Quelles stratégies adopter pour capitaliser sur la baisse des taux ? Stéphane Vonthron (Natixis IM), Michel Dinet et Julie Compagnon
À l'occasion de Patrimonia 2024, Stéphane Vonthron, Directeur de la distribution France chez Natixis IM, a répondu aux questions de Michel Dinet, Président de Sapienta Gestion, et de Julie Compagnon, Présidente du Groupe Magnacarta. Comment la baisse des taux d'intérêt influence-t-elle les marchés obligataires ? Pourquoi lancer un fonds de Private Equity evergreen dans le contexte actuel ? Quels sont les atouts d'un fonds smart beta intégrant des ETF ?
Présentation de Natixis IM
Stéphane Vonthron : Volontiers. C'est vrai que nous sommes connus mais sans savoir quelles sont les marques associées. Et nous avons la chance d'avoir un grand portefeuille de sociétés de gestion. Nous avons + 1 200 Mds€ d'actifs à l'heure actuelle. L'originalité du modèle, c'est d'être un grand acteur de la gestion, mais qui va proposer cette taille et cette pérennité dans la relation, nous sommes assis sur un grand groupe bancaire, mais avec des expertises particulières portées par des marques spécifiques sur chacun de ces segments. C'est pour ça que nous aurions l'occasion de parler de plusieurs de ces marques.
Julie Compagnon : En parlant de marché obligataire, pouvez-vous nous dire
Comment la baisse des taux d'intérêt influence les obliques sur le marché ?
SV : La baisse des taux d'intérêt correspond à une baisse du rendement à venir, mais donc à une augmentation du prix actuel de vos obligations. Donc, il y a une opportunité en tant que porteur d'obligations de les acheter quand on anticipe une baisse des taux supplémentaire, parce que ça devrait justement justifier une hausse du cours du prix de l'obligation qui est aujourd'hui en circulation. Alors ça, c'est le premier élément. Après, se pose la question de savoir quel est le terme de la courbe. C'est sans doute tout l'enjeu à l'heure actuelle. Si j'extrapole votre question, le sujet, c'est peut-être de se dire : si les taux vont baisser, autant aller prendre l'obligation la plus sensible pour aller jouer la baisse des taux. Ce n'est pas nécessairement le cas aujourd'hui.
Michel Dinet : Les taux courts baissent. Ça veut dire que les livrets, le livret A, vont forcément baisser aussi. Les rendements des SICAV monétaires, ça baisse aussi. Les comptes à terme baissent aussi. Ça veut dire qu'il faut arrêter d'être en monétaire, il faut rallonger la durée d'investissement du client ou il faut prendre plus de risques. Quelles sont les idées que vous nous proposez ?
SV : Tout ce qui est indexé au taux court est amené à baisser. Ça ne veut pas dire que le monétaire n'est plus attractif. Ça ne va peut-être pas baissé si vite que ça. Tout dépend de l'amplitude de la baisse, de la rapidité de la baisse. Dans les conditions actuelles, le monétaire reste relativement attractif, mais pour certains usages. Cette baisse des taux amène ramène un peu de primes de risque et donc un intérêt croissant à prendre un petit risque supplémentaire. Ça ne signifie pas forcément que vous devez aller chercher très loin sur la maturité, parce que je pense que vous l'avez en tête, la courbe des taux est assez plate. Elle est même relativement inversée avec des taux courts supérieurs à l'ensemble du reste du terme. En gros, ça descend jusqu'à 2 ans et après, c'est relativement plat. Donc l'idée, c'est de trouver le bon endroit pour se positionner sur cette baisse des taux et pour justement capitaliser sur ce mouvement de baisse qui n'aura pas nécessairement lieu sur l'ensemble des maturités de la courbe.
Pouvez-vous nous donner les atouts d'un fonds de Private Equity evergreen dans le contexte actuel ?
