Financière de la Cité : la force de la reprise américaine continue de surprendre
Ce mois de février 2023 a été caractérisé par une inversion du narratif dominant les marchés financiers, intervenant par le biais d’une série de publications macroéconomiques venant invalider le scénario de ralentissement alors en vigueur sur les premières semaines de l’année.
En effet, dès le 1er février, la publication des chiffres américains relatifs au nombre d’emplois disponibles, indiquant une hausse de 5.5%, marque un important retracement à la hausse. Pourtant, les données publiées sur les derniers mois de l’année 2022 laissaient présager d’une baisse progressive, conforme aux souhaits d’un ralentissement économique progressif de la Réserve fédérale. En un seul mois, la moitié du chemin baissier parcouru jusqu’alors se trouve ici effacé.
Puis, le 3 février, la publication des chiffres de l’emploi pour le mois de janvier a fait apparaître la création de 517 000 postes, alors que la moyenne des 3 mois précédents indiquait un chiffre inférieur à 300 000 postes. De la même façon que pour les chiffres des offres d’emploi, le scénario d’un ralentissement en formation se trouve invalidé par les chiffres, et ce d’autant plus que la révision des données pour l’année 2022 indique une sous-estimation des chiffres annuels pour un total de 813 000 emplois.
Le 14 février, la publication des chiffres de l’inflation est venue confirmer un scénario de persistance de la dynamique de l’économie américaine, aussi bien en raison de la forte révision à la hausse des chiffres des mois précédents que d’une réaccélération de la tendance inflationniste pour ce début d’année 2023. Ainsi, alors que la mesure d’inflation CPI sur les trois derniers mois de l’année 2022, en termes annualisés, avait laissé penser que l’inflation était revenue à un rythme de 3.1%, la révision des chiffres a porté ce résultat à un niveau de 4.3%, très au-delà des objectifs affichés par la Réserve fédérale des Etats-Unis.
Les jours suivants sont venus conforter cette nouvelle tendance par le biais des chiffres relatifs à la consommation, que cela soit pour les ventes au détail ou pour la consommation globale, qui tous deux ont pointé vers une réaccélération des dépenses des consommateurs américains, portée par une hausse des revenus, entre baisse d’impôts et hausse des revenus salariaux. Ainsi, les dépenses de consommation ont progressé de 1.8% pour le seul mois de janvier, soit 23.3% en rythme annualisé.
Cette séquence de publications macroéconomiques du mois de février s’est ainsi logiquement accompagnée d’un changement de ton des différents gouverneurs de la Fed et, en conséquence, d’une revalorisation des anticipations de hausses de taux des marchés financiers. Si dans un premier temps les marchés ont corrigé leur défiance à l’égard des anticipations réalisées en décembre par la Fed elle-même, indiquant un taux terminal de 5.25%, et se sont alignés sur cette prévision, les dernières déclarations ont pu produire une anticipation de hausses supplémentaires.
Cependant, l’anticipation d’un taux terminal plus élevé par les marchés financiers n’augure pas nécessairement d’une attitude plus agressive de la politique monétaire américaine. En effet, un taux terminal plus élevé peut se justifier par le niveau plus élevé de l’activité américaine, justifiant par lui-même une intervention plus importante. De façon relative, cette nouvelle hausse n’est pas un mouvement restrictif.
De son côté la Banque centrale européenne a réagi de façon symétrique aux mouvements qui ont touché la Réserve fédérale des Etats-Unis, mais sans que les arguments macroéconomiques ne puissent le justifier, notamment en prévision d’une révision attendue en baisse des chiffres du PIB du T4 2022, et d’une stagnation probable des chiffres du T1 2023.
Selon les annonces réalisées par la Banque centrale européenne, une hausse de 50 points de base est à anticiper de façon presque certaine pour le mois de mars tandis que le jeu des oppositions politiques laisse entrevoir un débat plus vigoureux entre gouverneurs lors des prochaines réunions. Si une majorité d’entre eux semble être favorable à une nouvelle hausse de 50 points de base lors de la réunion du 4 mai prochain, une minorité souhaite faire reposer cette décision sur la nature des prochaines publications macroéconomiques.
Ainsi, alors que les deux premières publications des chiffres de l’inflation de l’année 2023 ont surpris à la hausse, celles-ci restent malgré tout inférieures aux anticipations réalisées par la Banque centrale européenne en décembre dernier pour le T1 2023. Cette situation a conduit la BCE à modifier son approche en ciblant plus explicitement l’évolution de l’indice HICP excluant l’énergie et l’alimentation, qui progresse à un rythme bien plus élevé que l’indice officiel HICP.
Alors que le contexte macroéconomique américain justifie, jusqu’à présent, le niveau d’intervention anticipé de la Réserve fédérale, ouvrant l’hypothèse d’une hausse de taux dépassant les 5.25%, le contexte européen apparaît plus vulnérable à une révision des anticipations du côté de la Banque centrale européenne. Cependant, étant donné la majorité politique détenue par les membres les plus « faucons » du Conseil des Gouverneurs, un tel revirement n’est pas à attendre dans l’immédiat.
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