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Analyses de marchés

Les élections ont-elles une incidence sur les marchés ? (Franklin Templeton)

11
Apr
2024
Les prochaines élections présidentielles américaines dépassent la simple rivalité politique. Stephen Dover, directeur du Franklin Templeton Institute, examine les différences entre les politiques des principaux partis et leurs implications potentielles sur les marchés des capitaux dans les années à venir. Il cherche également à savoir si les élections et leurs résultats ont eu un impact significatif sur les marchés d'actions ou si d'autres facteurs ont été plus déterminants.

Les élections présidentielles américaines de 2024 sont désormais lancées, du moins en ce qui concerne les principaux partis. Le président Joe Biden se représentera, et l'ancien président Donald Trump le défiera. Plusieurs autres candidats notables, issus de partis tiers (ou « sans étiquette »), figureront également sur les bulletins de vote de nombreux États et pourraient faire la différence en novembre, comme en témoigne l'histoire des élections américaines.

Cet article n'a cependant pas pour objectif de déterminer quel candidat est susceptible de remporter la victoire, ni quel parti détiendra la majorité après les élections au Sénat ou à la Chambre des représentants des États-Unis. Notre intention est plutôt de présenter une synthèse des principales différences politiques entre les grands partis et de tirer des conclusions générales sur les conséquences des différents résultats politiques pour les marchés de capitaux cette année et l'année prochaine.


Préparer le terrain

Tout d'abord, bien que les deux principaux partis présentent des différences politiques apparemment claires, aucun des candidats à l'élection présidentielle n'a encore présenté un programme politique complet. En général, cette étape intervient à l'occasion des conventions des différents partis, en juillet (pour les Républicains) et en août (pour les Démocrates). Néanmoins, il est possible de mettre en évidence des différences probables, présentées notamment dans l'Illustration 1.


Quid d'un gouvernement divisé ?

Le pouvoir présidentiel est toutefois relativement limité dans le domaine législatif, à moins que la majorité des deux chambres du Congrès (c'est-à-dire le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis) ne soit du même parti que le président. Et comme la politique américaine est devenue plus partisane ces dernières années, le vote de diverses lois, notamment sur les dépenses de défense, les crédits, la fiscalité et l'immigration, a été bloqué par la division du gouvernement. Par conséquent, les programmes peuvent souvent être partiellement ou totalement édulcorés si le parti du président n'est pas majoritaire au Sénat et à la Chambre des représentants.

Il y a cependant un domaine dans lequel il est probable qu'une législation soit adoptée en 2025, même si les élections de 2024 aboutissent à un gouvernement divisé à Washington, DC. Il s'agit de la fiscalité fédérale.

En effet, des pans entiers de la loi sur les réductions d'impôts et les emplois (Tax Cuts and Jobs Act, ou TCJA) signée par le président Trump en 2017 expireront automatiquement fin 2025. À moins qu'une loi ne réponde à ce problème et que le président en poste en 2025 ne la signe, les impôts augmenteront pour de nombreux Américains, un scénario que les deux partis souhaitent éviter.

Concrètement, la plupart des ménages américains paieront des taux marginaux d'imposition plus élevés et bénéficieront d'une déduction standard plus faible si la TCJA expire sans avoir été modifiée fin 2025. En outre, le niveau d'imposition des successions au niveau fédéral sera divisé par deux si aucune nouvelle législation n'est adoptée l'année prochaine. En revanche, la plupart des modifications apportées à l'impôt sur les sociétés, à l'exception de l'« amortissement de bonus », ne s'éteindront pas automatiquement en 2025.

Comme nous l'avons vu, les députés sortants des deux partis auront à cœur d'éviter qu'un grand nombre d'Américains ne subissent des hausses d'impôts en 2025. Par conséquent, quelle que soit l'issue des élections américaines qui se tiendront cet automne, nous nous attendons à ce que le Congrès et le président, quel qu'il soit, trouvent un moyen de faire bénéficier au moins la majorité des contribuables d'une grande partie, voire de la totalité, des dispositions de la loi de 2017. Les deux partis semblent s'accorder sur la nécessité de ne pas augmenter les impôts des contribuables dont les revenus sont inférieurs à environ 400 000 USD.


Déficits budgétaires et taux d'intérêt

À moins de relever d'autres impôts, cela signifierait que la réduction du déficit, si tant est qu'il y en ait une, reposerait sur une réduction des dépenses. Or, en l'absence de mécanismes de réforme des grands programmes obligatoires que sont la sécurité sociale et l'assurance-maladie, qui comptent parmi les programmes gouvernementaux les plus populaires au sein des deux partis, il sera difficile de réduire le déficit, selon nous. En effet, les dépenses obligatoires, auxquelles s'ajoutent les intérêts de la dette nationale, représentent plus de 70 % des dépenses totales du gouvernement fédéral.1 Le budget de la défense représentant la moitié des dépenses discrétionnaires restantes, le Congrès et le président auront du mal à trouver les coupes nécessaires pour résorber le déficit.

Cela ne signifie pas pour autant que les déficits budgétaires doivent augmenter en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Ils sont en baisse depuis deux ans et, à moins d'une récession économique, le déficit fédéral devrait se stabiliser, voire diminuer encore légèrement par rapport au PIB.

De ce fait, et compte tenu de la forte probabilité que la baisse de l'inflation permette à la Réserve fédérale d'abaisser ses taux d'intérêt cette année et l'année prochaine, les rendements des obligations d'État devraient diminuer, quels que soient le président élu et le parti qui contrôlera le Congrès.


