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Biodiversité : comprendre une nouvelle tendance clé de l'investissement mondial (Generali Investments)

26
Jul
2023

La protection de la biodiversité de notre monde vivant est un défi majeur et une préoccupation majeure pour les gouvernements, les entreprises et la société. Les équipes Investissement, Recherche macro et ESG de Generali Insurance Asset Management (GIAM) analysent les connaissances dont les investisseurs ont besoin pour comprendre les enjeux de cette thématique et déterminent comment distinguer les risques et les opportunités liés à la biodiversité.

- La conservation de la biodiversité fait partie intégrante de la transition durable de l’économie au niveau mondial et de la réalisation des objectifs de décarbonation.

- L’ONU a conclu un accord historique sur la biodiversité visant à recourir de manière significative au financement privé pour atteindre de nouveaux objectifs mondiaux qui consistent à protéger 30 % des terres et 30 % des zones côtières et marines d’ici 2030.

- La prime de risque liée à la biodiversité devrait augmenter. Il est donc essentiel d’intégrer des critères de biodiversité dans les processus d’investissement.

- Comme les données des entreprises sur la biodiversité sont inégales et peu nombreuses, l’engagement ESG est le meilleur outil à disposition des gestionnaires d’actifs pour identifier les futurs leaders du secteur dans le domaine de la transition durable et pour accompagner dans leurs démarches les entreprises en retard.


La biodiversité devrait être une tendance majeure de l’investissement au niveau mondial d’ici 2030

La biodiversité a une incidence considérable sur tous les aspects de notre vie et de l’économie ; elle est un indicateur de la santé d’un écosystème : lorsque la biodiversité se dégrade, les écosystèmes se détériorent.

Pour estimer la valeur économique de ce secteur, le Forum économique mondial a indiqué en 2020 que 44 000 milliards de dollars de valeur générée, soit plus de la moitié du PIB mondial, dépendent partiellement ou totalement de la biodiversité et sont, par conséquent, exposés à des risques importants de pertes liées à la dégradation de l’environnement.

Selon nous, nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle tendance d’investissement de long terme, qui doit être mieux analysée et définie.

La réflexion passe aujourd’hui de la théorie à l’action. Lors de la conférence des Nations Unies sur la biodiversité de 2022 (COP15), 188 pays ont convenu d’un objectif visant à protéger 30 % des terres et 30 % des zones côtières et marines d’ici 2030, dans le cadre de l’Accord mondial sur la biodiversité de Kunming-Montréal, qui a fait date.

Ce cadre vise à accroître considérablement le financement de la biodiversité et à recourir à des fonds privés en vue de stimuler les flux d’investissement. Il prévoit la mobilisation de 200 milliards de dollars par an en financements nationaux et internationaux liés à la biodiversité (publics et privés), portant ainsi les flux financiers des pays développés vers les pays en développement à au moins 20 milliards de dollars par an d’ici 2025 et 30 milliards de dollars par an d’ici 2030.


Le déficit de financement de la biodiversité

Le déficit de financement de la biodiversité est difficile à mesurer, mais selon une étude de l’Institut Paulson, pour que la COP15 soit couronnée de succès, le total des flux d’investissement annuels dans la conservation de la biodiversité doit passer d’environ 140 milliards de dollars à 700-800 milliards de dollars, soit être multiplié par cinq.

Cela signifie que de nouvelles opportunités d’investissement responsable se présenteront au cours des prochaines décennies. Les gouvernements devraient soutenir le secteur privé une fois que la définition et la surveillance des risques et des opportunités liés à la biodiversité seront plus précises.


La prime de risque liée à la biodiversité : défis et opportunités

Nous pensons qu’à l’avenir, les entreprises présentant un risque de biodiversité plus élevé se négocieront avec une décote et auront des coûts d’accès à l’emprunt plus élevés, comme cela est actuellement le cas pour celles dont les scores ESG sont les moins bons.

L’intégration de la biodiversité dans les stratégies d’investissement n’en est qu’à ses débuts. Malgré cela, le nombre de fonds liés à la biodiversité a considérablement augmenté, les fonds d’actions dominant le marché.

Le premier défi auquel les investisseurs sont confrontés est la qualité des données disponibles. Bien que de plus en plus d’entreprises s’engagent à protéger la biodiversité, seul un faible pourcentage de l’indice Eurostoxx s’est fixé des objectifs spécifiques. Pour relever ce défi, il est essentiel d’encourager une plus grande transparence et la communication d’informations par le biais de l’engagement.

