Comment Trump justifie le chiffre de 39 % sur les produits américains en Europe ?

Économie
Christian Bito
tableau douane trump

Les récentes déclarations de Donald Trump concernant la prétendue taxation des produits américains à hauteur de 39 % par l’Europe ont relancé la polémique sur les tensions commerciales transatlantiques. Ce chiffre, abondamment relayé dans ses discours de campagne, interroge quant à sa construction et à sa fiabilité. Décryptage des méthodes de calcul utilisées et des réalités économiques sous-jacentes.

Un chiffre gonflé par l’addition cumulative des droits de douane

L'affirmation de Donald Trump repose sur un calcul pour le moins discutable. Selon les investigations, le chiffre de 39 % résulte d’une addition des droits de douane appliqués sur plusieurs catégories de produits exportés par les États-Unis vers l’Union européenne. Plutôt que d’évaluer un taux moyen ou pondéré sur l’ensemble des échanges, la méthode consiste à cumuler les niveaux maximaux appliqués sur des biens distincts, comme l’automobile, l’agroalimentaire ou encore certains produits manufacturés.

La solution de l'énigme du tableau

"Vous avez certainement été surpris par les chiffres produits par Donald Trump lors de son discours. Il a justifié une réponse réciproque et "modérée" pays par pays en fonction des droits de douane que chacun d’entre eux faisait supporter aux États-Unis. Or, personne n’a réussi à retrouver les calculs de ses conseillers exhibés sur les tableaux à la Maison-Blanche. Par exemple, 20 % de TVA pour la France plus des taxes en moyenne de l’ordre de 1,7 % selon le service des douanes… bien loin du 39 % affiché, comme pour les autres pays.

La solution est peut-être monstrueusement simple. En tout cas, le calcul suivant se vérifie sur l’ensemble du tableau affiché : pour la Chine par exemple, les importations américaines en provenance de ce pays totalisent environ 440 milliards de dollars. Le déficit commercial des États-Unis avec la Chine est d’environ 300 milliards. En rapportant ce déficit au total des importations, cela donne 68 %. Et ensuite, l’administration a décidé d’appliquer 50 % de ce taux comme nouveau droit de douane ! Le même calcul donne 39 % pour l’Union européenne et donc 20 % pour la France. Incroyable, très difficile à justifier ; nous ne disposons pas des derniers chiffres détaillés de Saint-Pierre-et-Miquelon mais le résultat leur a valu le terrifiant taux de 50 % de droit de douane. Ce qui signifie que les États-Unis importent 100 de l’île, principalement des poissons et crustacés, et que Saint-Pierre-et-Miquelon n’achète presque rien aux États-Unis, soit un déficit commercial de 100 et un rapport de 100 %. En 2021, les exportations de l’île totalisaient 4,3 millions d’euros mais seulement 1,7 % vers les États-Unis, soit un enjeu de moins de 100 000 euros qui seraient taxés à 50 % dorénavant."

Par Christian BITO professeur de finance à l’ESSEC et Vice-Président de Swiss Life Gestion Privée

Une exagération qui masque la réalité des échanges transatlantiques

Les experts s’accordent sur le fait que la moyenne des droits de douane appliqués par l’Union européenne sur les importations américaines est largement inférieure à 39 %. Elle oscille en réalité autour de 3 %, selon les données officielles disponibles. Même si certains produits agricoles ou automobiles sont effectivement frappés par des taux plus élevés, ils ne sauraient représenter l'ensemble du commerce transatlantique.

Cette exagération sert avant tout un objectif de communication politique, dans le contexte de la campagne présidentielle américaine. Donald Trump cherche ainsi à alimenter le sentiment d’un déséquilibre commercial supposément défavorable aux États-Unis, pour justifier les mesures protectionnistes qu’il promet de renforcer.

Un discours destiné à légitimer les nouvelles surtaxes

Au-delà de la polémique chiffrée, ces déclarations s’inscrivent dans la stratégie plus large de Donald Trump visant à préparer l’opinion à l’introduction de nouvelles barrières tarifaires. En désignant l’Europe comme une source d’injustice commerciale, le candidat républicain pose les jalons d’une politique économique offensive s’il est élu.

Ce discours permet également de galvaniser son électorat industriel, particulièrement sensible aux arguments de concurrence déloyale. La présentation d’un chiffre aussi spectaculaire que 39 %, même contestable, sert de levier rhétorique puissant pour appuyer ses annonces de surtaxes à venir sur les produits européens.

Sources : BFMTV, Sud Ouest

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