Quand le bâtiment va, tout va ! (Financière de l'Arc)
Ce dicton du 19ᵉ siècle, attribué à un maçon de la Creuse devenu député par la suite, a été parfaitement compris en Chine. En effet, cette semaine, l’Empire du Milieu a annoncé toute une série de mesures pour sortir de la crise immobilière, redynamiser la demande intérieure et doper les marchés financiers sinistrés depuis plusieurs mois. Certes, cet aphorisme est de moins en moins d’actualité dans le monde occidental depuis la crise immobilière de 2008 aux États-Unis et celle des années 90 en Europe. Mais en Chine, l’activité de construction conserve un poids suffisamment important pour être considérée comme stratégique pour la bonne santé du pays. La Banque populaire de Chine et le Politburo ont donc agi.
Ces mesures tous azimuts seront-elles suffisantes pour relancer la machine et sortir de l’ornière ?
Dans notre édito du 13 septembre intitulé « Quand la Chine se réveillera-t-elle à nouveau ? », nous évoquions le besoin urgent d’adopter des mesures de relance jusqu’alors insuffisantes, malgré les moyens colossaux dont dispose la deuxième économie mondiale. Nous nous attendions toutefois à une action des autorités chinoises après les élections américaines, une fois le verdict connu sur une potentielle victoire de Donald Trump et de son programme de forte hausse des tarifs douaniers. Pékin a préféré dégainer tout de suite, et c’est tant mieux. Au niveau du calendrier, ces annonces de relances budgétaires et monétaires s’accumulent avec les bienfaits d’un nouveau cycle prononcé de baisse des taux directeurs de la Fed américaine. Les pessimistes et les oiseaux de mauvais augure sont donc pris au dépourvu et nous sommes entrés, malgré eux, dans un mouvement d’expansion des multiples de valorisation. Ce phénomène de hausse des actifs financiers est assez classique et s’est produit historiquement en amont d’un redémarrage réel de l’activité. À ce stade, il n’est donc pas surprenant d’observer ce mouvement de progression des bourses, en parfaite déconnexion avec la réalité économique, à condition qu’il soit suivi plusieurs mois après par une amélioration concrète des profits des entreprises.
Au niveau des annonces, nous avons affaire à toute une série de mesures qui ne sont pas gigantesques, mais qui, cumulées, peuvent produire un effet suffisamment bénéfique pour enrayer le déclin de la croissance. Ainsi, du côté de la banque centrale, le taux de réserve de la plupart des banques a été abaissé de 0,50 % le 24 septembre, augmentant la capacité de crédit bancaire de 1 000 milliards de yuans (environ 130 milliards d’euros), soit 7 % du PIB. Le taux de repo à une semaine a été abaissé de 0,20 %, à 1,50 %. Le taux des crédits immobiliers en cours est également abaissé de 50 points de base, diminuant la charge d’intérêts pour plus de 50 millions de foyers, de 150 milliards de yuans. L’apport minimum pour l’acquisition d’une résidence secondaire passe de 25 % à 15 %. Les promoteurs ne sont pas oubliés, puisque l’échéance de leur ligne de crédit spéciale a été prolongée de deux ans, jusqu’en 2026, et 100 % du montant du crédit immobilier sera garanti contre 60 % précédemment. Une facilité à hauteur de 500 milliards sera ouverte en échange (swap) d’obligations diverses et ETF actions contre des obligations gouvernementales. Une autre ligne de 300 milliards est octroyée pour les banques finançant les entreprises afin d’effectuer des rachats d’actions.
Le 26 septembre, le Politburo a créé la surprise au cours de sa réunion mensuelle avec l’annonce de deux émissions spéciales supplémentaires de 1 000 milliards de yuans d’obligations gouvernementales. La première est destinée à doper la consommation, et la seconde à aider les provinces très endettées. Quant au bienfait réel sur l’économie, il est encore prématuré de quantifier exactement l’impact de ce gros paquet. Le seul allègement de la charge d’intérêts des ménages représenterait à peine 0,30 % du revenu disponible. Déduite de l’épargne, la hausse de la consommation pourrait être à peine de 0,10 % à 0,20 %. Avec les effets multiplicateurs et cumulé aux autres mesures, cela pourrait avoir un effet un peu plus prononcé et durable.
Quoi qu’il en soit, la hausse des liquidités a eu un impact immédiat sur les bourses de Hong Kong et locales, qui se sont octroyé entre 12 % et 16 % en une semaine. Par répercussion, les valeurs du secteur du luxe à Paris ont progressé de plus de 9 %. Le rallye est sans doute exagéré à court terme, mais avec la plus forte probabilité de reprise de l’activité depuis deux ans.
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