« Bientôt tous (super) intelligents… ? » (Ecofi)

Que l’on en soit conscient ou non, l’intelligence artificielle (IA) fait désormais partie de nos vies. Plus que jamais un sujet sociétal, (géo)politique, financier et de plus en plus… économique, nous livrons ce mois-ci nos dernières réflexions en la matière.
Comme à l’accoutumée, démarrons par un résumé des développements économiques récents et leur incidence sur notre scénario central (le lecteur pourra également se référer à l’analyse plus complète disponible ici). Durant l’été, l’économie européenne a fait preuve de résilience. Si les données ne dépeignent pas de francs signes de faiblesse, la dynamique de l’activité n’est pas pour autant enthousiasmante. L’accord sur les droits de douane passé entre les États-Unis et l’UE permet d’améliorer la visibilité, mais sa mise en application devrait pénaliser la compétitivité des entreprises exportatrices. D’ici fin 2025 et à horizon 2026, la croissance en zone Euro devrait toutefois progressivement se redresser à la faveur notamment des gains de pouvoir d’achat, dans le sillage de la baisse de l’inflation, et de la politique budgétaire expansionniste de l’Allemagne (plan de réarmement et d’infrastructures), moyennant toutefois certains irritants comme l’instabilité politique en France. L’inflation oscille désormais autour de 2%, tout comme les mesures de tendance de l’inflation à moyen terme. Dans ce contexte, nous avons maintenu inchangé notre scénario prévoyant une stabilité du taux de facilité de dépôt de la BCE à 2% jusqu’à la fin de l’année. Outre-Atlantique, la transmission de l’augmentation des droits de douane dans l’inflation s’est accentuée, bien qu’elle demeure encore relativement contenue. La hausse de l’inflation devrait ainsi se poursuivre et contribuer au ralentissement de la consommation des ménages, dans un contexte par ailleurs marqué par une fragilité du marché de l’emploi. À court terme, la Fed devrait privilégier l’emploi à l’inflation, conformément à nos anticipations de ces derniers mois. Nous prévoyons désormais deux baisses de taux d’ici fin 2025. S’agissant de 2026, l’horizon est plus flou. La hausse de l’inflation devrait être temporaire, mais la dégradation du marché de l’emploi est réelle. Cette dernière s’explique toutefois en partie par le climat d’incertitude généré au 1er semestre par la politique économique erratique de D. Trump. Enfin, les tentatives d’interférences politiques dans la conduite de la politique monétaire ont notamment poussé les marchés à anticiper de nombreuses baisses de taux, scénario auquel nous n’adhérons pas…
L’histoire de l’IA n’est pas récente. Celle que nous utilisons aujourd’hui est le fruit d’un héritage issu de la recherche académique, d’innovations matérielles, industrielles et de percées mathématiques. Il convient également de noter que l’intérêt suscité par ce domaine a connu des hauts et des bas depuis le milieu du 20ème siècle. Des étés et des hivers. Mistral AI, OpenAI, Perplexity, Anthropic, Meta, Google… De nombreuses entreprises occupent désormais le terrain et fournissent des outils de plus en sophistiqués tentant de répondre à de plus en plus de besoins. Entre IA générative (destinée à répondre à toute requête), agentique (vouée à répondre à des besoins spécifiques et cadrées) et les ambitions non dissimulées de tendre vers l’IA générale (autonome et capable de raisonner tel un humain), pourquoi un économiste de marché se mettrait-il, lui aussi, à parler d’IA ?
Premièrement, car l’IA est devenue un enjeu géopolitique, stratégique et de souveraineté. Le « moment Deepseek » survenu en début d’année en est, à cet égard, une bonne illustration. Pour rappel, Deepseek est une entreprise chinoise, ayant mis à disposition un outil équivalent à ChatGpt, dont l’utilisation requiert cependant (selon Deepseek) moins de ressources technologiques et énergétiques. La course à l’IA est lancée et chacun souhaite tirer son épingle du jeu en disposant des outils les plus efficaces et les plus aboutis techniquement. La tendance à la fragmentation du monde depuis la pandémie n’échappe donc pas à l’IA, d’autant qu’elle équipe désormais des systèmes critiques dans le domaine de l’armement ou de la cybersécurité, sans compter les enjeux entourant l’approvisionnement en puces et métaux divers.
