5 leçons à tirer de Netflix. Pinaki Das, Quintet
Le géant du streaming vidéo a connu unpremier trimestre difficile. Quelles répercussions pour le secteurtechnologique et les marchés ?
Par Pinaki Das
Netflix a été sur toutes les lèvres en cette saison de résultats, avecdes actions en chute après que la société a annoncé qu'elle avait perdu plus de200 000 abonnés au cours des trois premiers mois de l'année et qu'elles'attendait à en perdre 2 millions de plus au cours du prochain trimestre.
Si l'histoire de Netflix est en soi fascinante, elle est également riched'enseignements pour les marchés en général et pour les valeurs technologiquesen particulier. Voici cinq éléments clés à retenir des résultats du premiertrimestre de la société :
1. La crise relative au coût de la vie est sous-estimée : La hausse des coûts de ces derniers mois, déjà bien entamée avant mêmela flambée des prix de l'énergie liée au conflit ukrainien, entraîne moins derevenus disponibles pour les consommateurs. Dans le même temps, l'inflation dessalaires ne suit pas la hausse des coûts, même si les tendances générales del'emploi semblent satisfaisantes. Les consommateurs doivent donc faire deséconomies quelque part, et les abonnements technologiques et numériques n'ontpas échappé à la pression. L'inflation n'a pas été aussi passagère qu'on l'espérait,et les banques centrales pourraient n'avoir d'autre choix que de resserrer lesconditions monétaires, ce qui pourrait accroître cette pression. La crise ducoût de la vie n'est pas près de disparaître, et les consommateurs continuerontà devoir faire des compromis : vacances et café gourmet ou gadgets etabonnements ?
2. Le déferlement technologique lié au Covid s’émousse : Le Covid-19 a entraîné une augmentation massive de la numérisation, cedont ont directement profité de nombreuses valeurs technologiques. Toutefois,après la vaccination généralisée, certains « grands gagnants duCovid » ont commencé à perdre de leur éclat. De nombreuses valeurstechnologiques star – telles que Zoom etPeloton, par exemple – sont redescendues sur terre après avoir atteint desniveaux de valorisation vertigineux. Personne ne sait quand cet essoufflementpost-Covid prendra fin, mais la saga Netflix montre qu'il n'est pas encoreterminé. Combinez cela avec la crise du coût de la vie et vous obtenez uncocktail particulièrement explosif.
3. La rentabilité compte : Lesecteur de la technologie, en particulier ses disrupteurs, ont bénéficié cesdernières années du fait que les marchés publics ont commencé à adopter lesapproches des marchés privés : payer pour des entreprises qui peuvent accroîtrerapidement leurs revenus, même si elles ne sont pas rentables ou ne génèrentpas de liquidités à court terme. Pour bon nombre de ces entreprises encroissance, il peut être acceptable de dépenser pour acquérir desutilisateurs par le biais d'incitations et pour développer leur gamme deproduits. Dans ce contexte, « acquérir » des utilisateurs est logiqueétant donné que les modèles d'évaluation sont dépendants de la croissance.Toutefois, lorsque la croissance s'affaiblit, la valorisation pose problème,surtout lorsque les banques centrales modifient le taux d'actualisation, quiest également un élément clé de la valorisation. Par conséquent, les modèlescommerciaux et la rentabilité comptent davantage dans cette nouvelle ère.
4. Dépenser beaucoup ne suffit plus: Netflix a dépensé quelque 17 milliards de dollars pour son contenu en2021, mais a tout de même perdu 200 000 abonnés au premier trimestre de 2022.Le taux d'exploitation de l'entreprise semble se situer autour de 32 milliardsde dollars (en supposant qu'il n'y ait pas de croissance par rapport audeuxième trimestre 2022). Sans croissance des utilisateurs, il y a donc moinsde marge pour augmenter les dépenses de contenu fixées à 50 milliards dedollars par la direction de la société. La livraison de repas est un autreexemple où les entreprises ont dû dépenser pour gagner des parts de marché ouétendre leurs segments de marché, mais le paysage se durcit. Just Eat Takeaway,le leader européen de la livraison de repas, prévoit de céder Grubhub, un anseulement après avoir acquis l'entreprise américaine de livraison de repas.D'autres acquisitions réalisées à l'apogée de l'année dernière sont égalementen train de se défaire. Par exemple, Teladoc, la société de télémédecine et desoins de santé virtuels, a dû amortir 6,6 milliards de dollars liés à sesrécentes acquisitions, comme le rachat de Livongo, une autre société de soinsde santé virtuels, pour 18,5 milliards de dollars.
5. Une nouvelle ère pour les valeurs technologiques : Au cours des dix dernières années, les entreprises technologiques ontété gagnantes au fil des cycles économiques, car elles ont pu profiter demultiples vagues technologiques, comme l'adoption du numérique. Certainssegments de marché sont désormais saturés, tandis que la concurrence s'intensifiedans de nombreux autres. Dans cette nouvelle ère, même les entreprisestechnologiques les plus puissantes devront être plus agiles, s'adapterrapidement et faire preuve de discipline dans leur approche. Les entreprisesdont les modèles sont plus faibles pourraient être confrontées à un risque baissiersi elles déçoivent, et les start-ups sont moins susceptibles de profiter des effetsde bulle observés ces dernières années. Heureusement, de nombreusesméga-entreprises technologiques disposent encore de solides réserves deliquidités, de bons modèles économiques et continuent d'investir dansl'innovation.
Les marchés font à présent le tri dans ce nouveau paysage post-Covid,marqué par des budgets plus serrés pour les consommateurs et les entreprises,avec un coût du capital plus élevé. Pour les entreprises technologiques et nontechnologiques, 2022 sera l'année de la grande remise à zéro. Les investisseursdevraient vivre une expérience intéressante.
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Pinaki Das est Head of Thematic Research au sein deQuintet Private Bank. Les propos et points de vue exprimés dans ce documentsont ceux de l'auteur à la date du présent article et sont susceptibles d'êtremodifiés. Cet article est également de nature générale et ne constitue en aucuncas un conseil d'ordre juridique, comptable, fiscal ou en matière de placement.Il est rappelé aux investisseurs que les performances passées ne préjugent pasdes résultats futurs et que la valeur des investissements peut évoluer à lahausse comme à la baisse. La valeur des investissements sous-jacents peutégalement évoluer à la hausse comme à la baisse en raison des fluctuations dechange.
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