"Notre gestion alternative repose sur notre expertise des marchés obligataires" Joffrey Czurda (Cigogne Management), Thomas d’Hauteville (Financière d’Hauteville) et Sébastien Delattre (Ambre Patrimoine)


Cigogne Management, société fondée en 2004 mais dont le savoir-faire remonte aux années 1990 dans les salles de marché du Crédit Mutuel CIC. Spécialisée dans l’arbitrage de spreads de crédit, l’équipe a su traverser les crises majeures de 2008, 2011 et 2020 en affinant ses outils de couverture et de diversification. Retour sur deux décennies de gestion alternative façonnées par la volatilité. Avec Joffrey Czurda, CEO de Cigogne Management, Thomas d’Hauteville, Fondateur de La Financière d'Hauteville et Sébastien Delattre, Associé Gérant d'Ambre Patrimoine.
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Une origine ancrée dans le Crédit Mutuel et un modèle de co-investissement
Thomas d'Hauteville : Finalement, nous connaissons assez peu Cigogne Management. Je voulais connaître un peu plus votre historique et aussi le lien avec le Crédit Mutuel.
Joffrey Czurda : Effectivement, mon travail consiste aussi à essayer de faire connaître un peu plus Cigogne Management, puisque nous essayons de développer nos encours aujourd’hui. Notre histoire a 20 ans. Nous venons de fêter les 20 ans de notre société de gestion, mais en réalité notre histoire débute au début des années 90, au sein du Crédit Mutuel, plus particulièrement de la filiale CIC, que vous connaissez évidemment, dans laquelle les activités de marché lancées au début des années 90 se sont spécialisées dans les activités de gestion alternative. Après une quinzaine d’années de track record qui était plutôt bon, plutôt consistant, en 2004 nous nous sommes posé la question de proposer ce savoir-faire à nos investisseurs, aux investisseurs en particulier de la banque au départ. C’est là que nous avons eu l’idée de créer cette société de gestion : Cigogne Management. Aujourd’hui, nous sommes dans un modèle que je pourrais qualifier de modèle de co-investissement entre la banque et nos clients, puisque 100 % des stratégies mises en place par Cigogne Management ont été sourcées, détectées par la salle des marchés du CIC, qui joue un rôle de conseil en investissement. Nous allons allier ce savoir-faire d’ingénierie, de détection d’opportunités, à un savoir-faire d’allocataire d’actifs, réalisé par l’équipe de gestion de Cigogne Management.
Un ADN orienté crédit pour un positionnement distinctif
Sébastien Delattre : Dans le prolongement de votre réponse, quels sont les fondements exacts de votre modèle de gestion alternative ? Ce qui vous distingue par rapport à l’univers de la gestion alternative ?
JC : Je l’ai indiqué tout à l’heure, dans la mesure où nous avons un ADN bancaire, nous sommes plutôt spécialisés sur les activités de crédit, obligataires, taux de crédit au sens global, pour des raisons de consommation de fonds propres assez évidentes dans des comptes propres de banque. Donc, c’est vrai que notre spécialité est d’isoler les spreads de crédit des émetteurs et de les arbitrer. Les arbitrer dans l’absolu, si nous pensons que la tendance de long terme est trop large ou trop serrée, mais également en valeur relative : un émetteur contre un autre, un émetteur contre le CDS lié à l’obligation. Notre fondement est vraiment là-dessus. Ce sont des stratégies qui vont se décliner sur tout type d’émetteurs. Cela va de l’émetteur corporate Investment Grade, High Yield, émetteur d’obligations convertibles, émetteur d’obligations souveraines. Nous traitons également des ABS, des CLO. Et en marge, mais c’est un savoir-faire bien identifié que nous revendiquons depuis une vingtaine d’années, nous avons également une partie de nos encours sur les activités de fusion-acquisition, qui amènent aussi un côté décorélant, appréciable par rapport à cette exposition globale crédit.
Une résilience éprouvée à travers les grandes crises
TH : Si nous regardons un peu dans le rétroviseur sur les périodes passées, comment cela se gère-t-il en interne, les périodes de très forte volatilité type 2008, 2011, comment vous en êtes-vous sortis, et quelles leçons en avez-vous tirées ? Et 2020 ?
JC : J’aime bien parler de ce contexte, car cela traduit notre histoire. Nous avons eu la bonne idée – ou la mauvaise idée – de lancer notre fonds phare en 2007. Ce n’était pas le meilleur timing pour lancer un fonds de gestion alternative, mais néanmoins, j’aime bien rappeler à nos investisseurs que 20 ans après, nous sommes toujours là. Nous avons traversé ces différentes crises, nous avons construit, avec l’équipe de gestion, une courbe d’expérience tous ensemble. Effectivement, cela fait partie de notre ADN, de notre histoire. En 2007-2008, oui, nous avons souffert comme tout le monde, mais néanmoins, nous avons eu des drawdown plutôt limités. C’était également le cas durant la crise des souverains européens en 2011. Ce que je veux surtout mettre en avant – et je vous invite à regarder l’historique de nos fonds – c’est la rapidité des « time to recovery » : les délais de recouvrement ont été de l’ordre de 6 à 8 mois après chacune de ces crises. Cela signifie que la gestion qualitative que nous mettons en place, mais aussi opportuniste – car c’est dans ces périodes que l’on trouve les meilleures opportunités – permet de rebondir très vite.
Concernant votre question sur l’apprentissage : en 2007-2008, nous avons compris que, même avec les meilleurs analystes, une crise de cette ampleur fait souffrir, et cela nous a appris à mieux diversifier nos portefeuilles.
De la même manière, en 2011, lors de la crise des souverains européens, nous nous sommes dit que nous étions peut-être trop centrés sur la zone euro, notre base première en tant qu’investisseurs européens. Alors, nous nous sommes diversifiés plus globalement avec notre succursale de New York, et notre succursale de Singapour aussi.
C’est un processus itératif, nous apprenons de chaque crise. J’irais même jusqu’à 2020, où nous pensions avoir les meilleures idées, les meilleurs arbitrages en place, et puis est arrivé quelque chose d’inanticipable. Cela a influé notre gestion, en intégrant des stratégies de couverture des risques extrêmes. Cela ne protège pas à 100 % les portefeuilles, mais dépenser un peu de primes de manière récurrente pour couvrir ces risques extrêmes, ça a du sens. Cela fait partie de tout l’apprentissage accumulé durant ces 20 dernières années.
Un cadre de gestion des risques issu du modèle bancaire
SD : Comme nous venons de l’évoquer, l’agilité est indispensable dans des marchés très compliqués. À l’opposé, comment gérez-vous votre approche du contrôle des risques pour pouvoir y faire face ?
JC : Je tiens d’abord à mettre en avant tout le travail déployé par les équipes de CIC Marché qui nous appuient. J’ai parlé de la relation de conseil en investissement, mais derrière les 50 opérateurs qui nous conseillent au jour le jour dans nos idées d’investissement, il y a également 350 personnes basées sur tout le post-marché. Cela va du règlement-livraison jusqu’à l’analyse des risques. Tous les modèles déployés pour la banque sont aussi mis à notre disposition dans l’approche des risques de Cigogne. Cela montre le cadre dans lequel nous travaillons. Bien évidemment, nous développons un canevas d’analyse des risques : taille maximale par position sur un single name, un rating, un secteur, une zone géographique. Tout cela est décliné pour chacun de nos portefeuilles. