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Obligations vertes : faire le bien est-il compatible avec bien faire dans le secteur obligataire ? Vincent Juvyns (J.P. Morgan AM)

2
Mar
2023

Depuis l’émission de la première obligation verte par la Banque européenne d’investissement en 2007, le marché des obligations vertes s’est considérablement développé (graphique 1), et les émissions d’obligations vertes dépassent désormais 500 milliards de dollars par an.

Cette expansion devrait encore s’accélérer dans les années à venir, dans la mesure où le produit des obligations vertes est utilisé pour financer la transition énergétique. En effet, les prévisions concernant le montant de l’investissement mondial nécessaire pour atteindre la neutralité carbone s’élèvent à plusieurs milliers de milliards de dollars par an d’ici à 2030.

Une part importante de ces investissements en faveur du climat pourrait être financée par l’émission d’obligations vertes. Grâce à la forte demande pour ce type d’instruments, les obligations vertes offrent généralement des coûts de financement légèrement inférieurs, ou une « prime verte » (graphique 2), à ceux des obligations traditionnelles.

Toutefois, si cette prime verte confère un avantage financier aux émetteurs d’obligations vertes, les bénéfices pour les investisseurs sont moins évidents. On pourrait en effet se demander pourquoi les investisseurs accepteraient un rendement inférieur pour des raisons autres qu’une exigence réglementaire ou une incitation non financière. La réponse, selon nous, réside dans les solides facteurs fondamentaux, quantitatifs et techniques qui soustendent la demande pour les obligations vertes.

1. Facteurs fondamentaux : les obligations vertes sont plus défensives que les obligations traditionnelles et affichent des performances ajustées en fonction de la duration similaires.

Si l’on compare les indices Bloomberg Global Aggregate et Bloomberg MSCI Global Green Bond, on observe que l’indice représentatif des obligations vertes, bien que présentant une meilleure qualité de crédit, il a sousperformé et a été plus volatil que son équivalent « non vert » depuis sa création.

Toutefois, cet écart est principalement dû à sa duration plus élevée (7,2 ans contre 6,8 ans), qui a pesé sur la performance relative de l’indice des obligations vertes lorsque les rendements ont augmenté en 2022. Si l’on se place au niveau des titres, en comparant des paires d’obligations (vertes et non vertes) qui présentent des caractéristiques similaires1 , il apparaît que les obligations vertes affichent des performances ajustées de la duration similaires (graphique 3), mais avec une volatilité du spread plus faible (graphique 4) et une meilleure protection contre le risque de baisse.


2. Facteurs quantitatifs : la prime verte n’est pas aussi pénalisante que les investisseurs pourraient le penser

La prime verte est une caractéristique bien connue des obligations vertes, mais elle est généralement limitée. La Réserve fédérale1 a récemment estimé qu’« en moyenne, les obligations d’entreprises vertes libellées en dollars et en euros [présentaient] un spread de crédit sur le marché primaire inférieur de 8 points de base à celui des obligations conventionnelles ».

Qui plus est, après la hausse des rendements observée en 2022, la part de la prime verte dans le rendement total a considérablement diminué, puisqu’elle est passée de près de 10 %2 du rendement des obligations vertes au début de l’année 2022 à environ 2 % aujourd’hui.

Enfin, comme la prime verte est fonction des déséquilibres entre l’offre et la demande d’obligations vertes, elle n’est pas constante dans le temps ni entre les zones géographiques, ce qui ouvre des opportunités d’alpha aux investisseurs actifs (graphique 2).


3. Facteurs techniques : le marché des obligations vertes permet aux investisseurs de profiter de flux importants en faveur de solutions d’investissement durables

La demande pour les obligations vertes devrait rester élevée, étant donné l’appétit croissant des investisseurs pour les titres durables qui offrent une grande transparence sur l’utilisation de leur produit. Les fonds à objectifs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), tels que ceux classés comme relevant de l’article 9 du Règlement de l’UE sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR), ont gagné en popularité depuis l’introduction du SFDR. Les fonds relevant de l’article 9, qui ont un objectif durable explicite et n’investissent que dans des instruments durables, ne sont pas obligés d’investir dans des obligations vertes plutôt que dans des obligations traditionnelles. Les obligations vertes peuvent toutefois s’avérer plus attractives pour les fonds relevant de l’article 9, dans la mesure où elles offrent une plus grande transparence quant à l’utilisation de leur produit.

En plus de la demande des investisseurs, les banques centrales pourraient également contribuer à une augmentation de la demande pour les obligations vertes. En effet, certaines banques centrales considèrent que la question du changement climatique fait partie de leur mission. La Banque centrale européenne (BCE) est allée jusqu’à annoncer que ses « positions en obligations d’entreprises s’orienteront vers les émetteurs présentant de meilleures performances climatiques » 3 . La BCE a également souligné l’importance du rôle que les obligations vertes joueront dans le financement de la transition climatique et pourrait donc accorder un traitement préférentiel aux obligations vertes dans le cadre de ses appels d’offres sur le marché primaire, sous réserve du respect de certaines conditions.


Conclusion

Les obligations vertes continueront, selon nous, à bénéficier de solides facteurs fondamentaux, quantitatifs et techniques.

La prime verte est généralement considérée comme un « coût financier » pour les investisseurs. Elle a toutefois été relativement limitée dans le passé, et sa part dans le rendement total a considérablement diminué récemment. Qui plus est, cette prime verte n’est pas constante dans le temps ni entre les zones géographiques, ce qui ouvre des opportunités d’alpha aux investisseurs actifs.

Enfin, il est historiquement prouvé que les obligations vertes sont plus défensives que les obligations traditionnelles, comme en témoigne une volatilité ajustée de la duration plus faible, et affichent des rendements ajustés de la duration similaires.

La demande pour les obligations vertes devrait rester élevée, en raison de l’appétit croissant des investisseurs pour les titres durables qui offrent une grande transparence sur l’utilisation de leur produit, et des incitations continues des régulateurs et des banques centrales.

Mais pour exploiter pleinement le potentiel des obligations vertes, une gestion active est essentielle. En l’absence d’une définition universelle de ce qu’est une obligation verte, la faculté d’analyser l’utilisation du produit est indispensable pour éviter l’écoblanchiment et les risques réglementaires

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