Fed, les droits de douane aux trousses (Ecofi)

Économie
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La Fed a laissé sa politique monétaire inchangée le 18 juin dernier. Un statu quo prévisible et un discours attendu, qui s’est finalement avéré peu éclairant. L’incertitude est certes retombée grâce aux revirements multiples de D. Trump sur les droits de douane, mais la visibilité ne s’est pas franchement améliorée. Tout est donc encore possible pour l’économie américaine et la Fed. L’analyse par scénario demeure la méthode à privilégier pour tenter d’anticiper la suite des événements.

Le 18 juin dernier, la Fed a donc laissé ses taux directeurs sur une fourchette comprise entre 4,25 % et 4,50 %. Le communiqué ainsi que la conférence de presse ont été pauvres en nouvelles informations. L’actualisation des projections économiques trimestrielles indique que la Fed s’attend à plus d’inflation, moins de croissance et une augmentation du taux de chômage. Dans un contexte marqué par une hausse des droits de douane imposés par les États-Unis au reste du monde, l’inflation est ainsi attendue aux alentours de 3 % d’ici la fin de l’année, contre une inflation totale évoluant à 2,1 % sur un an à fin avril et à 2,5 % hors énergie et alimentation. Il convient par ailleurs de noter que l’incertitude attachée à ses prévisions est toujours indiquée comme étant bien plus élevée que les normes habituelles. Les dots – prévisions anonymes du niveau des taux directeurs par chacun des membres de la Fed – suggèrent toujours deux baisses supplémentaires en 2025. Les membres en faveur d’un statu quo sur l’ensemble de l’année sont toutefois encore plus nombreux qu’ils ne l’étaient en mars dernier.

À cet égard, notre analyse par scénario publiée le 20 mars dernier (« Lorsque l’incertitude devient une certitude », disponible ici) semble encore pertinente et il nous paraît opportun d’en proposer une actualisation.

Scénario 1 : une hausse des taux directeurs reste peu probable

Disons-le d’emblée, ce scénario n’est toujours pas le plus probable. Certes, les droits de douane ont augmenté de manière significative, mais la transmission de ceux-ci à l’inflation tarde à se faire sentir. Resserrer la politique monétaire dans une telle situation n’aurait de sens qu’en cas (i) d’augmentation brusque de l’inflation, dans des proportions non envisagées et (ii) de dérapage des anticipations d’inflation, rendant possibles les effets de second tour (i.e. par le biais d’une hausse des salaires).

Pour le moment, la première condition n’est pas respectée. S’agissant de la deuxième, les anticipations d’inflation ont effectivement augmenté, mais les données sont quelque peu polluées. Si les ménages interrogés au sein de l’enquête de l’Université du Michigan entrevoient une inflation s’approchant des 7 % à horizon un an, d’autres enquêtes obtiennent des chiffres plus modérés. La dispersion des réponses est par ailleurs influencée par les affiliations partisanes des répondants (démocrates vs républicains). Les ménages américains nous renvoient un message qui relève davantage d’une défiance vis-à-vis de la politique de D. Trump et d’une crainte de perte en pouvoir d’achat, plutôt que d’une véritable capacité à pouvoir prédire l’inflation.

Enfin, les anticipations des marchés financiers sont restées quant à elles relativement contenues.

Scénario 2 : un statu quo monétaire prolongé reste envisageable

Ce scénario tel que nous l’avions décrit en mars dernier demeure une hypothèse valable. Il présuppose que l’augmentation de l’inflation en lien avec les droits de douane soit limitée et transitoire. Tout comme celle des anticipations d’inflation mentionnées plus haut.

Mais ce scénario est sous-tendu par une idée plus subtile encore. Il est en effet tout à fait possible d’envisager que D. Trump n’aille pas au bout de sa stratégie et que les négociations en cours aboutissent à un abaissement significatif du taux moyen effectif des droits de douane actuellement en application. L’incertitude diminuerait et la croissance repartirait. Les pressions inflationnistes pourraient ainsi perdurer aux alentours des niveaux actuels, ce qui tempèrerait les ambitions de la Fed en matière de baisses de taux.

Scénario 3 : une baisse des taux reste le scénario central

Nos convictions n’ont pas changé. Nous pensons toujours que la Fed procédera à des baisses de taux cette année et ce, pour trois raisons. Premièrement et cela rejoint les arguments avancés au sein des deux premiers points, il nous paraît difficile d’envisager un dérapage des anticipations d’inflation. D’une part en raison de la pollution statistique et d’autre part car le choc d’offre négatif* que s’apprête à subir les États-Unis (voir ici notre raisonnement sur la transmission des droits de douane à l’inflation) ne s’accompagnera pas d’un choc de demande positif**.

Deuxièmement, car nous anticipons que l’augmentation de l’inflation du fait des droits de douane, bien que graduelle, ne sera que temporaire. Troisièmement, du fait de l’incidence négative de la politique erratique de D. Trump sur l’activité américaine. La consommation ralentit déjà et ce mouvement devrait se poursuivre. Le climat d’incertitude pèse également sur les entreprises. Les grandes comme les petites, réduisent leurs intentions d’investissement et freinent les embauches. À cet égard, le marché du travail est beaucoup plus fragile aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant. La tension sur le marché du travail a fortement diminué, le taux de départs volontaires a chuté, les inscriptions hebdomadaires au chômage augmentent tendanciellement et le marché de l’emploi manque de fluidité. C’est pourquoi notre scénario central demeure celui d’une Fed privilégiant l’emploi au détriment de l’inflation, en effectuant quelques baisses de taux dites « tactiques », dans l’optique de démêler la situation.

Des tensions géopolitiques qui ajoutent à l’incertitude

Pour conclure, il est cependant impossible de ne pas mentionner les récents événements géopolitiques au Moyen-Orient. Les États-Unis ont, en effet, décidé de frapper les trois principaux sites nucléaires iraniens, Ispahan, Natanz et Fordo. La suite demeure incertaine et au moment d’écrire ces lignes, les possibilités sont nombreuses : une réplique Iranienne d’une nature et d’une ampleur encore difficilement envisageables, un blocage de détroit d’Ormuz, un renversement du régime... Bien que brusque, l’augmentation des cours du pétrole reste pour le moment contenue et ne devrait pas affecter profondément la trajectoire de l’inflation, ni celle de l’activité. Pour les banques centrales, la multiplication des chocs d’offre est une équation à laquelle il est difficile d’apporter une réponse. Stabiliser l’activité, au risque de laisser filer temporairement l’inflation ? ou lutter contre l’inflation générée au risque d’engendrer une fluctuation.

Par Florent Wabont, Economiste, Ecofi

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