Trump est-il vraiment si inflationniste pour les Américains ? (Richelieu Gestion)
Si les guerres se sont poursuivies et intensifiées en Ukraine et au Moyen-Orient, la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine a levé une incertitude majeure pour la conjoncture mondiale. Trump pourrait être plus flexible sur certains dossiers selon la priorité politique, même s’il ne changera pas d’avis sur les tarifs douaniers, l’immigration et les alliances. Tout ce qu’il fera doit satisfaire le consommateur américain et Trump veut maintenir sa popularité et être identifié comme celui qui met en place des solutions. En ce qui concerne les consommateurs US, dans les différents sondages, les principaux enjeux de crispation sont l’inflation et la Chine. Sur le premier enjeu, le nouveau président ne prendra pas le risque d’une hausse nouvelle vague de hausse des prix. La baisse des prix de l’énergie et la hausse du dollar peuvent permettre de diluer l’impact inflationniste de son programme.
Sur le deuxième enjeu, les relations avec la Chine seraient plutôt un rééquilibrage à marche forcée en vendant davantage de biens américains aux chinois pour rééquilibrer la balance commerciale. Le grand perdant actuel pourrait être l’Europe qui a moins d’arguments : sa balance courante lui est largement favorable et elle a profité de la croissance américaine. Les américains peuvent exercer une pression supplémentaire géopolitique à moindre coût du fait du conflit en Ukraine. L’instabilité politique des deux leaders européens vient parfaire cette fragilité globale. Pour l’instant, la seule réaction de l’union européenne vient d’Ursula von den Leyen en proposant à Donald Trump de remplacer le gaz russe par du gaz américain. Le recalibrage des politiques monétaires, le niveau de disparité des performances économiques et le retour du protectionnisme sur le devant de la scène internationale remettent les équilibres de change au centre de l’attention.
L’économie américaine résiste encore et toujours, ce qui permettra à la Fed de temporiser en 2025
Les statistiques américaines ont une nouvelle fois témoigné de la résilience de l’économie, en particulier grâce à la consommation des ménages. Les promesses de campagne du candidat Trump sont de nature à poursuivre l’amélioration de leur situation financière nette.
En effet, les baisses d’impôts permettraient la poursuite du redressement de leur pouvoir d’achat (Trump souhaite pérenniser les baisses d’impôts sur les revenus entérinées par le Tax Cuts and Jobs Act, entrés en vigueur en 2018 et arrivant à échéance en 2025, il souhaite également défiscaliser les salaires à pourboire, les heures supplémentaires et les versements faits par la Sécurité Sociale).
La politique du forage pétrolier à tout prix, prônée par Trump, devrait peser sur les prix du pétrole et aider au reflux des prix à la pompe, de quoi renforcer la désinflation déjà bien engagée toutes choses restant égales par ailleurs. Le ralentissement du marché de l’emploi se poursuit tandis que les différentes données d’enquêtes à notre disposition (en particulier, le Senior Loan Officer Opinion Survey – SLOOS – du FED au 3T24) montrent que les conditions financières restent restrictives, pesant sur la demande.
Les Américains continuent de dépenser leurs excédents de revenus (salaires réels positifs, faible taux d’épargne), ce qui permettra de soutenir la croissance ces prochains mois et de compenser une situation moins favorable dans l’industrie. Cette dernière est toujours affectée par la faiblesse de la demande mondiale et des conditions de financement élevées. Cependant, deux indicateurs soulignent d’ores et déjà un effet Trump dans l’industrie. En effet, l’enquête manufacturière de la Fed de Philadelphie est de nouveau en contraction en novembre mais l’enquête « anticipations » explose et revient à son plus haut niveau depuis juin 2021. On voit là le surplus d’optimisme des dirigeants d’entreprises post-élection de Trump. De plus, l’enquête manufacturière de la Fed de Kansas City repart un peu à la baisse en novembre du fait de la baisse de l’activité sur le mois et des nouvelles commandes. En revanche, les perspectives d’activité sont en hausse et l’emploi reste solide.
Les trois principaux piliers du programme de Donald Trump (lutte intraitable contre l’immigration clandestine, hausse massive des tarifs douaniers et remise en cause de l’indépendance du FED) représenteraient, s’ils étaient adoptés, un nouveau choc inflationniste pour les Etats-Unis, surtout que la croissance économique outre Atlantique continue d’évoluer au-delà de son potentiel.
Au-delà des premiers commentaires simplistes sur les programmes de Trump et la crainte d’une autre vague d’inflation, on imagine mal le nouveau président jouer cette partition qui a provoqué la chute des démocrates dans l’opinion publique.
En dépit d’une forte croissance, l’inflation et la répartition inégale des revenus ont pesé dans le résultat de l’élection présidentielle américaine. Les hausses de tarifs douaniers, les baisses d’impôt provoqueront indéniablement ce mouvement. Cependant, la baisse de l’énergie, un dollar fort, la dérégulation, une stabilisation de l’immobilier et une réforme de l’administration orchestrée par un Elon Musk « volontaire » pourraient créer un parfeu pour stabiliser l’inflation afin de permettre à la Fed de continuer dans sa politique plus accommodante malgré tout.
La hausse des taux longs récente a été due principalement aux taux réels et, de manière plus marginale, aux inflations anticipées ce qui démontre l’accent mis sur la croissance.
Concernant les effets inflationnistes possibles de la mise en œuvre de la politique économique de la nouvelle administration, J Powell a bien indiqué à l’occasion de son discours ayant suivi le FOMC du 7/11 que ceux-ci restaient largement spéculatifs pour le moment.
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L’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, carburant à la croissance économique américaine pour les prochains mois
L’économie américaine devrait donc se poursuivre, permettant à la Fed de se montrer plus prudente dans la conduite de l’assouplissement de sa politique monétaire mais sans remettre en cause le mouvement. L’inflation continue de décélérer et les effets des politiques Républicaines ne se feront pas sentir avant le vote du prochain budget, de quoi permettre au FED de poursuivre graduellement sa baisse des taux. L’institution ne devrait pas remettre en cause la baisse des taux directeurs de 25 pb sur laquelle nous tablons en décembre car compte tenu de la rechute déjà amorcée de l’inflation, le niveau actuel des taux directeurs est devenu trop restrictif. Nous tablons sur une baisse de 25 bps en décembre et de 3 baisses voire 4 en 2025. La Fed devrait pouvoir temporiser ensuite et estimer les effets des politiques économiques qui seront mises en œuvre par Donald Trump sur l’inflation et le marché du travail. Nous considérons que J Powell ne doit pas mener une politique qui va complètement à l’encontre des mesures du président Trump au risque de voir en 2026 un remplacement beaucoup trop asservi à ce dernier. Le taux d’équilibre devrait être de 3,75%-4% au T2-2025 et rejoint notre scénario initial.
Lire l'analyse complète de Alexandre Hezez, Stratégiste Groupe Richelieu
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