Pourquoi TotalEnergies franchit le pas de la cotation ordinaire à New York ?

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Pourquoi TotalEnergies choisit New York pour sa cotation croisée

C’est un lundi qui marque une rupture. TotalEnergies entre au New York Stock Exchange avec de véritables actions ordinaires, mettant fin à plus de 30 ans d’ADR. Une opération longtemps évoquée, contestée, parfois mal comprise. Elle est pourtant simple dans son principe : permettre aux investisseurs américains d’accéder au titre comme à n’importe quelle action domestique, sans passer par ces certificats imparfaits qui n’avaient jamais vraiment séduit.

Ce changement ancre une réalité installée en silence. Les investisseurs nord-américains sont devenus centraux dans l’actionnariat du groupe, poussant mécaniquement à une structure plus fluide, capable de coller à leurs pratiques. La cotation sera désormais continue, de l’ouverture de Paris jusqu’à la fermeture de Wall Street. Même action, deux devises, un seul prix ajusté en permanence. Une fluidité impossible avec les anciens ADR, dissimulée derrière la technicité des dépositaires et des banques intermédiaires.

Un pivot boursier qui reflète l’évolution de l’actionnariat de TotalEnergies

L’annonce initiale avait provoqué un déferlement de réactions. Certains imaginaient déjà un exil du siège social, un retrait du CAC 40, un symbole de plus dans la fuite des grandes entreprises françaises. Rien de tout cela. TotalEnergies reste une société française, domiciliée à La Défense, cotée à Paris et toujours éligible au PEA. L’entreprise l’a répété avec insistance, parfois avec agacement. Mais derrière les démentis, le geste reste fort. L’Europe regarde les majors pétrolières avec distance, parfois défiance. Aux États-Unis, c’est un autre paysage. Les actionnaires y sont plus sensibles à la rentabilité, moins aux injonctions climatiques. Les valorisations s’en ressentent : Chevron et ExxonMobil évoluent sur des multiples bien supérieurs à ceux de leur cousin européen. Un tiers d’écart, selon Bank of America. C’est colossal. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En dix ans, la part des investisseurs américains dans le capital de TotalEnergies est passée de 33 % à 48 %. Du côté européen, l’érosion est nette. Le groupe se retrouve porté, presque naturellement, par un actionnariat qui n’a pas les mêmes critères d’évaluation ni les mêmes leviers réglementaires que les grands fonds du Vieux Continent. La décarbonation a rebattu les cartes. L’Europe avance vite et fort, quitte à reléguer les majors fossiles dans une zone grise. Les fonds responsables s’en détournent, laissant un espace que les capitaux américains ont très vite occupé. Cette bascule explique en grande partie le pivot boursier, approuvé par le conseil d’administration à l’automne 2025.

Objectif : réduire la décote européenne et améliorer la liquidité

La conversion des ADR vise un objectif précis : améliorer la liquidité, rendre le titre plus maniable et plus attractif pour des investisseurs américains désormais dominants. L’histoire montre que les cotations croisées peuvent apporter un surcroît de volume, parfois très significatif pour les entreprises de grande taille. CRH, par exemple, a vu sa liquidité multipliée par sept après son arrivée aux États-Unis.

Mais les revalorisations restent très incertaines. Des dizaines d’études menées sur les dix dernières années montrent que l’effet n’est pas automatique. Beaucoup d’entreprises, une fois installées à Wall Street, se sont négociées sous leur prix de listing. D’autres ont connu un véritable rebond. La mécanique n’est pas universelle. Elle dépend de la taille, des fondamentaux, de la lisibilité du business model.

Dans le cas de TotalEnergies, les fondamentaux sont solides. Les marges, la solvabilité, la rentabilité, tout se compare aisément à Chevron ou ExxonMobil. Ce qui pêche, c’est l’environnement boursier européen, moins généreux, plus exigeant sur la transition énergétique. Si le PER du groupe se rapprochait ne serait-ce que de 12 ou 13 fois les bénéfices, l’action grimperait mécaniquement vers 69 à 75 euros. Pas de promesse magique, simplement une projection mathématique. Le marché décidera du reste.

Un pivot boursier qui suit un pivot géographique déjà engagé

Il serait faux de croire que New York devient soudainement le nouveau centre de gravité de TotalEnergies. Ce mouvement a commencé bien avant le geste boursier. Sous l’impulsion de Patrick Pouyanné, le groupe s’est progressivement éloigné de son héritage russe, accélérant sa présence en Amérique du Nord. Le GNL américain, le Golfe du Mexique, les renouvelables : la géographie du groupe a basculé.

Cette cotation croisée ne fait que consacrer ce que les opérations montraient déjà. Le centre de gravité stratégique de TotalEnergies est de plus en plus américain. Non pas par reniement européen, mais par adaptation économique. Les marchés se déplacent, les contraintes évoluent, et les majors suivent.

La fin de la décote européenne ?

La nouvelle cotation ne fera pas disparaître en un jour la décote européenne. Les contraintes réglementaires, l’impossibilité de rejoindre un indice américain, la perception du pétrole comme industrie en déclin sur le continent continueront de peser. Mais le mouvement est structurant. TotalEnergies pourrait devenir un précédent. D’autres entreprises européennes observent attentivement le résultat. Le succès, même partiel, pourrait déclencher une vague d’imitation.

Quant à savoir si l’écart de valorisation se réduit durablement, seul le temps pourra trancher. Mais le groupe avance avec une certitude : cette cotation croisée renforce sa visibilité, accroît son accès au capital et clarifie son positionnement dans une bataille mondiale où les majors fossiles n’ont jamais cessé de livrer guerre sur tous les fronts.

Sources : Le Figaro, La Tribune, ZoneBourse

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