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Économie

Rothschild & Co Asset Management : une confiance chancelante...

15
Jun
2023

Si les dernières enquêtes laissent entrevoir un ralentissement de la croissance économique, l'inflation sous-jacente s'avère persistante, poussant ainsi les banques centrales à poursuivre le relèvement des taux directeurs. Cependant, les incertitudes demeurent élevées quant aux effets du resserrement actuel des conditions de crédit.


Une confiance chancelante

La croissance économique s’est avérée plus résistante qu’anticipé en début d’année grâce à l’effet stimulant de la réouverture de la Chine combiné à un hiver relativement doux, soutenant ainsi le secteur de la construction tout en évitant une crise énergétique en Europe. En parallèle, plusieurs gouvernements, notamment en Europe, ont agi rapidement afin d'atténuer les effets de l'inflation élevée sur les revenus des ménages. Toutefois, ces facteurs ne sont que temporaires et les récentes données semblent indiquer un possible retournement de situation.

En Chine, la confiance des entreprises a reflué en mai et les données de production industrielle, de ventes au détail et d’exportation ont fortement déçu, suggérant que le rebond lié à réouverture s’estompe plus rapidement qu’anticipé. L'indice PMI manufacturier a chuté de manière inattendue à 48,8(1) soit à un plus bas depuis décembre 2022, alors que celui des secteurs des services et de la construction a glissé de 56,4 à 54,5 également en deçà des attentes. Dans ce contexte, les investisseurs ont abaissé leurs prévisions de croissance pour 2023 à 5,5 %, contre près de 6 % au début de l'année. Néanmoins, d’autres ajustements pourraient suivre alors que ces prévisions restent supérieures à l’objectif du gouvernement d’environ 5 % , les autorités semblant réticentes à prendre des mesures drastiques pour soutenir l'économie. Paradoxalement, bien que le PIB et les profits pourraient décevoir les investisseurs, un profil de croissance plus modéré est probablement une bonne nouvelle pour l'économie mondiale, car la lutte contre l'inflation est loin d'être terminée.



Aux États-Unis, les perspectives restent incertaines. D'une part, les enquêtes de confiance se sont détériorées. L'indice ISM manufacturier est tombé à 46,9 en mai, restant ainsi en territoire de contraction pour le neuvième mois consécutif, le sous-indice des nouvelles commandes chutant à 42,6. Dans le secteur des services, l’indice est tombé à 50,3(2), un niveau qui n'a été atteint qu'une seule fois depuis le début de l'année 2010, à l'exception de la chute de 2020 au début de la pandémie, signalant un ralentissement économique manifeste. Toutefois, le marché du travail reste très tendu. Le nombre de postes non pourvus a augmenté de manière inattendue en avril pour atteindre 10,1 millions, et le rapport entre les postes vacants et les chômeurs est passé à 1,8, soit son niveau le plus élevé depuis trois mois et proche d'un record historique. En outre, 339 000 emplois ont été créés en mai et la moyenne sur trois mois s’est redressée à plus de 280 000, suggérant que la demande de main-d'œuvre reste robuste alors que la croissance des salaires est toujours incompatible avec un retour rapide de l'inflation vers la cible de la Fed.

La confiance des entreprises s'est également affaiblie en zone euro, en particulier dans le secteur industriel. De plus, d’après les dernières révisions, l’Allemagne est tombée en récession technique au début de l'année. Par ailleurs, les estimations préliminaires de mai ont montré que l'inflation a diminué plus que prévu, passant de 7,0 % à 6,1 % en raison de la baisse des prix du pétrole et du gaz. La composante sous-jacente est passée de 5,6 % en avril à 5,3 % puisque du côté des services, l'inflation a baissé de 0,2 point à 5,0 %, soit la première décélération depuis novembre dernier. Cela étant, le ticket de transport public régional de 49 € en Allemagne a joué un rôle important et l'inflation des services pourrait demeurer élevée au cours de l'été, voire repartir à la hausse étant donné l’accélération récente du rythme de croissance des salaires.


Resserrement des conditions de crédit, baisse de la demande

L'enquête de la Banque Centrale Européenne (BCE) sur la distribution du crédit bancaire (BLS) et celle de la Fed auprès des responsables du crédit (SLOS) publiées début mai ont toutes deux montré un nouveau resserrement des conditions de crédit, en particulier pour les entreprises(3). Les banques justifient ce durcissement en raison des incertitudes relatives aux perspectives économiques, d’une tolérance réduite au risque, d’une détérioration de la valeur des garanties ainsi que des préoccupations concernant les coûts de financement et des positions de liquidité des banques. De son côté, la hausse des taux d'intérêt a entraîné une nette baisse de la demande, en particulier pour les prêts immobiliers commerciaux aux États-Unis.


À l'inverse, le renchérissement et le rationnement du crédit pèsent sur l'activité économique en raison des effets négatifs sur les décisions de consommation et d'investissement.

Toutefois, une grande incertitude existe quant à la rapidité et à l'intensité de ces effets, d'autant plus que la part des prêts à taux fixe dans l'économie est beaucoup plus élevée que lors des précédents cycles de resserrement de la politique monétaire. Par conséquent, les délais de la politique monétaire pourraient être plus longs que d'habitude.

Le président de la Fed, J. Powell, a récemment souligné que le resserrement du crédit attendu à la suite des récentes faillites bancaires, combiné aux résultats du SLOS, pèsera vraisemblablement sur la croissance économique et l'embauche. Par conséquent, le taux directeur n'aura peut-être pas besoin d'augmenter autant qu'il l'aurait fait autrement pour lutter contre l'inflation. Alors que la Fed marquera probablement une pause lors de la réunion de juin afin d'évaluer les délais longs et variables de sa politique monétaire, elle signalera néanmoins que la tâche n'est pas encore terminée. Les tensions sur le marché du travail restent en effet une source majeure de pressions sur les prix dans un contexte de taux d'inflation sous-jacente élevée. En outre, les décideurs politiques s'inquiètent du risque de rétroaction positive d'une pause sur les marchés financiers, dans la mesure où le positionnement optimiste des investisseurs assouplirait les conditions financières, sapant ainsi les intentions de la Fed de ralentir l'activité.

Parallèlement, la présidente de la BCE, C. Lagarde, a reconnu que les résultats de la dernière enquête BLS confirmaient les effets du cycle de resserrement monétaire, ce qui a convaincu le conseil des gouverneurs de réduire le rythme des hausses de taux d’intérêt, avec une augmentation de 25 points de base (pdb) au lieu de 75 ou 50 pdb lors des réunions précédentes. Cela dit, la BCE poursuivra sa campagne de resserrement jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment certaine que l'inflation est sur la bonne voie pour revenir à l'objectif de 2 % en temps voulu, ce qui est encore loin d’être le cas.


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