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Analyses de marchés

La Fed en période électorale, 3 observations tirées de l'histoire récente (Franklin Templeton)

5
Apr
2024
Western Asset estime que la Réserve fédérale devrait prendre des mesures durant l'été pour éviter d'influencer indûment les électeurs.

Dans quelques mois, l'élection présidentielle américaine sera au centre de toutes les attentions. Les responsables de la Réserve fédérale (Fed) pourraient se réjouir de cette évolution, étant donné qu'eux-mêmes et leurs politiques ont fait l'objet d'un examen minutieux plus longtemps qu'il n'aurait été souhaitable. Dans son monde idéal, la Fed devrait se soustraire à la lumière des projecteurs lorsque l'économie américaine se rapproche des objectifs qu'elle s'est fixés. Le taux de chômage devrait se maintenir autour de 4 % et l'inflation devrait approcher les 2 %,1 même si le rythme de l'approche de la Fed continue de susciter débats et incertitudes.

Ne plus être sous les feux de la rampe ne signifie pas pour autant être inactif, car la Fed doit continuer à définir sa politique monétaire de la manière qu'elle juge la plus appropriée. Les événements obligent la Fed à intervenir, indépendamment du calendrier électoral et en dépit du profil public que les responsables de la Fed peuvent préférer. De fait, la Fed a agi durant toutes les années électorales depuis 2004. Une analyse de l'histoire récente permet de formuler quelques observations sur le comportement probable de la Fed durant une année électorale et sur les types d'événements susceptibles d'entraîner une prise de mesures de politique monétaire avant le mois de novembre. Bien entendu, les candidats eux-mêmes peuvent tenter de ramener la Fed sous les feux de la rampe.


Illustration 1 : Changement de politique de la Réserve fédérale durant les années électorales, 2004-2020

Source : Réserve fédérale, Western Asset. Au 20 mars 2024. Pb = points de base.


Observation 1 : La Fed n'hésitera pas à intervenir en cas de choc important.

Les événements les plus importants survenus sur les marchés financiers au cours des deux dernières décennies se sont produits lors d'années électorales : la crise financière mondiale de 2008 et la pandémie de Covid de 2020. Il est évident que leur survenue au cours d'années électorales n'a rien à voir avec les événements eux-mêmes. Le fait qu'il s'agissait d'années électorales n'a pas non plus eu d'incidence manifeste sur les réactions de la Fed. La Fed a considérablement assoupli sa politique tout au long de l'année 2008 et n'a montré aucun signe de faiblesse avant ou après l'élection. Au contraire, à l'issue de sa réunion d'octobre 2008, qui s'est tenue moins de deux semaines avant l'élection du 8 novembre, la Fed a réduit ses taux d'intérêt et ouvert des lignes de swap avec de nombreuses banques centrales. Au cours des semaines suivantes, la Fed a lancé des programmes d'achat de titres adossés à des actifs et d'obligations d'agences, avant d'abaisser à nouveau les taux d'intérêt lors de sa réunion de décembre.

En 2020, la réponse de la Fed face à la pandémie de Covid n'a pas été moins impressionnante. Début mars, la Fed a abaissé ses taux d'intérêt à deux reprises pour les ramener à zéro. Elle a ensuite lancé un programme d'achat d'obligations très ambitieux, qui a atteint 80 milliards de dollars par jour fin mars,2 ainsi qu'une série de mesures visant à soutenir les marchés du crédit. La Fed a maintenu ses mesures de relance jusqu'à la fin de l'année, même si les principales turbulences observées sur les marchés financiers se sont dissipées assez rapidement. En août, la Fed a annoncé un nouveau cadre engageant les décideurs politiques à maintenir une position accommodante même en cas de redressement du marché de l'emploi. Bien que ce cadre ne soit plus pertinent en raison du rebond surprise de l'inflation enregistré en 2021 et 2022, il est important de se rappeler qu'au moment où il a été annoncé, c'est-à-dire quelques mois avant les élections, la Fed voulait indiquer sa volonté de poursuivre l'assouplissement des conditions monétaires.

