Retour
Actualités du patrimoine

Carnet de voyage sur le Moyen Orient (Gemway Assets)

31
Mar
2023

Au début du mois de mars, notre boussole a pointé vers les pays du Golfe.

Durant une semaine, nous avons rencontré une vingtaine de sociétés à Doha, Riyad, Abu Dhabi et Dubaï. Au Qatar nous nous sommes entretenus avec les principales banques du pays (QNB, Masraf, QIB, QSB) ainsi qu'avec Nakilat, le principal transporteur de gas liquéfié. En Arabie Saoudite, nous avons visité un des hopitaux d'Al Hammadi, le centre commercial Nakheel, testé les restaurants d'Americana, visité le centre scolaire de NCLE et rencontré l'assureur Tawuniya, les sociétés de consommation Almarai et Jarir ainsi qu'Al Arabia (le JC Decaux local). A Abu Dhabi, nous avons visité AD Ports (principal opérateur portuaire et logistique du pays), ADIB (première banque de l'Emirat), Adnoc Distribution (stations essence) et Yahsat (opérateur satellite). A Dubaï, nous avons été accueillis par SE Saïd Mohammet Al Tayer, CEO de DEWA, l'opérateur de services collectifs (eau et éléctricité). Nous avons également rencontré le promoteur immobilier Emaar Properties, la banque Emirates NBD et Salik, la concession autoroutière de l'Emirat.

Premier constat : la région demeure extrêmement dynamique. Afin d’atténuer la vulnérabilité de la région au cycle économique mondial et au pétrole, les dirigeants régionaux ont mis en place des fonds souverains conséquents (cf. le tableau ci-dessous). Ceux-ci permettent aux gouvernements d’investir localement dans de nouveaux domaines d’activités et de se diversifier à l'international. Par ailleurs, nous constatons une certaine rivalité entre les capitales émiraties pour attirer les étrangers (touristes et investisseurs).

Le Royaume d’Arabie Saoudite est la première économie de la région avec 36M d’habitants, plus de 1tr$ de PIB et 1,1tr$ en actifs souverains. C’est aussi le marché financier le plus profond avec 270 titres cotés (encore plus à venir) et une capitalisation boursière (hors Aramco) environnant 70% du PIB. Notre premier voyage dans la région date de janvier 2020. Aujourd'hui, à l'occasion de notre 3ème visite, nous constatons un changement notable. La vision 2030, un plan de développement mis en place en 2016 à l’arrivée aux commandes du Prince héritier Mohammed Bin Salmane, continue de façonner le pays.

En premier lieu, on constate une ouverture sans précédent de la société civile jeune et éduquée. Les cinémas, restaurants et parcs d’attraction deviennent des destinations de choix pour les familles saoudiennes. Le plan prévoit un budget pour divertissements de 10Md$ à déployer d’ici 2030, un ministère dédié en étant chargé. Nous avons pu visiter d’une part Boulevard, un nouveau parc à thème ouvert en 2022 et d’autre part, Al Diriyah, un quartier de l'ancienne ville Ad Diriyah (cf. tableau des projets ci-dessous et photo à droite). Dans les deux cas, nous aons été surpris par l’affluence des visiteurs locaux et notamment dans le parc à thème, malgré le ticket d’entrée à 30$.

En second lieu, les projets d’infrastructure vont bon train notamment dans la capitale dont la population devrait passer de 7,7M d'habitants actuellement à 15M d’ici 2030. Le plan urbain doit être repensé et de nouveaux quartiers créés. Cette densification de la population est une thématique d’investissement intéressante notamment à travers le secteur de la consommation, de la santé et de l'éducation. Par ailleurs, de nombreux autres projets d'infrastructure sont sur la table (cf. tableau ci-contre). Ce faisant, les autorités saoudiennes ont également comme objectif de réduire le poids économique de l'Etat et n'hésitent pas à faire appel aux entreprises privées locales et étrangères pour rendre possible l'exécution des projets.

Les Emirats Arabes Unis (UAE) comptent 7 émirats dont deux principaux: Abu Dhabi et Dubaï. Le premier est riche en hydrocarbure et cherche à se diversifier dans le domaine industriel, le second est devenu la principale place financière de la région. En termes de PIB, les Emirats sont la moitié de l'Arabie Saoudite mais leurs fonds souverains dépassent largement leurs homologes saoudiens. Ainsi, ils sont plus actifs en investissements extérieurs. Pour les étrangers la région est très attrayante du point de vue fiscal. Cependant, un impôt de société devrait être introduit dès juin 2023. Il va varier de 9 à 15% en fonction de la taille de l'entreprise. L'impact sur l'activité est à surveiller en 2024.

Le Qatar, pays de 2,8M d’habitants, dont seulement 400,000 qataris, est la 3ème économie du GCC. Actuellement, le pays digère la frénésie de la Coupe du Monde et se pose la question de la suite. Les rues de Doha sont calmes. Les banques rencontrées évoquent le peu d’appétit des entreprises pour emprunter, ces dernières étant plutôt dans un cycle de remboursement. La liquidité dans le système abonde. Déjà premier exportateur de gaz liquéfié au monde, le Qatar devrait voir sa part de marché mondiale progresser considérablement avec le développement du champs gazier North Field. La production passerait de 77 mmtpa en 2020 (21% de la demande mondiale) à 126 mmtpa d’ici 2027 (26%).

