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Thématiques & Alternatifs

Valorisation, timing de marché : est-ce le moment d’investir dans l’eau ? Yann Louin (Pictet AM), Henry Masdevall (Valorey Finance & Actualis Associés) et François Denis (Savinianne)

24
Apr
2024
Quel est le potentiel de croissance pour la thématique de l'eau ? Quel sera l'impact de la baisse des taux sur ces valeurs ? Les valorisations sont-elles attractives ? Peut-on considérer l'eau comme une matière première comme une autre ? Yann Louin, Senior Sales Manager chez Pictet Asset Management, répond aux questions d'Henry Masdevall, Président d'Actualis Associés et Président de Valorey Finance, et de François Denis, Conseiller en Investissements Financiers chez Savinianne.

Vincent Touraine : L'eau comme thème d'investissement, quelle pertinence dans les conditions de marché actuelles ? Niveau élevé des indices, anticipation de baisse des taux de la part des banques centrales ? C'est la troisième partie de ce Face au Marché consacré à Pictet et à sa stratégie dans l'eau. Toujours avec vous Yann Louin et nos deux experts François Denis et Henry Masdevall, qui vous pose la première question de cette dernière partie.

Henry Masdevall : L’eau c’est vital. Cette thématique ne peut que fonctionner. C'est un investissement certainement à très long terme. Quel est le potentiel de croissance à attendre dans les cinq prochaines années ?

Yann Louin : C'est une très bonne question à laquelle il est à la fois assez difficile de répondre. Ce qu'on peut regarder, c'est la performance historique de la stratégie, qui est bien meilleure que celle de l'indice actions international, malgré le fait que le fonds ne soit pas du tout composé de valeurs technologiques. Ça, c'est un fait qui est important. La stratégie arrive à suivre, voire à battre l'indice actions international sans être composée de valeurs technologiques. Ce que nous remarquons, ce qui est certainement le plus important, c'est que sur le long terme, la stratégie est à la fois surperformante par rapport à l'indice, mais aussi par rapport à toutes les composantes de l'indice en termes de rapport volatilité - performance. C'est intéressant et c'est ce qui nourrit notre réflexion lorsque nous initions de nouvelles stratégies d'investissement thématiques, c'est-à-dire que lorsque nous sommes au croisement de plusieurs grandes tendances que nous avons évoquées tout à l'heure, nous validons le fait que, structurellement, la stratégie doit être surperformante par rapport aux actions internationales. Et sur la stratégie Water, sur laquelle nous avons peut-être le plus de recul, nous validons ce fait que la stratégie est surperformante. Est-ce que ce sera la même chose sur les 15 ou 20 prochaines années ? Nous le pensons sans pouvoir l'affirmer, il est clair que le thème devient de plus en plus consensuel et que l'urgence climatique est de plus en plus importante et la pression de plus en plus forte.

VT : François Denis, votre question.

François Denis : Les actions liées au secteur de l'eau performent très bien depuis 2020, depuis le Covid, notamment en 2024 avec des performances au-delà de 9 % year-to-date. Ne sont-elles pas aujourd'hui un peu trop valorisées ? Et une question annexe, quel impact de la potentielle baisse des taux en 2024 sur cette thématique ?

YL : Trop valoriser c'est une très bonne question là aussi, c'est très compliqué de se positionner sur le niveau de valorisation. Nous avons fait le choix l'an passé ,de réduire la poche Infrastructures. Ce sont plutôt les services environnementaux qui sont des activités qui ont une très forte lisibilité qui ont cette capacité de fixer les prix aussi, d'augmenter le prix des services, notamment de ramassage des ordures, etc. puisque même si demain vous êtes dans une période difficile économiquement, Il est peu probable qu'une mairie supprime le service de ramassage des ordures par exemple. Donc ce sont des métiers assez stables, assez lisibles et sur lesquels nous pouvons nous projeter. Donc ils ont plutôt bien fonctionné dans cette phase un petit peu plus compliquée depuis 2022. Les infrastructures ont reculé parce qu'elles sont assez dépendantes des taux. Donc nous espérons que cette baisse des taux aura un impact positif sur les valorisations et certainement que nous nous repositionnerons un petit peu plus fortement.