Les interventions de la Fed en 2008 et en 2020 ne laissent planer aucun doute : si une intervention politique majeure est nécessaire, la Fed la mettra en œuvre, qu'il s'agisse ou non d'une année électorale.


Observation 2 : La Fed pourrait intervenir en cas d'évolution des perspectives en matière de politique budgétaire après les élections, mais pas avant.

Les propositions en matière de politique économique ne seront pas l'aspect le plus contesté des élections de cette année. Les résultats économiques des candidats seront bien sûr étudiés à la loupe, mais les différences entre les propositions politiques sont minimes et peu susceptibles d'être décisives. Cette élection ne ressemblera pas, par exemple, à celle de 1992, lorsque les choix des électeurs ont été influencés par les débats sur les augmentations d'impôts proposées par George Bush, sur les propositions de Bill Clinton en matière de soins de santé et sur les objections de Ross Perot à l'égard du libre-échange. À ce jour, il semble que l'élection de 2024 se décidera plus probablement sur des questions sociales, des personnalités et, peut-être, des sujets qui n'ont qu'un impact économique indirect, tels que l'immigration et la politique étrangère.

Néanmoins, toutes les élections ont des conséquences, et inévitablement, il y en aura sur la politique économique. La plus immédiate concerne la disparition des allègements fiscaux pour les particuliers à la fin de l'année 2025. (Pour rappel, la baisse de l'impôt sur les sociétés de 2017 est permanente, mais la baisse de l'impôt sur les personnes physiques prendra fin l'année prochaine. Cette mesure a été prise pour réduire les coûts dans le cadre de la fenêtre budgétaire de 10 ans). Le parti au pouvoir à la Maison Blanche abordera l'expiration des baisses d'impôts de la manière attendue : un démocrate cherchera à mettre fin aux baisses d'impôts pour les tranches supérieures, tandis qu'un républicain cherchera à prolonger toutes les baisses d'impôts. La réussite de ces projets dépendra évidemment du contrôle du Congrès, ainsi que des propositions de compensation (ou d'absence de compensation) en matière de dépenses.
Aux fins de la présente communication, la question est de savoir si l'anticipation de changements dans les politiques budgétaires pourrait influencer les interventions de la Fed cette année. Selon nous, il est clair que cette influence ne devrait pas se faire sentir avant le mois de novembre, mais potentiellement après. La Fed serait peu disposée à agir de manière préventive sur une telle question. Le résultat des élections est tout simplement trop incertain. En outre, la Fed préfère généralement éviter les débats sur la répartition des recettes et des dépenses, car elle considère qu'il s'agit là avant tout de questions politiques plutôt qu'économiques.

Après les élections, la Fed pourrait être plus encline à palier les changements de politique fiscale. La réaction de la Fed au scrutin de 2016 est instructive à cet égard. L'élection surprise de Donald Trump a entraîné une forte réévaluation des attentes en matière de politique budgétaire. Dans les semaines qui ont suivi l'élection de 2016, le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans a augmenté de 0,6 %,3 en partie en raison de l'anticipation d'importantes baisses d'impôts ainsi que d'autres politiques favorables à la croissance. La Fed a ensuite relevé ses taux à l'issue de sa réunion de décembre, après les avoir maintenus inchangés au cours des 12 mois précédents. Bien que cela n'ait jamais été dit explicitement, il semble probable que la décision de la Fed ait eu pour but, au moins en partie, de compenser un peu le rebond attendue des baisses d'impôts. De la même manière, si les attentes en matière de politiques budgétaires pour 2025 et au-delà venaient à changer, la Fed réagirait probablement comme à son habitude. Mais il est presque certain qu'elle attendra après les élections pour le faire.


Observation 3 : Toutes choses égales par ailleurs, la Fed pourrait préférer initier des actions politiques au cours de l'été afin de ne pas donner l'impression de vouloir influencer indûment l'élection.