Focus valeur : Tawuniya (Capi. boursière: 3,2Md$; CA: 3Md$) 

Tawuniya (ou Company for Cooperative Insurance), est le second assureur privé saoudien avec 25% du marché. La société, établie en 1986, génère 77% de ses primes de l’assurance maladie, 6% de l’automobile et le reste de l’assurance générale. Bien qu’affecté par la COVID 19, le marché reste porteur. Le plan Vision 2030 compte le secteur de la santé et notamment l’assurance médicale parmi les bénéficiaires du retrait des services publics. Le plan prévoit de faire passer les Saoudiens assurés par le système public vers le système privé. Actuellement l’assurance privée compte 12M de clients: 7,5M d’expatriés et 4,5M de saoudiens. D’ici 2030 entre 12 à 15M de personnes devraient rejoindre le secteur privé. Déjà en 2022, la population assurée a progressé de 18%. Par ailleurs, un changement législatif récent devrait permettre aux assureurs de s’intégrer verticalement en investissant le segment des cliniques et des hôpitaux.

Lors de notre entretien, le PDG de Tawuniya a partagé son souhait de lancer des cliniques afin d’améliorer le ratio des pertes médicales (coûts des soins/primes) actuellement à 87%. A titre de comparaison, le ratio s’élève à 73% pour un acteur intégré comme Hapvida au Brésil. Le marché de l’assurance médicale est très consolidé avec deux acteurs se partageant 77% du marché des primes d’assurance : Bupa 46% et Tawuniya 31%. Concernant l'assurance auto, seulement 50% des voitures sont assurées soit 7M de véhicules alors que l’assurance est obligatoire. A mesure que les grandes villes comme Riyad se densifient, la mise en application de la loi devient plus stricte. Par ailleurs, le coût de l’assurance, qui représente environ 5% de la valeur du véhicule n’est pas prohibitif. En somme, les deux segments de l'assurance ont été fortement affectés pendant les deux années de pandémie. Ils restent cependant structurellement bien orientés, ce qui favorise les acteurs du secteur tant au niveau de la croissance des primes qu'au niveau de la profitabilité. Ainsi les primes souscrites devraient croitre de 15% par an en moyenne d’ici 2024, et le profit de 28%.

Focus valeur : Abu Dhabi Ports (Capi. boursière: 8,6 Md$; CA: 1,5 Md$)

AD Ports est l'un des principaux acteurs logistiques des Emirats Arabes Unis. Il est détenu à hauteur de 75% par le gouvernement d’Abu Dhabi au travers de son fonds souverain ADQ. AD Ports contribue à 21% au PIB non pétrolier d'Abu Dhabi et s’inscrit dans le plan de diversification de l’activité économique nommé Vision Economique 2030. L’écosystème de la société comprend cinq activités : la propriété et la gestion de 13 ports (Abu Dhabi, Egypte et Guinée), la gestion de parcs industriels et d'une zone franche (EC & FZ) à Abu Dhabi, une activité de logistique, et enfin des services maritimes et des solutions numériques (ex : logiciel de gestion de la chaine logistique). Ainsi la société gère plus de la moitié du foncier industriel de l’Emirat et opère son principal port, Khalifa dont la capacité de manutention devrait doubler d’ici à 2030 à 15M TEU. Près de 65% du chiffre d’affaires est contracté à long terme (25-30 ans) ce qui assure une source de revenus relativement prévisible, avec seulement 10-15% du chiffre d’affaires liés au cycle économique selon la direction. La société, fondée en 2006, a connu une forte croissance de 27% par an entre 2018 et 2021, portée à la fois par l'expansion organique et les acquisitions. En février 2022, la société a été introduite en bourse et a levé 1,1 Md$. En tant que champion régional, la société a un objectif de croissance ambitieux: chiffre d’affaires en hausse de 25-30% par an entre 2022 et 2027; EBITDA +20-25%; 4 Md$ d'investissements productifs. Du fait d’investissements massifs, la société ne génère pas de FCF positif pour le moment. Aussi, afin de financer l'expansion, le niveau d'endettement pourrait atteindre 5x ND/EBITDA (vs. 2x actuellement) sans détériorer le coût de financement car la société bénéficie de la notation souveraine de l'Emirat, (A+ par S&P). La croissance externe est également à l’étude avec un focus sur l’Inde, l’Asie du Sud Est, la Chine, la Turquie et l’Egypte comme principaux marchés. Sur le plan concurrentiel, la compétition provient surtout des gouvernements avec l’Arabie Saoudite, le Qatar et Dubaï (DP World) parmi les plus ambitieux. Néanmoins la direction pense qu’il y a de place pour tout le monde étant donné la taille du marché.

>> Lire l’analyse

Partager :

À découvrir

Graph du jour

Découvrez notre sélection de graphiques

Contributeurs

Club patrimoine
Discover the vision of the financial media of tomorrow
Pour aller plus loin

Inscrivez-vous à la newsletter
Club Patrimoine

Parcourez nos catégories