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Qu’est-ce qu’ELTIF 2 changera pour les sociétés de gestion ? (123 IM)

12
Feb
2024
L’entrée en application du second règlement sur les fonds d’investissement de long terme a été accueillie favorablement par l’industrie : un certain nombre de restrictions ont été abrogées.

Ce qui devrait ainsi permettre de faciliter l’accès, pour les investisseurs particuliers, aux classes d’actifs privés. Le fruit d’une collaboration entre les instances de place, mais n’offrant pas encore tout à fait le cadre final qui permettra aux sociétés de gestion de se lancer, pour de bon, dans la partie ELTIF : elles restent encore dans l’attente du retour de la Commission européenne quant à un certain nombre de règles techniques.


Les sociétés de gestion qui s’intéressent aux investisseurs particuliers ont débuté l’année 2024 du bon pied : la deuxième mouture du règlement européen sur les fonds d’investissement de long terme (ELTIF 2) est entrée en vigueur le 10 janvier dernier. La mise en application était attendue avec impatience par l’industrie : en cause, une première version qui n’avait pas produit l’effet escompté, soit celui de faciliter la rencontre entre les investisseurs de détail et les classes d’actifs privés, dans le but d’orienter les financements vers l’économie réelle.


De fait, un ticket d’entrée minimum de 10 000 euros, ou encore un plafond de limitant à 10 % du total du portefeuille financier (sous 500 000 euros) les placements dans les fonds labellisés ELTIF avaient, par exemple, été institués pour les investisseurs. Ce sont pourtant ces mêmes sujets qui ont été identifiés par les particuliers comme les premiers des freins à leur adoption de cette pratique d’investissement.

"Des règles trop contraignantes avaient été mises en place pour protéger l’investisseur particulier. Mais elles les ont aussi bloqués eux-mêmes. Toutes ces complexités ont contribué à rendre ELTIF 1 beaucoup moins attrayant. Pour les investisseurs, comme pour les gestionnaires de fonds", nous assure Laetitia Corticchiato, directrice juridique du département de la gestion des fonds chez IQ-EQ, cabinet spécialisé en finance d’entreprises.

Le marché fait valoir ses remontrances


"Lorsque l’on souhaite démocratiser le private equity et les fonds à long terme, cela représente effectivement des freins importants pour toutes les parties", nous fait de son côté remarquer Emine Fethioglu, directrice juridique d’123 IM, société de gestion spécialisée en capital-investissement et dans la démocratisation de ce dernier auprès des investisseurs particuliers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à date, seule une petite vingtaine de fonds ELTIF sont connus en France. Et chez 123 IM, qui a pourtant fait de la question son credo d’activité, aucun fonds ELTIF n’a été lancé. "Il y a eu une sanction du marché parce qu’il y avait trop de restrictions", ajoute la juriste.

Car ces dispositifs visant à protéger les épargnants s’étaient logiquement accompagnés d’un certain nombre d’obligations incombant aussi aux sociétés de gestion. Lesquelles ont également été allégées par la nouvelle version d’ELTIF. La palette d’actifs éligibles à ces fonds a notamment été significativement élargie (incluant entre autres désormais les fin tech financières, les entreprises cotées aux capitalisations inférieures à 1,5 milliard d’euros ou encore les green bonds), tandis que ces derniers ne devront désormais représenter que 55 % de l’actif net du fonds - contre 70 % auparavant.

Également, l’obligation de fournir des conseils d’investissement ou des tests de pertinence spécifiques auprès des investisseurs de détail ont été retirées : "Ce qui était beaucoup plus lourd, en termes de formalités, alors que MIF 2 a déjà cette facilité de protéger en informant l’investisseur", pointe Emine Fethioglu. Cela signe ainsi plus simplement un alignement sur la deuxième directive concernant les marchés d’instruments financiers, déjà donc bien en charge de s’assurer de l’information et de la protection des épargnants. "Il y avait une superposition de règles", abonde Laetitia Corticchiato.


Les instances de place au travail


Une version 2.0 qui aura été le fruit de la collaboration entre les différentes instances de place. Et qui a été accueillie favorablement par l’industrie : "Les ajustements proposés dans ELTIF 2 répondent positivement aux attentes des sociétés de gestion, en leur offrant davantage d’adaptabilité et notamment sur les choix d’investissement. Ces règles plus souples quant à la composition d’actifs, ou encore en ce qui concerne la gestion de la liquidité, devraient sans doute stimuler l’intérêt des investisseurs de détail des Vingt-Sept Etats membres", observe Laetitia Corticchiato, dont le cabinet accompagne un certain nombre de fonds sur la question.

Alors, champ libre ? Pas tout à fait. Car si le nouveau règlement est bien entré en vigueur le 10 janvier dernier, la partie n’est pas tout à fait terminée. L’autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a adressé, en fin d’année et comme convenu, ses propositions de normes techniques réglementaires (RTS) à la Commission européenne. Lesquelles devront notamment offrir des détails aux sociétés de gestion quant à des points primordiaux, à l’instar de la période minimale de détention, de la fréquence de remboursement maximale, du choix des outils de gestion de liquidités, des délais de préavis et du pourcentage maximal d’actifs liquides pouvant être rachetés.


Le diable, toujours dans les détails


Ces règles techniques, "nous les attendons avec impatience, parce que le diable se cache toujours dans les détails. Cela donnera enfin le cadre final qui permettra aux sociétés de gestion de capter l’opportunité offerte, mais qui impliquera aussi des changements importants : structurer un fonds pour des investisseurs de détail est un exercice particulier", pointe la responsable juridique d’IQ-EQ. Ce sont en fait ces fameuses RTS qui viendront donner le cadre final qui offrira un second soue à ce règlement. Bruxelles devrait rendre son avis dans le courant du premier semestre de 2024.

Il y a aussi la question de l’éligibilité des fonds ELTIF à l’assurance-vie. Un point important pour les gestionnaires, qui peuvent donc pour l’instant rester soumis à une certaine forme d’attentisme en attendant d’être éclairés à ce sujet.

"Le Trésor y réfléchit et de nombreuses compagnies d’assurance s’intéressent aussi à cette possibilité. Aujourd’hui, peu d’entre elles mettent des fonds de capital-risque dans des contrats d’assurance-vie. Cela pourrait pourtant permettre de diriger des flux importants vers l’économie réelle pour financer les PME", fait valoir la directrice juridique d’123 IM, Emine Fethioglu.

En attendant, les (quelques) fonds déjà labellisés ELTIF auront le temps de s’adapter à la nouvelle réglementation. Il n’y aura pas de juxtaposition de normes. Les gestionnaires pourront opter pour un régime particulier, exempté de la majorité des contraintes d’investissement et de diversification auxquels ils étaient auparavant soumis. Sous certaines réserves : ils devront notamment conserver une stratégie d’investissement en cohérence avec leur statut réglementaire. Le gouvernement aura d’ailleurs la faculté de mettre à jour le code monétaire et financier par ordonnance, ce qui sera bien plus souple pour adapter le cadre juridique français.

‍"C’est un dispositif judicieux, cela va permettre à la place de Paris d’acher un leadership sur ELTIF 2", se félicite Laetitia Corticchiato.

L’Autorité des marchés financiers n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler à l’occasion de la présentation de son plan d’action et de supervision pour l’année 2024 : l’attractivité de la place parisienne passera par une application stricte des textes, sans sur-transposition. Et ce notamment dans le cadre de ce règlement ELTIF 2.

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