Tensions commerciales USA/Canada : Ottawa annule sa taxe numérique sous pression de Trump

Une rupture brutale des négociations commerciales initiée par Washington
Le président américain Donald Trump a suspendu unilatéralement les discussions commerciales avec le Canada le 28 juin 2025, dénonçant l’entrée en vigueur imminente d’une taxe canadienne sur les services numériques comme un « coup direct et évident » contre les intérêts américains¹. Cette décision, annoncée via Truth Social, visait à protester contre une mesure que la Maison-Blanche considère comme hostile aux grandes entreprises technologiques américaines.
La taxe sur les services numériques (TSN), prévue pour entrer en vigueur le 30 juin, imposait un prélèvement de 3 % sur les revenus générés par certaines activités numériques au Canada, comme la publicité en ligne, les plateformes d’e-commerce, les réseaux sociaux ou la vente de données personnelles. Elle visait spécifiquement les multinationales dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 1,1 milliard de dollars canadiens, et les recettes canadiennes excèdent 20 millions de dollars canadiens¹.
Le Canada fait marche arrière pour relancer le dialogue
Sous la pression de Washington, le gouvernement canadien a annoncé le 29 juin l’annulation de cette taxe. Le ministre des Finances François-Philippe Champagne a déclaré que cette décision visait à créer un climat favorable à la reprise des négociations, dans l’objectif d’un accord commercial avant le 21 juillet¹. Ottawa espère ainsi désamorcer la crise diplomatique déclenchée par la rupture brutale des discussions.
Le premier ministre Mark Carney, engagé dans des échanges directs avec Donald Trump notamment lors du sommet du G7 le 16 juin à Kananaskis, semble avoir opté pour une approche pragmatique afin d’éviter une détérioration durable des relations bilatérales.
Des critiques virulentes contre l’influence des géants de la tech
La volte-face canadienne a suscité de vives réactions. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et coprésident de la commission ICRICT (Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des sociétés), a dénoncé une « agression caractérisée » contre la souveraineté du Canada². Selon lui, cette crise dépasse le cadre strict du commerce et reflète une dérive plus profonde : « Il s'agit de savoir si des gouvernements démocratiquement élus peuvent réglementer et taxer de puissantes entreprises, ou si des milliardaires de la tech peuvent dicter des politiques par l’intermédiaire de relais politiques »².
L’ICRICT, qui militait pour le maintien de la TSN, affirme que l’attitude de Washington représente une tentative d’intimidation. Elle estime que cette affaire illustre une « escalade préoccupante dans la lutte mondiale entre la gouvernance démocratique et le pouvoir incontrôlé des entreprises »².
Une taxe taillée pour les GAFAM
La taxe canadienne visait explicitement les grandes entreprises américaines comme Google, Apple, Meta, Amazon ou Microsoft. Accusées de profiter du caractère immatériel de leurs activités pour contourner les impôts dans les pays où elles opèrent, ces entreprises sont depuis plusieurs années dans le viseur de nombreuses juridictions. La TSN s’inscrivait dans une tendance mondiale de rééquilibrage fiscal en faveur des États, amorcée notamment par l’OCDE.
Mais le retrait précipité du texte, juste avant sa mise en œuvre effective, relance les débats sur la capacité réelle des États à imposer une fiscalité équitable face à des multinationales aussi puissantes que les gouvernements eux-mêmes.
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Une souveraineté économique fragilisée
En s’affranchissant des usages diplomatiques pour forcer la main d’un allié stratégique, Donald Trump cherche à démontrer que les intérêts des entreprises américaines restent une priorité de sa politique commerciale. Pour l’ICRICT, cette attitude « sert un objectif clair : éviter que les riches géants de la technologie paient leur juste part d’impôts au Canada »².
Stiglitz et son organisation ont exhorté Ottawa à « tenir bon » face à cette pression, mais le gouvernement a privilégié une solution immédiate pour préserver la relation bilatérale. Reste à savoir si cet épisode affaiblira durablement les ambitions canadiennes de réformer la fiscalité numérique, ou si un nouveau cadre multilatéral viendra, à terme, remplacer les solutions unilatérales abandonnées sous pression.
¹ Source : Le Figaro
² Source : Boursorama.
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