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Analyses de marchés

Franklin Templeton : la Fed, nous y viendrons quand nous y viendrons

12
Feb
2024
Au lieu de pivoter directement vers un assouplissement, le Federal Open Market Committee a décidé en janvier d’adopter une approche attentiste. Nikhil Mohan, Franklin Fixed Income economist, s’attend à des baisses de taux, mais celles-ci ne seront pas aussi rapides ni aussi nombreuses que ne l’espèrent les marchés.

Depuis des mois déjà, nous réfutons l’idée selon laquelle la Réserve fédérale (Fed) devrait entamer son cycle d’assouplissement dès le mois de mars. Et c’est précisément ce que son président Jerome Powell a confirmé lors de la réunion du Federal Open Market Committee de janvier. Sans surprise, ses déclarations n’ont fait aucune mention d’un « resserrement supplémentaire », ce qui confirme le pivot du mois de décembre.

En outre, au lieu de pivoter directement vers un assouplissement, le FOMC a opté pour une approche attentiste fondée sur les données. Powell a déclaré explicitement qu’une baisse des taux en mars n’était pas son scénario de base et que la Fed ne réduirait pas la fourchette-cible de son taux directeur avant d’avoir « acquis une plus grande certitude que l’inflation évolue durablement vers 2 % ». J’insiste sur le « durablement » parce que plusieurs observateurs (y compris certains responsables politiques de la Fed) ont mis en évidence certaines mesures à court terme de la dynamique d’inflation – à savoir les taux annualisés à trois et six mois des dépenses personnelles de consommation (PCE) de base – inférieures à 2 % pour justifier un lancement plus précoce du cycle de baisses des taux. Une évolution « durable » suppose toutefois un progrès continu vers l’objectif de 2 % de la Fed au-delà du court terme. Et il reste du chemin à parcourir à cet égard, avec des risques de revers en cours de route.

Les indicateurs économiques de ces derniers mois ne contiennent rien qui pourrait justifier un début des baisses de taux par la Fed avant l’été. Au contraire, de nombreux indicateurs ont surpris à la hausse depuis la mi-janvier. L’indice « Economic Surprise Index » de Citi indique une augmentation des surprises économiques positives au cours de cette période.

Sources : Franklin Fixed Income Research, Citi, Macrobond. Au 2 janvier 2024. Le Citi Economic Surprise Index représente la somme des écarts entre les publications économiques officielles et les prévisions. Lorsque cette somme est supérieure à 0, les performances économiques du pays dépassent généralement les attentes du marché. Lorsque la somme est inférieure à 0, cela signifie que les conditions économiques sont généralement moins bonnes que prévu. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs. Consultez le site www.franklintempletondatasources.com pour obtenir des informations supplémentaires sur les fournisseurs de données.

En fait, le rapport sur le marché américain de l’emploi de janvier a été l’une des plus grandes surprises, avec des emplois mensuels proches du double de l’estimation du consensus de Bloomberg et une forte révision à la hausse des chiffres de l’emploi de décembre également (+117 000). Le rapport de janvier montre également une base d’embauches nettement plus large que prévu, et non pas concentrée principalement dans les secteurs acycliques comme les soins de santé. Même si le taux de participation global est en baisse, la première tranche d’âge et les 20-24 ans ont connu une augmentation de participation – une évolution que la Fed accueille sans doute favorablement. Le taux de chômage est resté inchangé au niveau historiquement bas de 3,7 %. Pendant ce temps, la réintégration au travail (flux depuis le chômage vers le travail) ou l’efficience de mise en correspondance est restée à des niveaux semblables à ceux d’avant la pandémie.

