L’UE accorde un sursis environnemental à l’industrie automobile

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Une mesure d’assouplissement adoptée au Parlement européen

Le jeudi 8 mai, le Parlement européen a validé une réforme temporaire des règles d’émissions de CO₂ pour les constructeurs automobiles. Ce vote s’inscrit dans le cadre d’un plan plus large de soutien à l’industrie automobile européenne, annoncé en mars par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Au cœur du dispositif, un mécanisme de flexibilité qui modifie la manière dont les émissions sont calculées pour l’application des pénalités. Plutôt que d’évaluer les performances environnementales des fabricants sur la seule année 2025, la nouvelle règle permet d’établir une moyenne sur trois années, 2025, 2026 et 2027. Cette approche vise à atténuer le choc réglementaire pour les marques qui peineraient à respecter les seuils dans l’immédiat.

Un soutien ciblé à un secteur en mutation

L’objectif affiché de cette réforme consiste à accompagner les constructeurs dans leur transition vers l’électrification. En leur offrant un délai supplémentaire, les institutions européennes espèrent maintenir la compétitivité d’un secteur stratégique pour l’économie du continent, particulièrement exposé à la concurrence chinoise sur les véhicules électriques à bas prix.

Cette mesure concerne spécifiquement les voitures particulières neuves et les utilitaires légers, en amont de leur commercialisation. Elle permet aux industriels de lisser leur stratégie d’adaptation aux normes climatiques tout en poursuivant les investissements nécessaires à l’innovation.

Un large consensus politique, de la droite au centre

La proposition a été adoptée à une large majorité en session plénière à Strasbourg, avec 458 voix pour, 101 contre, et 14 abstentions. Le texte a reçu le soutien du Parti populaire européen (PPE), principal groupe du Parlement, des Socialistes et Démocrates (S&D), ainsi que du groupe Renew.

Pascal Canfin, eurodéputé français membre de Renew, a expliqué que la pression exercée par les industriels du secteur a conduit à cet ajustement, estimant qu’il « a été jugé nécessaire d’établir une moyenne sur trois ans au lieu de relever les compteurs le 31 décembre ». Pour ces groupes politiques, la décision traduit une volonté d’équilibrer impératifs économiques et objectifs climatiques.

Des lignes de fracture politiques toujours présentes

Si le texte a été adopté avec une majorité confortable, il n’a pas fait l’unanimité. Certains groupes parlementaires dénoncent un signal contraire aux engagements européens en matière de climat. Pour Saskia Bricmont, eurodéputée belge écologiste affiliée aux Verts/ALE, cette mesure représente « un énième recul dans la lutte contre le dérèglement climatique ».

Elle critique notamment le report des efforts d’électrification, considérant que desserrer les contraintes à court terme retarde l’arrivée de véhicules électriques abordables sur le marché. Une situation jugée préjudiciable pour les consommateurs, mais aussi pour les objectifs du Pacte vert.

L’extrême droite juge la mesure trop timide

Les critiques sont également venues des rangs du groupe Patriotes pour l’Europe, qui rassemble notamment les élus français du Rassemblement national (RN). Pour ce groupe, la flexibilité sur trois ans n’est pas suffisante. Il plaide pour la suppression pure et simple des amendes infligées aux constructeurs qui dépasseraient les seuils d’émissions.

Jordan Bardella, président du RN, a exprimé son opposition à la stratégie environnementale de l’Union, affirmant que « les Européens n’adhèrent pas à la stratégie du tout électrique », qu’il attribue à une orientation idéologique imposée par les institutions de Bruxelles.

Un débat qui préfigure celui de l’échéance de 2035

Au-delà du cas spécifique de l’année 2025, cette réforme relance le débat plus large autour de l’échéance fixée pour 2035, date à laquelle la vente de véhicules thermiques neufs devra être interdite dans l’Union. Pour plusieurs responsables politiques, cette cible devra être réévaluée à la lumière des difficultés industrielles et des tensions géopolitiques.

Laurent Castillo, eurodéputé français membre du PPE, a évoqué cette perspective en séance, affirmant que l’assouplissement adopté marque une première étape vers une révision plus ambitieuse de la feuille de route européenne. La compétitivité du secteur automobile, confronté à des défis technologiques et commerciaux, pourrait devenir un facteur déterminant dans les discussions à venir.

Une décision révélatrice des tensions entre écologie et industrie

Ce vote met en lumière les tensions croissantes entre les exigences de la transition climatique et les impératifs économiques de l’industrie européenne. Alors que les institutions cherchent à affirmer leur leadership environnemental, elles doivent composer avec les difficultés de mise en œuvre sur le terrain.

La réforme validée par les eurodéputés illustre cette recherche de compromis. En offrant un sursis aux constructeurs, l’Union européenne espère éviter une rupture brutale, tout en maintenant ses ambitions sur le long terme. Mais elle expose aussi sa stratégie à de nombreuses critiques, venues aussi bien des défenseurs du climat que des partisans d’un repli réglementaire plus marqué.

Sources : AFP, Le Figaro, Le Monde

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