Cette dernière observation est certes plus subjective que les autres. Les responsables de la Fed sont au fait des élections qui se dérouleront en novembre. Il est évident qu'ils préfèrent éviter toute apparence d'influence indue. Et même s'ils rejetteront catégoriquement les accusations d'ingérence dans tous les cas, un certain décalage dans le temps entre une intervention et l'élection donnera plus de crédibilité à ces dénégations. Par conséquent, la Fed pourrait vouloir éviter de débuter le cycle de baisse des taux à l'issue de la réunion de septembre ou de novembre. Un démarrage en septembre risquerait de donner l'impression de soutenir l'économie afin d'aider le président sortant, tandis qu'un démarrage en novembre risquerait de donner l'impression de ne pas en faire assez pour soutenir l'économie afin d'aider son rival. De ce point de vue, l'été pourrait être une période moins controversée pour entamer un cycle de baisse des taux. Bien évidemment, toute baisse est subordonnée à la poursuite de la progression de l'inflation vers l'objectif de 2 % fixé par la Fed, ce qui devrait être le cas, selon nous.

Il est à noter que l'ancien président de la Fed, Alan Greenspan, a entamé le cycle de hausse de 2004 à l'issue de la réunion de juin de cette année-là. Ce cycle de hausse s'est ensuite poursuivi au rythme de 0,25 % à chaque réunion, y compris les réunions précédant et suivant immédiatement les élections. Il est vrai que les transcriptions de la réunion ne mentionnent pas l'élection et que M. Greenspan n'a pas déclaré par la suite que la date de l'élection avait été prise en considération. Néanmoins, Greenspan était réputé pour être à l'écoute de la situation politique et pour savoir cerner les différents enjeux politiques. Un calcul similaire à celui décrit ici a peut-être influencé la décision de Greenspan de prendre des mesures durant l'été plutôt qu'à l'automne. Si l'économie progresse comme prévu cette année, l'actuel président de la Fed, Jerome Powell, pourrait faire pire que de s'inspirer de Greenspan et commencer le cycle de baisse au cours de l'été.


Les candidats

Les candidats à l'élection présidentielle pourraient tenter de faire de la politique monétaire un thème électoral. Lors de la campagne électorale de 2016, Donald Trump n'a pas hésité à faire des commentaires sur la politique monétaire. En mai de cette année-là, il s'était proclamé « partisan des taux d'intérêt bas ». Puis, en septembre, il avait accusé la Fed de maintenir artificiellement les taux à un niveau trop bas pour favoriser les chances d'Hillary Clinton. Devenu président en 2018, il a de nouveau été partisan de taux d'intérêt bas et s'est montré très critique à l'égard des hausses de taux de la Fed cette année-là. Il ne serait pas surprenant que Donald Trump reprenne des thèmes similaires dans les mois à venir. Cela dit, il n'est pas certain que de tels commentaires de Donald Trump influencent les responsables de la Fed. Le président Powell, en particulier, a l'habitude de répondre aux critiques de Trump, et il pourrait facilement reprendre ses arguments de 2018. Par conséquent, les déclarations des candidats au cours des prochains mois ne devraient pas avoir beaucoup d'importance, voire aucune.

En conclusion, notre réflexion peut avoir une incidence sur la volonté de la Fed de surprendre les marchés dans les mois à venir. À de nombreuses reprises au cours des dernières années, les surprises de la Fed ont été source de volatilité pour les marchés financiers. Bien souvent, la Fed avait l'intention de surprendre le marché, car les responsables considéraient que c'était un outil indispensable pour lutter contre l'inflation. Aujourd'hui, la menace inflationniste s'est considérablement atténuée et la nécessité pour la Fed d'exercer une pression corrective sur les prix du marché s'est également estompée. En outre, un profil bas, et donc moins de surprises, peut être particulièrement bienvenu en cette année électorale. Des prévisions régulières et constantes vont également dans ce sens.

À l'issue de sa réunion d'aujourd'hui, la Fed a laissé inchangées ses prévisions de taux d'intérêt, à savoir trois baisses cette année. Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion, le président Powell a mentionné à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas surréagir aux « bosses » rencontrées sur la route de la baisse de l'inflation.  Les prévisions inchangées et la constance de M. Powell semblent cohérentes avec un désir sous-jacent de faire relativement moins de vagues en cette année électorale.

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