SV : Si je fais le lien avec les taux d'intérêt, alors bien évidemment, vous avez intérêt à prendre des positions un peu plus longues sur les taux. En extrapolant cette baisse des taux, nous parlions justement de primes de risque à l'instant, elle va amener justement plus d'intérêts à aller déployer du risque sur des actifs qui ont des primes de risque en croissance à l'heure actuelle. De ce point de vue, vous pouvez avoir un intérêt à vous reposer la question du Private Equity qui peut être aidé, accompagné avec du levier moins cher pour les entreprises, ça, c'est évidemment attractif de ce point de vue, et puis aussi, qui dit baisse des taux dit un plus fort écart, un plus fort différentiel de performances à venir entre des actifs risqués et du low risk. Donc, ça draine des capitaux et l'intérêt de le faire dans un format evergreen permanent, c'est de dire en fait, cela devient une brique d'allocation. La problématique du Private Equity, en règle générale, dans son accès, c'est justement l'aspect millésimé. Le fait que vous capitalisiez, certes, sur l'historique, la compétence d'une équipe de gestion, mais sur laquelle, en fait, l'historique de performance n'est pas très lisible et très tributaire de la date de lancement et de la date de levée. L'idée, c'est de lisser cet élément et de pouvoir proposer un outil d'allocation d'actifs qui puisse donner, délivrer dans la durée la performance du Private Equity, mais qui puisse permettre aux investisseurs de faire évoluer leur position en Private Equity et donc d'allouer plus ou moins de capital de manière assez lisible.
Evergreen, ça veut dire ouvert en permanence, donc ça veut dire que c'est plus facile pour un investisseur privé, même dans son assurance-vie, ça rend la liquidité au Private Equity ? C'est ça l'avantage ?
SV : Absolument. L'idée, c'est d'offrir de l'accessibilité. Nous ne sommes pas magiciens, un actif dont le sous-jacent est illiquide reste par nature assez liquide. En revanche, par la diversification, par la construction du portefeuille, par l'accès à différents types d'actifs, c'est-à-dire que nous pouvons aussi acheter des portefeuilles secondaires déjà relativement matures et donc sur lesquels on devrait avoir des tombées de liquidités, à plus courte échéance. En combinant ces éléments, nous pouvons arriver à avoir un schéma de liquidité intercalaire qui nous permet de proposer des fenêtres trimestrielles sur ces actifs sans dénaturer, sans détériorer la qualité du sous-jacent. C'est ça qui est très important. Le casse-tête est là. Nous avons la chance, avec notamment un acteur comme Flextone, d'avoir des experts en la matière qui peuvent proposer ce type de solution.
Quels sont les atouts d'un fonds de smart beta qui intègre des ETF ?
SV : Le smart beta tel que nous pouvons le construire, en tout cas, je pense à une solution que nous avons déployée avec Ossiam c'est de pouvoir proposer un angle lisible dans la durée sur un marché très bien connu. L'idée, c'est de trouver une recette qui fonctionne dans la durée, qui offre cette lisibilité, aussi cet axe de diversification dans le marché actuel. Un des éléments qui interpelle beaucoup de nos investisseurs, et nous avons parlé avec beaucoup de CGP sur le salon, c'est la concentration de la performance, en particulier sur le marché américain. Une des clés de lecture, c'est de se dire en étant très méthodique, en partant de la valorisation, de manière relative, pas absolue, nous allons identifier quels sont les secteurs qui, par rapport à leur moyenne historique, sont les mieux valorisés, les plus faiblement valorisés, donc les plus attractifs par ce prisme, et par ce biais relatif, nous allons éviter quand même le value trap ou en tout cas d'être toujours sur du value. L'idée, ce n'est pas de regarder la valo de l'ensemble des secteurs, mais bien leur valo par rapport à leurs fondamentaux. Et au sein de ces secteurs, nous allons en conserver cinq et nous supprimons celui dont le momentum de résultat est le moins bon. Et ensuite, nous équi-pondérons. Cette lecture méthodique existe depuis très longtemps et elle a é été mise en place sur la base du PE de Shiller. Cette stratégie Shiller nous permet justement d'avoir cette lisibilité historique. Ça a fonctionné historiquement et ça permet aujourd'hui d'offrir un axe de diversification très fort parce qu'offrir une exposition au marché US qui n'est pas surpondérée sur les Magnificent 7, ce qui est assez rare.
MD : Quand vous nous parlez de ce produit-là, vous pensez que la value... parce que Shiller, c'est de la value, c'est ça ? Cela a des avantages comment, dans votre gamme, par rapport à d'autres expertises que vous avez sur les Etats-Unis très larges, notamment des choses alignées sur les accords de Paris
Comment positionnez-vous ces différentes expertises ?
