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Sunny AM : Vers un nouveau cycle des matières premières ?

1
Feb
2023

La mondialisation telle que nous la connaissons depuis quelques décennies est en métamorphose. Les politiques étrangères de l'UE, des États-Unis et de la Chine, entre autres, ont mis en lumière les risques d'une trop forte dépendance les uns des autres. L'avenir est d'autant plus incertain alors que nous nous demandons comment les tensions croissantes entre le bloc occidental et « l'alliance » Chine-Russie influenceront le futur de nos économies. En tant que professionnels de l'investissement, nous ne pouvons nous empêcher de remettre en question la fiabilité de la promesse de Xi d'abandonner sa politique zéro-covid.

Alors pourquoi se pencher sur un pays d'à peine 26 millions d'habitants pour trouver des pistes sur le remaniement du commerce mondial, et plus particulièrement sur les prix de l'énergie et des métaux ? Le bras de fer entre l'Australie et la Chine est une illustration de la forte interdépendance entre les principaux acteurs économiques et les ramifications d'éventuels conflits géopolitiques, nous donnant ainsi un aperçu sur le nouveau cycle des matières premières.

Un peu de contexte...

2008 La République populaire de Chine dépasse le Japon pour devenir la destination la plus courante des exportations australiennes, représentant 20,5% du total.

2015 L'Australie et la Chine concluent un accord de libre-échange. Bien que les liens économiques restent solides, Canberra condamne publiquement le traitement des Ouïghours et des Hongkongais par la Chine, et plus particulièrement son comportement dans les conflits territoriaux dans l'océan Pacifique et son infiltration au sein du parlement australien. C'est le début d'une escalade dans les tensions. En seulement 12 ans, la part de la Chine dans le total des recettes d'exportation de l'Australie a doublé, atteignant la somme colossale de 40,7 %. Alors que la pandémie met la planète en pause, le Premier ministre de l'île remet en question la véracité du récit de Pékin sur les origines du COVID et appelle à une enquête indépendante... C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. La Chine réagit en délivrant un message clair à l'Australie et à la communauté internationale : ne jouez pas avec le feu.

Le vrai rideau de Fer

Les relations entre les deux pays se dégradent et la Chine déclare une guerre commerciale sur l'île en imposant des interdictions et des tarifs sur presque toutes les importations en provenance de l'Australie, soit 50 milliards de dollars d'exportations (environ 3,5 % de son PIB en 2020). Ce qui a commencé par des sanctions sur le vin et les produits agricoles tels que l'orge, le bœuf et le blé, a été rapidement suivi d'un embargo sur le charbon, le coton et le GNL, entre autres. L'ampleur de la punition de Xi était sans précédent.

En effet, le Parti communiste avait l'intention de faire comprendre que quiconque ose défier le dragon fera face à des représailles. Mais même un puissant dragon a son talon d'Achille : environ la moitié des exportations totales de l'Australie vers la Chine avant le conflit provient de la vente de minerai de fer, dont la Chine a si désespérément besoin. La République populaire représente plus de 70 % des importations mondiales de minerai de fer, bien qu'elle soit le troisième plus grand producteur. Ce métal a été épargné par les interdictions et les tarifs imposés, puisqu'il est au cœur de l'économie de l'Empire du Milieu et il alimente sa croissance. Ainsi, de grandes quantités de ce minerai continuaient d'arriver sur les côtes chinoises.

Loin de capituler, l'Australie a tenu bon et a ignoré la liste des 14 griefs envoyée en novembre 2020 par la Chine afin de "corriger" la situation. Ce qui semblait être une décision facile pour l'héritier symbolique de Mao, s'est avéré être un véritable casse-tête…


L’erreur de calcul de Xi

Lorsque la Chine a interdit les exportations de l'Australie, celle-ci a dû se tourner vers d'autres pays producteurs (pour le charbon, elle s'est tournée vers la Russie par exemple) pour combler rapidement le vide créé. La Russie, surprise par cette augmentation soudaine de la demande, n'a pas pu satisfaire les besoins de tous, ce qui a fait grimper les prix. Le coût du plan d'intimidation chinois a tout de suite augmenté significativement, puisqu'ils ont été obligés de payer une prime afin de recevoir leurs produits.


Xi n'a pas reculé face à cet événement afin de porter le coup de grâce à l'économie australienne et soumettre l'île à sa volonté. Cependant, les partenaires commerciaux habituels de la Russie se sont retrouvés dans une impasse, en raison du choc d'approvisionnement inattendu. Ils devaient trouver un nouvel allié qui pourrait répondre à leur demande dans un délai très court. Vous l'aurez deviné, les exportations australiennes qui étaient dans les limbes ont rapidement trouvé un nouvel acheteur : une guerre commerciale n'entraîne pas nécessairement une destruction des échanges commerciaux.

Non seulement la Chine n'a pas tenu compte du détournement des échanges, mais elle a fini par payer plus pour ses importations et a permis à l'Australie d'être payée plus pour ses exportations.

