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Droit

Décès du dirigeant d’entreprise parent d’enfant mineur. Audrey Ferry, Responsable de l’Ingénierie Patrimoniale (Bordier & Cie)

13
Apr
2023

Nombreux sont les dirigeants de société, parents de jeunes enfants, à s’interroger sur les conséquences de leur décès par rapport à leur société. Leur enfant mineur sera-t-il associé de la société ? Qui le représentera pour voter lors des assemblées générales ? Qu’est-ce que le dirigeant peut organiser de son vivant pour faciliter la transmission ainsi que la gestion de ce patrimoine si spécifique ?

La situation de l’enfant mineur va dépendre de son autre parent :

- s’il est toujours en vie, alors il devient administrateur légal de l’enfant et il bénéficiera à ce titre du droit de jouissance des biens du mineur, soit par exemple, le droit de percevoir les dividendes versés par la société. Cette situation pourrait ne pas convenir au dirigeant d’entreprise séparé ou divorcé ;

- s’il est décédé, un tuteur sera désigné par le Conseil de famille (organe collégial composé de membres de la famille ou de proches de l’enfant, choisis par le juge des tutelles).



La qualité d’associé ou d’actionnaire, sera reconnue à l’enfant mineur en présence d’une société civile, d’une SARL, d’une SAS ou encore d’une SA. Cependant, pour certaines sociétés dont les associés ont la qualité de commerçant (société en nom collectif ou société en commandite simple ou par actions), le mineur ne pourra pas être associé.

Pour exercer ses droits en tant qu’associé (ou actionnaire), le mineur ne pourra pas agir personnellement, il sera représenté par son parent, administrateur légal, ou par un tuteur s’il est sous tutelle. En pratique, l’administrateur légal (donc l’autre parent) pourra voter au nom de l’enfant mineur. En revanche, le tuteur devra obtenir l’accord préalable du juge, pour certaines décisions : par exemple un vote en assemblée générale portant sur la modification des statuts ou la dissolution de la société, sauf si ces décisions n’ont que de faibles conséquences sur le patrimoine du mineur.

Heureusement il est possible d’anticiper ces situations et de prévoir différents schémas :

Legs ou donation sous condition d’administration par un tiers (article 384 du Code civil) : cette faculté est particulièrement intéressante puisqu’elle va permettre d’écarter :

- soit l’autre parent dont le dirigeant peut être séparé ou divorcé ou qu’il juge incompétent pour gérer le patrimoine de l’enfant mineur, 

- soit le juge des tutelles pour prendre certaines décisions.


Ainsi, est-il possible de désigner un tiers qui aura pour mission d’administrer les biens du mineur dans les conditions prévues par le testament ou la donation. Cet administrateur peut recevoir des pouvoirs plus étendus que ceux de l’administrateur légal donc par exemple vendre les titres de la société reçus par l’enfant. Ce dispositif est fréquemment utilisé dans les opérations de transmission d’entreprise en cas de donation avant cession des titres d’une société à un enfant mineur.
 

Tutelle testamentaire : lorsque les deux parents d’un enfant mineur décèdent, un tuteur est désigné, sauf si les parents avaient choisi par avance, par testament, un tuteur. Seule la désignation faite par le parent survivant sera efficace.

Il est possible de désigner un tuteur aux biens (dont la mission sera de gérer le patrimoine de l’enfant pendant sa minorité) et un tuteur à la personne (qui sera en charge de l’éducation de l’enfant, de sa santé et de son entretien).

Le choix du tuteur est libre : un membre de la famille ou un ami. Il est désigné pour la durée de la minorité et possède les mêmes pouvoirs qu’un tuteur légal. Il est conseillé de prévoir un second tuteur au cas où le premier soit décédé ou refuse sa mission. Trouver la bonne personne est parfois difficile.

Ce sujet est peu abordé pourtant il concerne tous parents d’enfants mineurs et pas seulement le chef d’entreprise.
 

Mandat à effet posthume : ce mandat permet de désigner une personne qui sera chargée après son décès, de gérer son patrimoine pour le compte et dans l’intérêt des héritiers. Le mandataire entre en fonction au décès du dirigeant (le mandant) et le mandat dure en principe 2 ans, voire 5 ans s’il est réalisé en raison de la minorité d’un héritier ou en présence d’une société. Le mandat prend fin notamment en cas de cession de la société.
Le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime qui peut être soit lié à la composition du patrimoine, soit lié à la qualité des héritiers. Le mandat est donc justifié en présence d’une société ou d’héritier mineur.

L’idée est de faciliter la gestion de l’entreprise après le décès, période qui peut être compliquée. Le mandataire n’aura pas le pouvoir de diriger la société mais il aura les prérogatives d’un associé donc le droit de vote. Il pourra par exemple voter la distribution des dividendes. Bien entendu, ce sont les héritiers qui percevront les dividendes en leur qualité d’associé.

Il est recommandé de prévoir un mandataire remplaçant, au cas où le premier décède ou renonce au mandat. Il est aussi envisageable de désigner un mandataire pour gérer la partie société et un mandataire pour gérer le reste du patrimoine.
 

Aménager les statuts : il est permis de prévoir un dirigeant successif dans les statuts de la société en cas de décès du dirigeant actuel. Cela permet d’éviter une situation de vacance qui pourrait s’éterniser et être pénalisante pour l’activité de la société. Cet aménagement est autorisé lorsqu’il s’agit d’une société civile ou d’une SAS mais ne sera pas possible en cas de SARL (la loi impose que cette décision soit prise par les associés), ni dans le cadre d’une SA (désignation par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance).

Pacte Dutreil : est un dispositif fiscal de faveur, puisqu’il permet une exonération de 75% de la valeur de l’entreprise transmise, compatible avec la présence d’enfant mineur.  Il est donc recommandé de signer un engagement de conservation des titres à utiliser le moment venu (décès du dirigeant ou souhait de réaliser une donation) pour limiter le coût fiscal de la transmission. Une des conditions du dispositif Dutreil est l’exercice d’une fonction de direction, fonction qui pourra être assurée par un membre signataire de l’engagement collectif de conservation (une personne physique majeure ou une personne morale).

Assurance Homme clé : cette assurance décès permet de compenser les conséquences financières subies par la société en cas de décès de son dirigeant. La société est souscriptrice et bénéficiaire de ce contrat de prévoyance.

De nombreux dispositifs existent pour répondre à chaque cas de figure. Il ne faut pas hésiter à en parler avec ses conseils, pour anticiper ces sujets si importants.
 

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