VT : Justement, vous vous repositionnez sur quoi, là, dans l'attente de la baisse des taux ?

YL : Pour l'instant, le gros du portefeuille, ce sont les technologies hydrauliques. Donc à la fois des entreprises qui vont avoir pour vocation de réduire le nombre de fuites. Par exemple en France, 20 % de l'eau traitée partent dans les fuites. Chaque année en France, nous remplissons le lac d'Annecy. En Italie, c'est 40 %, c'est deux fois plus. C'est problématique parce que les canalisations des pays développés sont globalement très vieillissantes. À Paris, c'est moins le cas, parce qu'elles datent du Second Empire mais dans les campagnes françaises, ce sont des réseaux en PVC installés après-guerre, qui sont assez friables, qui sont plutôt fragiles. En Angleterre, c'est un réseau qui date de 1875, qui est plutôt fragile aussi. Et dans les pays en voie de développement, ces canalisations ne sont pas encore installées. C'est le cas de l'Inde, du Pakistan qui ont beaucoup souffert des sécheresses. Narendra Modi, le Premier ministre de l'Inde ,avait mis en place en 2018, un plan "Toilette" pour investir massivement dans ce secteur.

VT : Mais ça, dans un contexte de baisse des taux, c'est porteur ?

YL : Oui parce qu'il y a cet impact des taux, ce sont des entreprises endettées, qui globalement s'endettent à hauteur de 100 voire 110 % et qui se remboursent sur la vente de mètres cubes d'eau à horizon 25-30 ans, généralement indexés à l'inflation, mais ça il y a des différences entre les concessions européennes et les modèles anglo-saxons qui font toute la particularité de la stratégie.

HM : L'eau peut être considérée comme une matière première. Pouvons-nous spéculer sur une matière première comme l'eau ?

YL : C'est une très bonne question. Des contrats sur l'eau ont été mis sur le marché en Australie et en Californie, deux régions particulièrement touchées par l'aridité des sols parce qu'il y a des droits particuliers liés à l'agriculture, notamment aux Etats-Unis avec les water rights, les agriculteurs ont le droit de prélever l'eau d'une rivière sans contrainte. Toutes les associations écologiques étaient favorables à la mise en place de ces contrats sur l'eau, donc à cette capacité de vendre des droits à consommer de l'eau aux Etats-Unis et en Australie, qui ont permis également d'éviter certains effondrements de sol ou certaines problématiques environnementales. Mais chez Pictet, nous ne touchons pas à ces contrats, ce n'est pas du tout la vocation du fonds. Nous investissons dans les entreprises qui ont vocation à trouver des solutions en matière de technologies, d'infrastructures, mais nous n'investissons pas sur la matière première.

VT : Petite question pour finir.

FD : Est-ce que la décollecte récente sur les fonds ESG impacte votre fonds Pictet-Water et plus globalement la thématique ?

YL : Nous n'avons pas constaté de décollecte sur le fonds, sur la stratégie Water, donc ça n'a pas d'impact concernant Pictet. C'est un fonds généralement souscrit assez régulièrement, c'est le fonds sur lequel nous avons le plus de flux réguliers, en tout cas d'investissements programmés, donc c'est vrai que c'est un fonds qui a cet avantage de moins décollecter dans les phases plus compliquées de marché parce que les clients comprennent la thématique et il est assez compliqué dans une logique de transmission d'un patrimoine notamment de sortir d'un fonds investi sur l'eau.

VT : Ce sera le mot de la fin. Nous essayons ne pas trop déborder pour garder l'analogie avec l'eau. Merci à tous les trois d'y avoir participé. Yann Louin, Senior Sales Manager chez Pictet Asset Management Henry Masdevall, Président d'Actualis Associés et Président de Valorey Finance et François Denis, pour sa première émission Face au Marché, Conseiller en Investissement Financier chez Savinianne. Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. Nous nous retrouvons bientôt pour une prochaine émission.

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