Conséquences pour les marchés de capitaux

D'un point de vue macroéconomique, budgétaire ou monétaire, il nous est donc difficile de conclure que le choix du président américain ou le changement de majorité au Congrès (le cas échéant) aura un impact significatif sur des variables telles que la croissance, les bénéfices agrégés ou les taux d'intérêt – des facteurs clés qui déterminent les rendements globaux des marchés de capitaux.

Cela ne signifie pas pour autant que les primes de risque demeureront faibles. La contestation du résultat d'une élection, et a fortiori une crise constitutionnelle, aurait vraisemblablement des conséquences graves à court terme, voire à long terme, sur la manière dont les investisseurs nationaux et internationaux évaluent le risque-pays des États-Unis. Si la division du gouvernement en 2025 devait se traduire par un risque récurrent de blocage du gouvernement et de défaut de paiement, cela aurait également des conséquences négatives sur l'évaluation des risques.

Mais si les élections ont un impact sur les décisions d'investissement, il est plus probable que ce soit au niveau des secteurs et des industries. Un « grand nettoyage » par Trump et les Républicains, par exemple, profitera probablement à de nombreux secteurs aujourd'hui plus lourdement réglementés, tels que la finance, les soins de santé et l'énergie carbonée (pétrole, charbon et gaz). Par ailleurs, les bénéficiaires d'une victoire de Biden et des Démocrates pourraient être les secteurs de l'énergie alternative et des infrastructures.

Nous ne sommes pas convaincus que les performances enregistrées par le passé suite aux élections organisées à Washington (voir Illustration 2 ci-dessous) puissent constituer des guides utiles pour les investisseurs d'aujourd'hui.

Les deux partis ont considérablement changé depuis cette dernière décennie, et encore plus profondément depuis plusieurs dizaines d'années. Une plus grande proportion de la base électorale du parti républicain est constituée de cols bleus, de populations avec un faible niveau de revenus et d'éducation, des segments généralement moins intéressées par la déréglementation, les réductions d'impôts, le libre-échange ou l'orthodoxie en matière de politique budgétaire et monétaire que l'électeur républicain type d'Eisenhower ou de Reagan. Le parti Démocrate a bénéficié d'un plus large soutien des « élites » ayant fait des études supérieures, y compris dans le monde des affaires, de la finance et de la technologie, et s'est davantage diversifié qu'il ne l'était à l'origine, très proche de la classe ouvrière, dans les années 1930 et 1940. En conséquence, ses politiques ne sont plus aussi « anti-business » que ce que l'on croyait autrefois.

En outre, les niveaux élevés actuels de valorisation des marchés d'actions (supérieurs aux normes à long terme) et des bénéfices (supérieurs aux moyennes à long terme) indiquent que les rendements globaux des marchés d'actions seront probablement plus faibles au cours des 5 à 10 prochaines années que durant le premier quart de siècle de ce millénaire. Le ou les partis au pouvoir pourraient bien sûr aggraver ou améliorer la situation, mais les perspectives d'une progression soutenue des actions risquent de ne pas être favorables, quel que soit le vainqueur.

Notre analyse des trois années précédant la présidence Trump, des trois premières années du mandat du président Trump et des trois premières années du mandat du président Biden nous permet de tirer quelques conclusions essentielles sur l'environnement actuel :

1. les valorisations initiales des marchés d'actions et de crédit sont plus élevées ;
2. les taux d'intérêt se situent à un niveau initial nettement supérieur ;
3. les prévisions de bénéfices sont en hausse, tandis que celles du PIB sont en baisse ;
4. la confiance des consommateurs est en recul.

Qu'en est-il des perspectives des marchés à l'approche des élections de novembre ? À en juger par l'histoire, les rendements des actions pendant les années électorales sont faibles (Illustration 3). Cela nous semble logique, à la fois parce que les résultats des élections sont probablement incertains et parce que les marchés ont enregistré d'excellentes performances au cours des 12 derniers mois. À un moment donné, une consolidation est nécessaire, selon nous.

Le marché obligataire pourrait faire mieux, mais ce résultat est peut-être moins lié aux élections qu'à la possibilité que le recul de l'inflation dans un contexte de croissance modérée permette à la Réserve fédérale (Fed) d'abaisser les taux d'intérêt à partir du second semestre 2024. Et pour anticiper la question, non, nous ne pensons pas que la Fed s'abstiendra de prendre certaines décisions de politique monétaire à cause des élections. La Fed demeure indépendante et fera ce qu'elle estime être nécessaire à l'accomplissement de son mandat.

Sachant qu'il pourrait être difficile d'obtenir un soutien à des directives politiques fondamentales, compte tenu de l'environnement actuel et des positions politiques mouvantes de chaque parti, il serait plus efficace, selon nous, de se concentrer sur les fondamentaux, c'est-à-dire sur le cycle économique et d'investissement actuel. Notre étude montre que les obligations sont particulièrement intéressantes à mesure que la politique des taux d'intérêt abandonne la voie du resserrement. Dans le même temps, un grand nombre de grandes capitalisations en dehors des « Sept Fantastiques » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, NVIDIA et Tesla) affichent des prévisions de bénéfices supérieures aux moyennes du marché à des niveaux de valorisation que nous considérons comme plus intéressants. S'il y a un domaine dans lequel il faut envisager d'utiliser les résultats des élections comme facteur de sélection des titres, c'est celui du positionnement sectoriel qui offre, selon nous, le plus d'opportunités. Nous continuerons à suivre l'évolution de ce cycle électoral et vous ferons part de nos réflexions au fur et à mesure.

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