Le deuxième défi réside dans la faible quantité d’investissements consacrés aux solutions en matière de biodiversité. Les entreprises qui répondent aux enjeux de la biodiversité sont généralement de petite ou moyenne capitalisation, ce qui rend difficile la création d’un portefeuille équilibré, en particulier dans le domaine obligataire. Cependant, à mesure que les entreprises communiquent de manière plus précise sur leur impact sur la biodiversité, nous nous attendons à ce que de nouvelles alternatives d’investissement consacrées à ces solutions voient le jour.

Le troisième défi auquel les investisseurs sont confrontés est celui des biais sectoriels introduits par les méthodologies simplistes. L’utilisation d’un seul indicateur peut fournir une vision incomplète, conduisant les investisseurs à surpondérer les secteurs à impact limité, tels que la technologie et la consommation.

À mesure que la prime de risque liée à la biodiversité augmente, l’intégration de critères de biodiversité dans les processus d’investissement sera essentielle pour générer de la performance et prendre en compte ces nouveaux risques sur le moyen et le long terme.

Par ailleurs, nous anticipons un changement dans l’allocation du financement des obligations vertes vers des projets liés à la biodiversité, en commençant par les obligations vertes souveraines et en s’étendant aux obligations vertes d’entreprise.


Cartographie GIAM de l’impact et de la dépendance des secteurs

La première étape pour permettre aux investisseurs d’identifier les risques et opportunités liés à la biodiversité au sein de leur portefeuille consiste à créer des indicateurs de matérialité qui prennent en compte à la fois l’impact et la dépendance à l’égard de la biodiversité.

« L’impact sur la biodiversité » fait référence aux activités humaines, tandis que « la dépendance à l’égard de la biodiversité » fait référence au degré de dépendance des économies et des entreprises à l’égard de la nature pour qu’elle fonctionne correctement.

Le degré d’impact et de dépendance varie considérablement d’un secteur à l’autre. L’énergie, les services aux collectivités, les services de communication, par exemple, dépendent de la biodiversité dans une moindre mesure que l’impact qu’ils génèrent. Au sein de chaque secteur, l’impact et la dépendance peuvent être plus importants pour certains facteurs (utilisation des écosystèmes terrestres, utilisation de l’eau, polluants du sol) et services écosystémiques (matériaux, qualité des sols, eau) que pour d’autres.

Dans les tableaux 1 et 2, nous avons utilisé la base de données ENCORE et l’avons appliquée à l’indice MSCI AWCI pour agréger le niveau des impacts et des dépendances en matière de biodiversité pour chaque secteur, allant de 0 à 5,5 étant le niveau le plus élevé.

La consommation de base, l’énergie, les matériaux et les services aux collectivités (sans surprise) sont ceux qui contribuent le plus à la perte de biodiversité. En ce qui concerne les dépendances à l’égard de la biodiversité, la cartographie ENCORE confirme que les eaux souterraines et de surface apparaissent comme la ressource la plus importante pour tous les secteurs, suivies par la protection contre les menaces d’inondation et de tempête.


Intégration des critères de biodiversité dans le processus d’investissement

Malgré le manque de fiabilité des données et l’absence d’un cadre réglementaire clair, GIAM intègre les risques potentiellement graves liés à la biodiversité dans son processus d’investissement.

Comme nous venons de l’expliquer, en raison de la complexité de l’impact et des interactions de la biodiversité avec notre économie, les décisions d’investissement liées à la biodiversité ne devraient pas reposer sur un seul indicateur, selon nous.

Notre cartographie des impacts et de la dépendance des secteurs est suivie d’une évaluation de la gestion des risques liés à la biodiversité par les entreprises afin d’identifier les leaders et les retardataires au sein de chaque secteur, évitant ainsi des décisions d’investissement biaisées par les secteurs.

Plus précisément, l’évaluation du profil ESG des différents acteurs et secteurs, ainsi que l’analyse des controverses, sont des composantes structurelles de la politique d’exclusion adoptée au sein de nos portefeuilles. Cela nous permet de déterminer au préalable les risques liés à la biodiversité parmi les opportunités d’investissement et de gérer prudemment les positions existantes en cas d’émergence de problèmes graves.

