Auris Gestion : de la macro à la micro
En une semaine, les anticipations sur le taux terminal de la Fed ont fait les montagnes russes passant de 5.45% en fin de semaine dernière à 5.70% après le discours offensif de Jerome Powell devant le Congrès pour finir à 4.8% ce matin après la déroute de la Silicon Valley Bank (SVB).
La semaine dernière avait donc commencé par l’audition de Jerome Powell par la commission bancaire du Sénat américain mardi avant de remettre le couvert le lendemain devant la Chambre des représentants. Alors que le président de la Fed avait plutôt eu tendance à modérer son discours début février dans le cadre du dernier FOMC, répétant à de nombreuses reprises que la « désinflation » était en cours, le ton a été totalement différent cette fois-ci. Nous ne sommes plus à une pirouette – girouette diront certains – près de la part des banquiers centraux, mais des changements aussi importants d’un mois à l’autre tendent à confirmer que personne n’est en mesure de prédire les chiffres d’inflation. Ainsi, devant les élus américains, Jerome Powell a fait le constat d’une économie résiliente et d’une inflation toujours plus importante qu’anticipé. Si le président de la Fed a admis que le récent rebond de l’économie était en partie lié à des effets saisonniers, il a également reconnu que l’inflation était encore trop forte, notamment dans les services (même hors loyers), à cause des tensions persistantes sur le marché de l’emploi. Jerome Powell a donc clairement mis sur la table la possibilité d’une hausse de 50 bps pour la prochaine réunion du FOMC (le 22 mars) si cela était nécessaire alors que le marché tablait plutôt sur une hausse de 25 bps, ce qui a eu pour conséquence de pousser les taux à la hausse, le 10 ans américain cassant par exemple la barre des 4%. Ces craintes ont, en partie, été confirmées par la publication du rapport sur l’emploi de février avec des créations qui restent dynamiques et au-dessus des attentes. Le taux de chômage progresse légèrement à 3.6% (+0.2%) mais cela s’explique par la hausse du taux de participation, qui revient même à son niveau pré-covid pour les 25 – 54 ans. On observe néanmoins un marché un peu moins dynamique et surtout une baisse des pressions salariales, qui restent néanmoins en hausse de 4.6% sur 1 an.
Mais tous ces éléments ont été éclipsés par la faillite de la 16ème banque américaine, SVB. La banque régionale, axée sur les entreprises technologiques, avait connu une forte croissance de ses dépôts avec l’ère des taux bas et de l’argent facile dont bénéficiait le secteur de la technologie aux États-Unis (de 61 milliards en 2019 à quasiment 200 milliards de dollars). Si l’investissement d’une partie de ses dépôts sur des emprunts d’État américains est tout à fait usuel, ne pas les couvrir contre le risque de taux l’est beaucoup moins. Avec la forte hausse des taux, la banque avait donc une perte latente très importante qu’elle a dû acter pour honorer le nombre croissant de retraits d’argent. Le moins que l’on puisse dire est que SVB a commis une belle erreur dans son dispositif de mesure et de suivi des risques de gestion actif-passif (Asset and Liability Management). Les autorités américaines ont immédiatement mis en place des mesures pour éviter tout effet domino en garantissant les dépôts au-delà de la limite de 250k$, sans toutefois sauver les investisseurs comme en 2008. Si le risque de contagion au reste du système financier semble écarté tant le cas de la SVB (banque non systémique) semble idiosyncratique, les faillites, dans le même temps, des banques Silvergate et Signature liées à l’univers des crypto-monnaies ont fait fortement plonger les marchés financiers. Si nous considérons ces cas comme isolés, les marchés devraient rester volatils le temps de s’en assurer et devraient, par ailleurs, aller tester les banques les plus fragiles. En attendant, les cartes pour les futures hausses de taux ont été rebattues et les investisseurs s’attendent désormais à ce que la Fed, voulant éviter une crise financière du type de celle de 2008, passe son tour pour ce mois-ci, sans que le combat contre l’inflation ne soit pour autant fini.
Après des semaines de sous-pondération du marché américain dans nos allocations, nous profitons de cette forte correction pour considérer un renforcement tactique sur la zone en étant discriminants (i.e. en évitant les expositions aux valeurs technologiques ou trop corrélées au facteur Growth). Dans le même temps, afin de maintenir une exposition constante, globalement neutre au risque action, nous réduisons notre surpondération chinoise dont notre vision positive peine à se matérialiser. Les investisseurs privilégient, pour l’instant, une approche défensive sur cette zone du fait des tensions géopolitiques avec les États-Unis et de l’autoritarisme de Xi Jinping.
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