Au commencement était l’American Rescue Plan Act of 2021 (Richelieu Gestion)
L’inflation a été un sujet majeur de préoccupation économique ces dernières années. Elle était initialement considérée comme transitoire, mais elle a continué d’augmenter, dépassant les attentes de la plupart des économistes. La reprise économique, l’apparition de variants, la guerre en Ukraine et la fermeture de l’économie chinoise y ont contribué.
L’inflation était initialement considérée comme transitoire, car elle était due à des facteurs temporaires, telles que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale et la reprise de l’économie après la pandémie de Covid-19. Cependant, elle a continué d’augmenter, dépassant les attentes de la Fed, qui a été contrainte de relever ses taux d’intérêt de manière historique.
Nous sommes tous confrontés à la même poussée inflationniste, mais la situation est différente en Europe et aux États-Unis. Cette différence est due à un choc d’offre lié à la guerre en Ukraine. L’Europe est plus dépendante des importations d’énergie et d’alimentation que les États-Unis, ce qui la rend plus vulnérable à la hausse des prix de ces biens.
Il y a bien évidemment une inflation liée à la demande en Europe, mais elle est moins importante qu’aux États-Unis. La politique monétaire, par nature, agit principalement sur la demande en influençant le coût de l’argent et la quantité de monnaie en circulation. La politique monétaire américaine est donc plus susceptible d’avoir un impact sur l’inflation que la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne, qui est également confrontée à des chocs d’offre.
L’inflation est un enjeu majeur dans le monde entier, mais en ce qui concerne les marchés financiers, nous pensons que l’inflation américaine et la politique monétaire qui en découle sont au cœur des décisions d’allocation.
A posteriori, la plupart des spécialistes ont été surpris par la force de l’inflation. Cependant, lorsque nous nous replongeons en 2021, bien avant que l’inflation ne s’envole, des économistes keynésiens comme Larry Summers ou Olivier Blanchard s’opposaient à d’autres économistes keynésiens comme Janet Yellen ou Paul Krugman.
Comme nous l’avions souligné dans notre point mensuel de février 2021, le débat était rude. L’histoire a donné raison aux premiers.
Au commencement était American Rescue Plan Act of 2021.
Le plan de relance de Joe Biden a suscité la polémique parmi les grands économistes du clan démocrate. Certains, comme Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor et conseiller économique de Barack Obama, ont mis en garde contre le risque d’inflation.
En février 2021, Summers et Paul Krugman, prix Nobel d’économie, ont débattu à ce sujet à l’École de Princeton. Le titre du débat était éloquent : « Le plan de relance de Biden va-t-il conduire à l’inflation ? »
Larry Summers a fait valoir quatre points :
– Le plan de relance, d’un montant de 1 900 milliards de dollars, est « extrêmement important » et le montant des dépenses est bien supérieur au déficit de production estimé.
– Il va « bien au-delà de ce qui est nécessaire » pour aider les victimes de la crise de Covid-19.
– « Nous risquons une sorte de collision inflationniste » si le train de mesures fait grimper l’inflation, la Fed pourrait par inadvertance provoquer une récession en essayant d’étouffer l’inflation par des taux d’intérêt plus élevés.
– Cette somme d’argent serait mieux dépensée en investissements publics à long terme.
Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, a également tiré le signal d’alarme. Il propose alternativement d’en financer une partie par une taxe sur les gains en capital. Face à ces inquiétudes, certains économistes estiment que le risque de n’en faire pas assez pour aider à résorber le chômage est plus grand que le risque inflationniste.
Voici quelques précisions supplémentaires sur les arguments de Summers :
– Il a comparé le plan de relance de Biden à celui de 2009, qui était environ deux fois moins important que le déficit de production de l’époque.
– Il a également souligné que le plan de Biden est six fois plus important que le déficit à combler.
– Il a conclu que le plan de Biden était « un pari très risqué » qui pourrait « entraîner des conséquences économiques négatives« .
Son analyse était un rappel important que les politiques économiques peuvent avoir des effets à long terme.
Il n’était pas le seul à le penser. Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds Monétaire International (FMI), avait lui aussi tiré le signal d’alarme. Si le montant du nouveau plan de relance était adopté par le Congrès, Olivier Blanchard proposait alternativement d’en financer une partie par une taxe sur les gains en capital. Il estimait que cela serait « juste, offrirait une protection et limiterait la surchauffe« . Face à ces inquiétudes, certains économistes estimaient que le risque de ne pas en faire assez pour aider à résorber le chômage était plus grand que le risque inflationniste. Il a proposé d’en financer une partie par une taxe sur les gains en capital, qui est un impôt sur les profits réalisés lors de la vente d’un actif, comme une action ou un bien immobilier. Il a également estimé que cette taxe « offrirait une protection » contre l’inflation en réduisant la quantité d’argent en circulation.
En 2021, Paul Krugman, Janet Yellen et Jérôme Powell ont été parmi les nombreux économistes qui ont soutenu que l’inflation était transitoire.
