Retour
Économie

Financière de la Cité : inversion de tendance sur les taux

12
Apr
2023

Le mois de mars 2023 a été témoin d’un important retournement de tendance sur les taux d’intérêt, aussi bien provoqué par une crise du secteur bancaire américain que par la réaction des banques centrales à cette situation. Après que le taux d’intérêt américain à 10 ans ait touché un plus haut de l’année sur les premiers jours du mois, au-delà du seuil de 4%, il le terminait à 3.50% dans un contexte de forte volatilité. Cette baisse est comparable à ce qui a pu être observé au sein de la zone euro ou, en prenant l’exemple français, le taux à 10 ans est passé d’un niveau proche de 3.25% sur les premiers jours du mois pour le finir à un niveau de 2.80%.

Alors que la Réserve fédérale des Etats-Unis s’apprêtait à fêter la première année de son cycle de hausse de taux, le plus rapide depuis 40 années, la banque californienne SVB, emblématique du secteur de la technologie, était prise pour cible par les marchés financiers et ses clients, entraînant sa chute en quelques heures. Entre un actif constitué de dettes à long terme affichant de conséquentes moins-values et un passif vulnérable à court terme, SVB a connu une chute éclair, plaçant l’intégralité du secteur bancaire américain sous pression. L’incapacité de ce secteur à proposer une rémunération de ses dépôts permettant de concurrencer les taux proposés par le marché s’est ajoutée, dans le cas de SVB, à la faiblesse actuelle du secteur technologique auquel elle était majoritairement exposée.

Dans l’objectif d’éviter une répétition du contexte de 2008, et pour le moment avec succès, la Réserve fédérale des Etats-Unis a choisi d’intervenir massivement et rapidement, notamment en offrant une garantie aux déposants de SVB, mais également à ceux de la banque Signature, fragilisée par son exposition au secteur des cryptomonnaies. La défiance engendrée par cet incident bancaire américain a pour effet d’accentuer la pression d’ores et déjà menée par les autorités monétaires sur les conditions financières. En effet, selon les différentes hypothèses formulées, l’impact de cette séquence serait équivalent à celui d’une hausse de taux comprise entre 25 et 50 points de base pour Goldman Sachs tandis que d’autres acteurs l’évaluent à celui d’une hausse proche de 150 points de base.

En conséquence de ce phénomène, et alors que les gouverneurs semblaient envisager une hausse du taux terminal anticipé à un niveau proche de 6%, le FOMC a choisi de conserver ce taux anticipé à 5.1% (5-5.25%), soit un même niveau que celui publié lors de la réunion du mois de décembre dernier. En agissant ainsi, et malgré une hausse de 25 points de base de son taux directeur, la Fed a abaissé son niveau d’intervention futur, validant ainsi la nouvelle tendance projetée par le marché des taux.

Dans le même temps, la publication des chiffres macroéconomiques au cours de ce mois de mars a plutôt eu tendance à rassurer les marchés financiers, en déminant l’hypothèse d’une réaccélération de l’activité économique aux Etats-Unis, ce qui aurait conduit la Réserve fédérale à la nécessité d’un resserrement plus marqué des taux d’intérêt. Un scénario qui a conduit les marchés actions à pronostiquer un possible atterrissage en douceur de l’économie américaine, également soutenu par la détente enregistrée sur les taux d’intérêt.

Alors que la zone euro a été également impactée par la situation bancaire américaine et sa diffusion à la Suisse par l’entremise de la chute de Credit Suisse, la Banque centrale européenne a tout de même choisi de relever ses taux de 50 points de base, portant le taux de dépôt à 3.00%. Cependant, et à l’inverse de la situation américaine, la conjoncture économique européenne montre des signes de faiblesse.

Selon les chiffres publiés par Eurostat le 8 mars dernier, la demande intérieure privée de la zone euro est entrée en territoire négatif au T4 2022. Alors que la consommation des ménages enregistrait une baisse de 0.9% sur le trimestre (-3.4% en rythme annualisé), la baisse de l’investissement a été de -3.6% (une baisse majoritairement portée par la situation irlandaise). Ainsi, la stabilité du PIB européen au T4 2022 est d’abord le résultat de la baisse des importations européennes (permise par l’amélioration de la situation énergétique du continent) qui masque une tendance à la baisse de l’activité privée.

De plus, la publication des données bancaires européennes révèle une stagnation du crédit dans le secteur privé depuis le mois de septembre dernier, que cela soit au profit des ménages ou des entreprises, signe de l’impact d’ores et déjà actif de la politique monétaire menée par la BCE.

Le cycle de resserrement des politiques monétaires a, dans le courant de ce mois de mars, subi un fort contrecoup par le biais cumulé de publications statistiques démontrant une stabilisation progressive de la situation de surchauffe aux Etats-Unis et d’une crise bancaire qui vient renforcer le resserrement par le biais d’un durcissement anticipé des conditions de crédit. Un phénomène également à l’œuvre en zone euro, mais dans un contexte de fragilité initiale de la dynamique économique du continent.

Partager :

À découvrir

Graph du jour

Découvrez notre sélection de graphiques

Contributeurs

Club patrimoine
Discover the vision of the financial media of tomorrow
Pour aller plus loin

Inscrivez-vous à la newsletter
Club Patrimoine

Parcourez nos catégories