Les émetteurs qui sont considérés comme des retardataires ESG dans leur secteur (ou parmi les pays dans le cas d’émetteurs souverain), ou qui font l’objet de controverses graves et structurelles (y compris en matière de biodiversité), sont normalement exclus de l’univers d’investissement ; à l’inverse, s’ils sont considérés comme un cas d’investissement intéressant, ils peuvent alors être considérés comme des candidats à l’activité d’engagement. L’exposition existante aux émetteurs ayant été exclus par les filtres est ramenée à zéro pour les positions en actions ou progressivement réduite dans le cas des obligations.

Nous pensons qu’à l’avenir, un cadre d’intégration plus solide impliquera l’analyse de chaque pilier du facteur de perte de biodiversité : utilisation des terres/de l’eau, exploitation des ressources, pollution, changement climatique et espèces exotiques envahissantes.

Nous adoptons également une approche proactive pour évaluer la manière dont les émetteurs peuvent être affectés par des réglementations de plus en plus strictes, y compris, mais sans s’y limiter : le Règlement de l’UE sur les produits sans déforestation, la Loi européenne sur la restauration de la nature, le Règlement de l’UE sur l’éco-conception et le Règlement de l’UE sur l’utilisation durable des pesticides, et leurs conséquences pour les émetteurs. Nous reconnaissons que les émetteurs ont besoin de temps pour adapter leurs modèles économiques afin d’être en conformité avec les réglementations, en particulier en ce qui concerne la conformité tout au long de leur(s) chaîne(s) de production. Les engagements quantifiables sont un vrai point de départ pour identifier et soutenir les émetteurs dans la réduction de leurs impacts sur la biodiversité mais aussi des impacts des réglementations relatives à la biodiversité sur leurs performances financières.


Étude de cas sur l’engagement : Bayer

Un exemple de nos activités d’engagement est celui de Bayer, entreprise mondiale spécialisée dans la santé et l’agriculture, avec laquelle nous dialoguons depuis 2018 concernant l’impact environnemental de ses produits phytosanitaires. Nous avons travaillé en étroite collaboration sur leur objectif de réduction de l’impact environnemental de -30 % d’ici 2030 et défini nos attentes à l’égard de l’entreprise sur les questions suivantes :

- Impact de l’agronomie : développer une méthodologie visant à mesurer l’impact, la portée, la consultation, le lien avec la rémunération, le plan d’action, la promotion et la pédagogie.

- Communication financière et extra-financière liée à l’objectif.

Nous avons été satisfaits de constater un changement dans l’approche de l’entreprise, qui a fourni davantage de données et d’informations sur son objectif de réduction de son impact environnemental. L’entreprise a indiqué que l’engagement avait contribué à renforcer sa volonté interne d’investir davantage dans l’innovation durable, en remplaçant par exemple les anciens produits chimiques par de nouveaux. Nous poursuivons notre engagement dans les domaines du lobbying et des affaires scientifiques, de la gestion des produits en agronomie, de l’intégration ESG dans les activités de fusions et acquisitions, et de la gouvernance.


Perspectives : améliorer les cadres réglementaires et l’engagement

Les initiatives réglementaires solides et de publication d’informations à l’échelle mondiale et européenne représentent des perspectives encourageantes. Le Groupe de Travail sur la Publication d’Informations Financières relatives à la Nature (TNFD - Taskforce on Nature-related Financial Disclosures) est une initiative mondiale majeure conduite par le marché pour lever le problème des données. Ce cadre fournit des directives sur les indicateurs de biodiversité à communiquer afin d’accroître la transparence vis-à-vis des parties prenantes. La version finale du cadre de la TNFD devrait être publiée d’ici septembre 2023, mais nous pensons que la phase d’adoption nécessite du temps pour prendre forme, en raison des défis liés aux données.

Au niveau de l’Union européenne, la finalisation de la directive CSRD, relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, et du règlement Taxonomie de l’Union européenne qui détermine quatre objectifs encore à atteindre (eau et marine, économie circulaire, pollution, protection et restauration de la biodiversité) exerce une forte pression réglementaire sur les entreprises, les incitant à recueillir des informations sur leurs profils de biodiversité avant les changements légaux attendus en 2024-2025.

D’ici là, l’engagement est selon nous le meilleur moyen dont disposent les gestionnaires d’actifs pour comprendre les ambitions et impacts des entreprises et des émetteurs en matière de biodiversité. Compte tenu de la complexité du thème de la biodiversité, l’engagement peut se concentrer en premier lieu sur les facteurs que les entreprises devraient déjà avoir mesurés, tels que la consommation d’eau, la gestion des déchets, et en particulier les stratégies en matière de changement climatique.

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