Paul Krugman, prix Nobel d’économie, a écrit dans le New York Times en juillet 2021 que l’inflation était élevée, mais qu’elle était due à des facteurs temporaires. Il a déclaré que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement devraient s’atténuer à mesure que l’économie mondiale se remet de la pandémie. Et les dépenses des consommateurs devraient se normaliser à mesure que les ménages s’endettent de plus en plus.
Janet Yellen, secrétaire au Trésor, a déclaré à plusieurs reprises en 2021 qu’elle était convaincue que l’inflation était transitoire et que le risque le plus important était que les États-Unis n’en fassent pas assez pour faire face à la pandémie et aux problèmes de santé publique.
Jérôme Powell, président de la Réserve Fédérale, a également dit en 2021 que les pointes d’inflation à venir seraient temporaires, que la banque centrale ne serait pas contrainte de remonter plus vite que prévu ses taux d’intérêt. Il a maintenu l’idée qu’un retour rapide des tendances inflationnistes élevées n’était pas probable après 25 ans de désinflation régulière et il a insisté sur le fait que la Fed avait les outils pour lutter contre l’inflation si elle se produit.
Le débat faisait rage et les échanges par voie d’articles et de réseaux sociaux furent pléthoriques. Larry Summers a défendu son article d’opinion dans le Washington Post en affirmant que, comme le titre l’indiquait, « Le plan Biden est remarquablement ambitieux ». Mais il comporte aussi de gros risques et « c’est probablement une erreur » des jeunes économistes de supposer que l’inflation ne sera plus jamais un problème.
Paul Krugman répondit en reprenant la ligne de sa propre chronique dans le New York Times, intitulée « Biden est le grand dépensier que l’Amérique veut ». Le plan de Biden devait être considéré comme un plan de sauvetage, et non comme une stimulation. « Voyez-le comme un secours en cas de catastrophe ou comme une guerre. Quand Pearl Harbor est attaqué, on ne dit pas : Quelle est l’ampleur de l’écart de production ? »
L’article de Paul Krugman est un argument en faveur du plan de dépenses de Joe Biden. Krugman soutient que les Américains veulent un grand dépensier et que le plan de Biden est un bon investissement pour l’avenir. Krugman cite des sondages qui montrent que les Américains sont prêts à payer pour des investissements dans l’infrastructure, l’éducation et la santé. Il soutient que ces investissements créeront des emplois, stimuleront la croissance économique et amélioreront la qualité de vie des Américains. Krugman reconnaît qu’il y a des risques associés au plan de Biden, tels que l’inflation et l’augmentation du déficit budgétaire. Cependant, il soutenait que ces risques étaient gérables.
Le plan de relance de Joe Biden, adopté en mars 2021, a été un choc budgétaire massif pour l’économie américaine. Le plan a injecté 1 900 milliards de dollars dans l’économie, soit environ 9 % du PIB. Ce choc budgétaire a eu un impact positif sur l’économie américaine. Il a contribué à relancer la croissance économique, à créer des emplois et à réduire le chômage. Cependant, ce plan de relance a également soulevé des préoccupations quant à la possibilité d’une surchauffe de l’économie.
En décembre 2021, se prononçait à demi-mot en s’exprimant au congrès le président de la Fed, Jerome Powell « Nous avons tendance à utiliser le terme « transitoire » pour signifier qu’il ne laissera pas de marque permanente sous la forme d’une inflation plus élevée. Je pense qu’il est probablement temps de retirer ce mot et d’essayer d’expliquer plus clairement ce que nous voulons dire« .
En juin 2022 soit près d’un an et demi plus tard c’était l’heure des mea-culpa….
Janet Yellen : « Je pense que je me suis trompée à l’époque sur la trajectoire que prendrait l’inflation« , a-t-elle déclaré sur CNN. « Il y a eu des chocs importants et imprévus qui ont fait grimper les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, et des goulets d’étranglement au niveau de l’offre qui ont gravement affecté notre économie et que je n’avais pas entièrement compris à l’époque. »1
Dans un article publié dans le New York Times en juin 2022, Krugman écrit : »J’ai été l’un des nombreux économistes qui a soutenu que l’inflation était transitoire. Je me suis trompé. »2
Quant à la Fed, il a fallu attendre sa réunion du FOMC de janvier 2023 où elle a cessé d’utiliser le mot « transitoire » pour décrire l’inflation. Dans son communiqué de presse, elle a déclaré que « les forces qui alimentent l’inflation sont plus fortes que prévu et qu’il est probable que l’inflation demeure élevée pendant un certain temps« .
Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que la Fed était « déterminée à ramener l’inflation à son objectif de 2 %« .
Une séquence non sans effet sur la situation actuelle. Mais au-delà des erreurs d’appréciations, il y aura également des conséquences dans les mois à venir.
Ramener l’inflation au niveau de l’objectif de 2 % de la banque centrale reste sans aucun doute la priorité.
Mais le doute persiste comme l’a rappelé Raphael Bostic, le président de la Fed d’Atlanta.
Une attitude plus constructive serait d’atteindre un niveau de taux qui permet d’agir sur la demande sans être obligé de baisser les taux (et de mettre une nouvelle pièce dans la machine inflationniste).
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