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Actualités du patrimoine

Rothschild & Co Asset Management : Le lien inégalités-croissance à l'ère du réchauffement climatique

6
Feb
2023

Les inégalités se creusent. Dans les années 1980, les 10% les plus riches de la population des pays de l'OCDE gagnaient sept fois plus que les 10% les plus pauvres. Aujourd'hui, ils gagnent près de dix fois plus(1). Bien que la redistribution ait joué un rôle important pour en atténuer la progression dans les économies avancées, le coefficient de Gini(2) était en moyenne de 0,29 au milieu des années 1980 dans les pays de l'OCDE pour ensuite augmenter à 0,32, soit une hausse de près de 10%.
 

Quelles sont les causes ?

Appréhender les inégalités est un exercice complexe car elles présentent un caractère multiforme et cumulatif. 

Cependant, l’intégration des chaînes d’approvisionnement mondiales ainsi que les transformations rapides apportées par le progrès technologique ont entraîné une polarisation des emplois, source majeure d’accroissement des inégalités. Ces dernières décennies, la technologie a permis de réduire les coûts de transport et d'améliorer considérablement l'automatisation et la communication. En revanche, elle semble avoir contribué à l'augmentation des inégalités de revenus dans les pays de l'OCDE en augmentant de manière disproportionnée la demande en capital et en main-d'oeuvre qualifiée par rapport à la main-d'oeuvre peu ou pas qualifiée, en éliminant de nombreux emplois par l'automatisation et en élevant le niveau de compétence requis pour atteindre ou conserver ces emplois(3).

Par ailleurs, le commerce mondial a été un moteur de la croissance dans de nombreux pays en favorisant la compétitivité et en améliorant la productivité. De nouveaux marchés se sont ouverts et des centaines de millions de personnes ont pu sortir de la pauvreté. Néanmoins, le niveau élevé des échanges, en partie rendu possible par le progrès technologique, est souvent cité comme étant à l'origine des inégalités de revenus, car les entreprises, en particulier dans le secteur manufacturier, ont pu adopter des technologies permettant d'économiser de la main-d'oeuvre et de délocaliser leur production(4).

Il a également été démontré que l'augmentation des flux financiers, en particulier les investissements directs étrangers (IDE), accroît les inégalités de revenus(5). L'une des explications possibles est la concentration de ces flux dans des secteurs relativement plus qualifiés et à forte intensité technologique, ce qui a poussé à la hausse la demande et les salaires des travailleurs plus qualifiés.

Changement climatique et inégalités

Le climat affecte certaines sources de revenus (notamment agricoles) et peut entraîner des destructions d’habitats ou de capital physique. D’une façon générale, les pays à faibles revenus et les individus les plus modestes sont les plus vulnérables aux impacts du changement climatique et par conséquent, ce dernier exacerbe encore davantage les inégalités existantes. En effet, du fait de leur localisation, les pays à faibles revenus sont les plus exposés au stress hydrique, à l’intensité des sécheresses, aux vagues de chaleur, aux pertes de rendements agricoles et à la dégradation des habitats naturels. En outre, le poids économique important du secteur primaire (secteurs agricole, forestier et marin) dans ces pays les rend particulièrement vulnérables.


 De leur côté, les ménages défavorisés doivent faire face à plusieurs effets du réchauffement climatique, tels que l’augmentation des prix des denrées agricoles qui résulte des moindres rendements. En outre, ils sont particulièrement sensibles aux variations de ces prix puisqu’ils consacrent une part importante de leurs revenus à l’alimentation. Par ailleurs, ces ménages ne bénéficient que rarement de mécanismes assurantiels ou d’accès à des services de santé de base qui permettent d’atténuer des chocs sur les prix ou les revenus. Cela les oblige, en cas de dégâts causés par une catastrophe naturelle, à puiser dans leur patrimoine propre. Or, jouissant de moins d’actifs, il est plus difficile pour eux de faire face au risque(6). 

En cas d’aléas climatiques, les plus modestes sont également plus touchés par les maladies comme la malaria, ou les maladies d’origine hydrique(7). En somme, les impacts du changement climatique amplifient les inégalités – entre pays et à l’intérieur des pays.


Pourquoi les inégalités comptent ?

Sur le plan théorique, l'opinion dominante dans les années 1950 et 1960 était que de plus grandes inégalités pouvaient profiter à la croissance par le biais de différents mécanismes. Par exemple, les inégalités inciteraient à travailler et à investir davantage, car les personnes ayant un niveau d'éducation plus élevé ont une meilleure productivité et donc des salaires plus élevés, et les différences de taux de rendement encourageraient davantage de personnes à atteindre un niveau d'éducation plus élevé. 

Cependant, plusieurs études ont par la suite mis en garde contre les effets négatifs des inégalités sur l’économie, car elles freineraient les investissements, et donc la croissance, en alimentant l'instabilité économique, financière et politique. Par exemple, une étude du FMI a mis en évidence une relation négative entre la part des revenus revenant aux riches et la croissance économique, ce qui tend à infirmer la théorie du ruissellement selon laquelle l'enrichissement des personnes les plus riches contribuerait à augmenter l'activité économique et l'emploi du reste de la société(8). De même, une analyse de l'OCDE suggère que les inégalités de revenus ont un impact négatif et statistiquement significatif sur la croissance à moyen terme(9).


Note : Le ratio Émission-Émergence (échelle logarithmique) rapporte la contribution des émissions aux impacts à venir. Une valeur supérieure à 1 signifie qu’un pays
est relativement plus responsable du réchauffement climatique qu’il n’en subira les impacts.
Source : Frame et al., 2019
 
Ainsi, le creusement des inégalités freine la croissance économique en empêchant les ménages à faibles revenus de rester en bonne santé et d'accumuler du capital physique et humain(10). Par exemple, il peut conduire à un sous-investissement dans l'éducation, car les enfants pauvres se retrouvent dans des écoles de moindre qualité et sont moins en mesure de poursuivre des études supérieures. En conséquence, la productivité du travail peut être inférieure à ce qu'elle aurait été dans un monde plus équitable(11). En outre, les pays où les inégalités de revenus sont plus marquées ont tendance à présenter des niveaux plus faibles de mobilité intergénérationnelle, les revenus des parents étant un déterminant plus important que ceux des enfants(12).
La concentration accrue des revenus pourrait donc réduire la demande globale et compromettre la croissance, car les personnes qui gagnent le plus dépensent une fraction plus faible de leurs revenus par rapport aux groupes à revenus intermédiaires et modestes.
 

Un futur incertain

 Les perspectives en matière d'inégalités semblent incertaines. Au cours des deux dernières décennies, on a observé une polarisation dans la structure de l’emploi entre des métiers non-routiniers qualifiés et peu qualifiés, faisant ainsi disparaître les emplois moyennement qualifiés, souvent occupés par la classe moyenne.

À l'avenir, de nombreuses nouvelles opportunités d'emploi apparaîtront avec la pénétration accrue des nouvelles technologies numériques – intelligence artificielle, machine learning – même si beaucoup d’emplois risquent également d'être automatisés ou profondément transformés. Une autre question en suspens concerne la transition énergétique. D'une part, le marché du travail pourrait souffrir de la décarbonisation des industries à forte intensité énergétique. Cependant, la transition pourrait également stimuler l'investissement et ouvrir de nouvelles possibilités.

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