SV : En fait, c'est positionné sur de la valeur, mais pas forcément value. Par exemple, jusqu'au milieu de l'année dernière, la stratégie de Shiller a été exposée à de la techno. Ce n'est pas nécessairement value. Plus récemment, sur des services de communication. Donc, l'idée, c'est encore une fois la valorisation par rapport aux moyennes historiques des secteurs qui sont chers, sinon, ils ne seraient jamais détenus. Donc, l'idée, c'est de voir s'ils sont attractifs par rapport à leur profil de valorisation, ce qui permet d'éviter l'écueil de la value parce que l'angle de lecture n'est pas nécessairement value parce que les taux réels, y compris aux Etats-Unis, sont amenés, de notre point de vue, à rester très faibles, parce que la soutenabilité de la dette ne permet pas vraiment d'autres options. Et donc, l'idée, c'est d'avoir une grille de lecture valorisation sans qu'elle aille trop loin sur la value. Et effectivement, ça nous permet d'offrir aussi un autre angle d'attaque par rapport à des stratégies qui sont, elles, plus axées sur de la croissance, qui restent une conviction de long terme pour nous, mais qui, en revanche, appellent un écueil et notamment sur le marché américain justement, ce fameux sujet de concentration. Or, en tant que gestionnaire d'actifs, une des valeurs que nous devons proposer, c'est également des axes de diversification, pour rendre les portefeuilles de nos clients le plus robuste possible et pour aussi répondre à une problématique à laquelle nous autres gérants d'actifs nous ne répondons sans doute pas assez souvent, c'est de se dire voilà mon scénario central, voilà quelle est ma conviction qui nous porterait sans doute sur des actions de croissance, mais aussi de proposer quelque chose qui nous permette de dire mais si mon scénario ne se déroule pas comme prévu et si j'ai tort, comment je suis ? Et donc de proposer cette alternative et cet outil de construction de portefeuille complémentaire qui peut permettre de rendre des allocations plus lisses, plus solides dans la durée.
MD : Nous sommes aux Etats-Unis. Nous sommes donc en dollar.
Le dollar, c'est un risque de change ou c'est une vraie diversification ?
SV : Les deux, mon capitaine. C'est un risque qui reste, par rapport au risque actions, marginal mais néanmoins un risque réel, mais un risque qui peut s'avérer être une opportunité, c'est- à -dire que traditionnellement, là, je ne vais pas être porteur de bonnes nouvelles, mais imaginons que le scénario central de ralentissement de l'Économie porté par une surperformance économique des Etats-Unis, Le fameux Goldie Locks, les boucles d'or, imaginons que ce scénario ne se matérialise pas. Ça pourrait nous amener à avoir ce qui se passe traditionnellement, un rapatriement de devises avec coupure des expositions offshore par les Américains, qui a un impact généralement d'appréciation du dollar par le rapatriement de devises. Et donc, en cas de retournement de marché, en cas de récession, une surperformance du dollar, une appréciation du dollar face à toute devise. C'est traditionnellement ce qui se passe et c'est un des effets qui fait que pour un investisseur en euro, le marché américain est souvent résilient en cas de retournement de marché. Et je dirais que dans ce contexte, oui, pour le moment, nous sortons d'un cycle d'appréciation du dollar. C'est important dans la durée. Donc ça pourrait paraître être plutôt un risque. C'est plutôt la trajectoire de long terme que nous partageons. Mais néanmoins, en cas d'à coup sur le marché, ce sera plutôt une force.
Quelle stratégie pourriez-vous nous recommander pour capitaliser sur cette baisse des taux sur les marchés ?
SV : Il y en a plusieurs. J'irais là où le levier le plus important, c'est sur les stratégies actions de croissance donc, tel que vous pouvez les retrouver sur Loomis US Gross qui est un fonds actions croissance où là, il y a un très fort levier. Mais pour des profils plus prudents, je pense que les solutions d'Ostrum, avec notamment avec le SRI Crossover, sont extrêmement bien positionnées sur cette partie intermédiaire de la courbe pour à la fois chercher la baisse des taux et aussi le kicker, le supplément de rendement le High Yield court. C'est une très bonne combinaison de mon point de vue.
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