Et surtout, l’accélération des salaires horaires moyens (0,6 % en janvier contre 0,3 % en décembre) est quelque chose qui devrait, selon moi, donner à réfléchir à la Fed. Certes, l’indice des coûts de l’emploi (Employment Cost Index, ECI) a ralenti au quatrième trimestre 2023, mais ni l’ECI ni les salaires horaires moyens ne sont actuellement compatibles avec l’objectif d’inflation de 2 %. Sur base annualisée à six mois, la croissance des salaires ECI et de l’AHE reste nettement supérieure aux moyennes de la période 2016-2019. Dans l’ensemble, le rapport sur l’emploi de janvier a probablement conforté la Fed dans sa décision d’attendre encore. Ces chiffres plus solides ont également fait baisser la probabilité d’une baisse de taux en mars à moins de 25 % au moment d’écrire ces lignes.

En ce qui concerne l’inflation, il est vrai que les mesures à court terme des dépenses de consommation personnelle de base ont baissé à moins de 2 %. Toutefois, la mesure « supercore » (services de base hors logement), une mesure à laquelle la Fed a fait référence à plusieurs reprises en 2023, a progressé de 2,8 % sur base de six mois annualisés en décembre et reste supérieure à 3 % en glissement annuel. Selon moi, ce chiffre à lui seul justifie une approche attentiste étant donné la solidité persistante du marché de l’emploi et l’augmentation des revenus réels des ménages tandis que l’inflation ralentit.

La situation du coût des logements et des loyers reste elle aussi relativement incertaine. Les niveaux de loyers PCE n’ont pas encore rattrapé les niveaux du marché. Les loyers observés de Zillow accusent une augmentation de 27 % depuis janvier 2021, tandis que les niveaux de loyers PCE pour les logements loués et occupés par le propriétaire sont en hausse de 19 %. Cela pourrait expliquer pourquoi l’évolution en glissement mensuel des loyers PCE oscille entre 0,4 % et 0,5 % depuis le mois de mars de l’année passée au lieu de continuer à la baisse. La baisse des loyers des appartements (selon Apartment List) pourrait entraîner une certaine désinflation des logements plurifamiliaux loués. On notera que la construction de logements et les achèvements de chantiers ont eux aussi fortement augmenté dans la catégorie plurifamiliale depuis que la Fed a commencé à augmenter ses taux il y a deux ans. Toutefois, l’augmentation constante des coûts des maisons (Federal Housing Finance Agency : 6,6 % en glissement annuel, Case Shiller : 5,2 % en glissement annuel) pourrait avoir une influence plus prononcée sur les mesures de loyers pour les logements occupés par leurs propriétaires.

La désinflation dans le domaine des biens, source de réconfort en 2023, pourrait commencer à se modérer cette année étant donné que l’indice de la chaîne d’approvisionnement mondial de la Fed affiche une accumulation continue des pressions sur la chaîne d’approvisionnement depuis la mi-2023. La perturbation des routes commerciales en mer Rouge a déjà provoqué une augmentation des tarifs de fret (même si la route Asie-Europe a été plus durement touchée jusqu’à présent). Plus ces perturbations dureront, plus les retards et les hausses de coûts risqueront de se répercuter sur les prix des biens.

Dans l’ensemble, avec une croissance économique toujours largement supérieure au potentiel, un marché de l’emploi encore solide et le risque persistant de surprises au niveau de l’inflation (et de l’inflation salariale), l’approche basée sur les données de la Fed est raisonnable. Les baisses de taux auront bien lieu, mais probablement pas aussi tôt ni en aussi grand nombre que ne le prévoient les marchés. Étant donné que la politique monétaire va se durcir de manière passive à mesure que l’inflation se modère, des baisses de taux seront nécessaires pour éviter des taux réels trop élevés.

Notre scénario de base prévoit 75 points de base de réduction du taux des fonds fédéraux cette année, avec une première baisse en été (juin-juillet), mais cela pourrait changer si l’économie commence à se détériorer sensiblement ou, de manière tout aussi importante (voire plus), si les risques pour la stabilité financière engendrés par le marché de l’immobilier commercial américain s’intensifient. Nous pensons qu’une augmentation du risque de crise perçu suffirait à contraindre la Fed à intervenir plus rapidement et plus fortement.

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