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Un facteur influençant la validité de ces évaluations est que les entreprises sont évaluées en partie sur la base des informations qu'elles publient elles-mêmes. Le cas de Volkswagen, autrefois considéré comme un leader en développement durable, illustre cette dynamique jusqu'à l'éclatement du scandale environnemental du « Dieselgate » en septembre 2015.
Dans ce contexte, les données sur les controverses ESG, évaluées à partir de sources médiatiques indépendantes par les fournisseurs de données ESG, jouent un rôle crucial dans les évaluations ESG. En filtrant et synthétisant la couverture médiatique, ces fournisseurs permettent aux investisseurs de gagner du temps et de simplifier la complexité des données liées aux controverses ESG.
Mais ce service est-il exempt de tout biais ? Les fournisseurs de données ESG et les médias agissent comme des intermédiaires d'information, et leurs choix respectifs en matière de filtrage des informations pertinentes influenceront l'évaluation des performances non financières des entreprises par les investisseurs.
Actuellement, les données sur les controverses ESG sont largement utilisées sans examen approfondi sur la manière dont ces données sont compilées. Cette étude vise à combler cette lacune en examinant comment les sources médiatiques sont sélectionnées par les fournisseurs de données ESG lors de l'échantillonnage des controverses ESG.
Cette étude adopte une approche analytique à deux volets. Tout d'abord, les auteurs analysent la base de données des controverses ESG de Vigeo-Eiris, qui repose sur l'examen de 10 000 mises à jour de controverses entre 2000 et 2019, afin d'identifier les tendances et les schémas liés à la portée géographique et à l'utilisation linguistique des fournisseurs d'informations ESG.
Ensuite, ils procèdent à une analyse de cas centrée sur les activités kazakhes de l'entreprise sidérurgique ArcelorMittal, en comparant la couverture médiatique nationale avec les informations sur les controverses rapportées par trois grands fournisseurs d'informations ESG.
Pour évaluer les divergences entre les sources d'information, les auteurs comparent la couverture de la mauvaise conduite de l'entreprise en matière d'ESG par ces fournisseurs.
Les auteurs se concentrent sur Tengrinews, un journal local et en ligne en russe, qui couvre les activités kazakhes d'ArcelorMittal. Cette combinaison de perspectives permet d'obtenir une compréhension plus complète des biais de sélection des médias sous-tendant les évaluations ESG basées sur les controverses.
Parmi les 1 605 médias différents à l'origine des rapports de données sur les controverses, la représentation n'est pas équitable dans l'échantillon. Les sources médiatiques basées aux États-Unis et au Royaume-Uni représentent plus de 50 % des sources médiatiques et près de 70 % des actualités prises individuellement. Plusieurs autres pays, dont la France, le Canada, l'Inde, l'Australie et la Corée, suivent cette tendance. Il existe une similitude frappante entre les pays d'origine des sources médiatiques et ceux des entreprises impliquées dans des controverses ESG.
De plus, une écrasante majorité des actualités (92 %) est rapportée en anglais, tandis que le français représente 6 % des sources. En d'autres termes, la concentration géographique des sources médiatiques est renforcée par la pratique linguistique. Les entreprises situées dans des pays anglophones ont une probabilité plus élevée d'être couvertes par des rapports de controverse, tandis que celles situées dans des pays non anglophones ont moins de chances d'être détectées par les fournisseurs de données ESG.
Les auteurs examinent dans quelle mesure les controverses ESG locales concernant les activités d'ArcelorMittal au Kazakhstan sont couvertes par les trois principaux fournisseurs de données ESG : Vigeo-Eiris, Sustainalytics et RepRisk. Tengrinews, un important portail d'actualités en ligne kazakh, est analysé pour repérer tous les articles mentionnant l'entreprise. Sur 182 articles publiés entre novembre 2012 et juin 2019, regroupés en 60 controverses, la couverture par Tengrinews est nettement plus étendue que celle des trois fournisseurs d'informations ESG. Par exemple, sur 19 controverses liées à des incidents de travail signalés par Tengrinews (comprenant des blessures ou des décès de travailleurs), seules trois sont mentionnées par Vigeo-Eiris, deux par Sustainalytics et six par RepRisk.
Les données sur les controverses ESG semblent être fortement concentrées et orientées vers un sous-ensemble restreint de grandes sources médiatiques, principalement basées aux États-Unis et au Royaume-Uni, avec une sous-représentation notable des contenus d'information locaux et régionaux. Cette concentration des sources entraîne un biais géographique et linguistique dans les données relatives aux controverses ESG, probablement dû à l'optimisation des coûts et du temps par les fournisseurs ESG lors de la recherche des sources.
Cet état de fait constitue un obstacle à une couverture complète des controverses ESG dans les pays non anglophones. Le manque de données contribue à l'« effet de projecteur », où les grandes entreprises bien connues font l'objet d'une surveillance accrue par rapport aux plus petites entreprises susceptibles d'avoir des pratiques moins durables. Ce biais de sélection compromet la validité des données d'évaluation ESG et peut fausser les décisions liées à l'ESG.
De plus, la concentration des sources et la focalisation de l'agenda ESG risquent également d'influencer les pratiques des entreprises en matière de développement durable, encourageant des réponses centralisées à un sous-ensemble de questions prioritaires. Cela entraîne une réduction de la diversité des informations ESG et accroît les risques non financiers.
Cette étude met en lumière le biais de sélection des fournisseurs d'informations ESG résultant de la concentration des sources médiatiques, contribuant ainsi à l'ouverture de la boîte noire des évaluations de performance ESG. Pour aller plus loin, il serait utile que les recherches futures élargissent cette étude à d'autres échantillons, d'autres fournisseurs de données et d'autres contextes géographiques. Une piste prometteuse consisterait également à examiner dans quelle mesure d'autres aspects de l'évaluation des performances ESG peuvent refléter des types similaires de biais de sélection.