Deuxièmement, car son importance macroéconomique grandit. La somme de plusieurs sous-catégories en lien avec l’investissement dans l’IA a expliqué ~0,9% des 3,3% de croissance du PIB (en rythme annualisé) au 2nd trimestre 2025 aux Etats-Unis. Les entreprises investissent dans la R&D, dans l’acquisition de nouveaux logiciels et les géants de la technologie s’impliquent dans la construction de centres de données, dont les besoins en équipements informatiques sont colossaux. Ces investissements nourrissent par ailleurs l’espoir d’une augmentation de la productivité, à mesure de l’adoption de l’IA par les entreprises. À ce titre, la plupart des études mettent en évidence un effet positif de l’IA sur la productivité du travail, mais l’ampleur de ces gains de productivité est variable selon les auteurs universitaires ou les cabinets de conseil. D’autre part, les problématiques sociétales s’immiscent de plus en plus au sein du débat public. Elles commencent même à se percevoir en partie dans les chiffres, comme l’illustre le ralentissement des embauches de développeurs informatiques fraîchement diplômés, dont certaines tâches sont désormais confiées à l’IA. D’autres, plus inquiets, ont très tôt évoqué le risque de « menace existentielle » pour l’humanité.
Le caractère quasi « systémique » de l’IA semble également de plus en plus manifeste, mais cela mérite quelques précisions, ce qui nous amène au troisième et dernier point. Personne n’a échappé au phénomène des « 7 magnifiques »*. Ces valeurs, dites de « croissance », se paient cher et leur capitalisation boursière cumulée représente un poids toujours plus important au sein des indices boursiers. Ce degré de concentration tend par ailleurs à renchérir considérablement la valorisation du S&P 500, qui tutoie désormais les niveaux atteints en 2021, second plus haut recensé après la bulle internet. Mais l’IA ne se cantonne pas à ces sept entreprises, ou au seul secteur de la technologie, ni même aux seuls marchés cotés. Plusieurs segments ou sous-segments s’imbriquent dans cette thématique, à l’instar des matériaux, puces informatiques, équipementiers, énergéticiens... les progrès réalisés par les IA commercialisées récemment plafonnent. L’adoption rapide par les entreprises semble également ne pas être au rendez-vous, ces dernières tentant plutôt de mettre pour l’heure en adéquation ces outils avec leurs besoins concrets. Mentionnons également l’alerte de Sam Altman (fondateur d’OpenAI, à l’origine de ChatGpt) sur l’existence d’une bulle autour de la thématique de l’IA, ce qui ne l’empêche pas cependant de continuer à investir massivement. Et c’est bien là tout l’enjeu de la période qui s’ouvre. Les investissements réalisés auront-ils le retour sur investissement escompté ? Un invariable en finance. Nul besoin de dire que nous n’avons pas la prétention de pouvoir prédire l’avenir, encore moins l’envie de jouer les Cassandre. Il convient toutefois d’évaluer l’importance macroéconomique que revêt l’IA, tant ses imbrications sont multiples. Tabler sur des gains de productivité induits par l’IA semble être une hypothèse acceptable, mais leur ampleur et leur délai de diffusion reste à déterminer. Bien plus qu’une anecdote, les résultats financiers de la société Nvidia sont désormais devenus un rendez-vous incontournable. Dans ce contexte, la moindre mauvaise nouvelle ou déception « technologique » pourrait avoir des répercussions économiques et financières. L’occasion de rappeler un concept clé en finance : la diversification.
* le groupe des « 7 magnifiques » est composé de Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet, Meta, Nvidia et Tesla.

Par Florent Wabont, Economiste, Ecofi
Chaque jour, nous sélectionnons pour vous, professionnels de la gestion d'actifs, une actualité chiffrée précieuse à vos analyses de marchés. Statistiques, études, infographies dans divers domaines : épargne, immobilier, économie, finances, etc. Ne manquez pas l'info visuelle quotidienne !
Ne loupez aucun événement de nos partenaires : webinars, roadshow, formations, etc. en vous inscrivant en ligne.

.webp)

.webp)






.webp)


























