnel et mesuré que la Russie, mais les visées du président Xi sont clairement expansionnistes.


Sécuriser les approvisionnements

Nous anticipons une vague de dépenses de la part des gouvernements et des entreprises axée sur une plus grande sécurité des approvisionnements : qu’il s’agisse d’investissements dans les énergies renouvelables, de la relocalisation de sites de production, du soutien à de nouvelles méthodes de production alimentaire ou de la protection de secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs, les logiciels ou les biotechnologies. Une certaine polarisation entre l’Occident et l’Orient semble inévitable dans ces domaines.

Nous nous concentrons sur les entreprises capables de prospérer dans un environnement difficile, et ce moyennant un niveau de risque raisonnable. Bon nombre d’entre elles appartiennent aux secteurs susmentionnés, dont les taux de croissance structurelle sont clairement plus élevés qu’auparavant.

En parallèle toutefois, au gré de la maturation du marché baissier, nos analyses nous amènent à considérer des marchés boudés depuis un temps, comme le Japon.

Nous vous laissons sur cette révélation insolite que, grâce à une faible hausse des salaires et une monnaie très compétitive, il est aujourd’hui moins cher de recruter un ingénieur logiciel à Tokyo qu’à Bangalore.

Il y a toujours des opportunités quelque part dans le monde.

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