Ceci dit, l'Australie a pu rapidement réaffecter ses exportations en raison de l'essence même de ces produits : des matières premières telles que le charbon, les céréales ou la laine sont des produits génériques et peuvent facilement trouver un marché dans presque toutes les économies mondiales. Lorsqu'il s'agit d'exportations plus ciblées, telles que les voitures de luxe, les semi-conducteurs, les smartphones ou encore les réacteurs nucléaires, le détournement des échanges devient de plus en plus complexe et une guerre commerciale aurait des conséquences plus graves.


Les leçons de Canberra. Que nous ont appris les australiens ?

Si les tensions devaient monter entre les pays occidentaux et l'alliance informelle Chine-Russie, ce qui n'est pas improbable, la demande de métaux se révélerait bien plus résistante que les autres industries.

1. Le détournement des échanges jouerait d'abord un rôle dissuasif : la scène mondiale a déjà été témoin de l'erreur de calcul de Xi et des conséquences qu'une escalade rapide d'une guerre commerciale entraînerait. Chaque pays qui souhaite déclencher un ensemble de sanctions y réfléchira à deux fois avant de le mettre en œuvre.

2. De plus, les deux camps sont extrêmement imbriqués : la Chine ne peut pas se permettre d'arrêter brutalement d'importer du minerai de fer pour alimenter sa production d'acier entre autres, et l'Occident ne peut pas vraiment se passer de la capacité d'approvisionnement et de raffinage des terres rares de la Chine, qui sont essentiels pour les économies occidentales, de l'énergie propre et de l'électronique aux industries de l'aérospatiale et de la défense (en effet, le puissant F-35 utilise plus de 400 kg de terres rares par jet).

3. Si l'un d'eux lançait une guerre commerciale totale malgré tous les périls économiques mentionnés précédemment, les matières premières telles que les métaux et l'énergie seraient les industries parmi les moins touchées.


Si les hostilités s'apaisent, la transition vers une économie plus verte serait en tête des priorités. Que l'intention soit de se concentrer sur l'hydrogène vert et les piles à combustible, de produire plus d'éoliennes et de panneaux solaires ou simplement d'acheter le dernier outil économe en énergie, la demande de matières premières telles que les éléments de terres rares, le lithium, le cuivre et le cobalt pour ne citer quelques-uns, ne fera que grandir. Nous ne manquons pas d'entrepreneurs brillants pour créer le dernier outil éco-responsable, mais nous manquerons de ressources. En plus de la réouverture de l'économie chinoise, cela ne fera qu'exacerber la hausse des prix de ces métaux.

Le bras de fer européen face à la Russie peut vous venir à l'esprit comme un contre-exemple lorsque l'on considère l'interdépendance des pays. La vérité est que la Russie n'est pas le seul fournisseur mondial de gaz naturel : l'UE peut compter sur ses homologues américains et qatariens, qui abritent l'équivalent d'au moins 73 % des réserves de gaz de la Russie, en plus de la Norvège, du Canada, de l'Algérie et des Pays-Bas. Quant à la Russie, sa dépendance aux revenus du gaz avant la guerre n'était que symbolique : en 2020, les exportations de gaz ne représentaient que 6 % des exportations totales, la part du lion étant le pétrole.

Dans notre cas, la Chine et la Russie abritent environ la moitié des réserves mondiales des terres rares. Même si les États-Unis disposent de plus de 1,5 million de tonnes de réserves, ils dépendent de la Chine pour leur raffinerie. Quant au minerai de fer, la Chine est responsable de 70 % des importations totales mondiales. Comme l'Australie exporte 56% du montant total, il serait prudent de supposer que la Chine ne serait pas en mesure de trouver des partenaires qui répondraient à sa demande massive.


Comment intégrer ce sujet dans nos décisions d’investissement ?

Xi a récemment cédé aux manifestations contre la politique anti-zéro-covid et a rouvert son économie. Que le pays revienne bientôt ou non à une nouvelle série de confinements reste imprévisible, d'où le risque de prendre des positions sur ses marchés.

Moins discutable est la résilience des prix de l'énergie et des métaux, qui ont grimpé en 2021 malgré la fermeture de la Chine. En effet, la transformation de nos sociétés en structures plus durables place les matières premières au cœur de la refonte du nouvel ordre économique mondial. En conséquence, même si Xi revient sur sa stricte politique zéro-covid, même si les tensions montent entre le bloc occidental et le duo Chine-Russie, le changement climatique ne fera qu'intensifier la demande de matières premières dans les années à venir, les rendant moins vulnérables que les autres classes d'actifs. En revanche, si le retour de la Chine sur la scène mondiale s'avérait définitif, les besoins de son économie exacerberaient la demande croissante en métaux.

L'équipe de gestion identifie des tendances et se positionne pour les saisir, sur la base d'une compréhension approfondie de l'environnement macroéconomique. Le cas de l'Australie est un exemple d'un développement macroéconomique mondial qui pourrait conduire à des opportunités d'investissement dans la devise du pays ainsi que dans l'industrie des métaux et des compagnies minières. Tout en restant prudent quant à toute prise de position sur l'économie chinoise, les conséquences possibles de cette poigne de fer s'inscrivent parfaitement dans notre thématique "Transition énergétique".

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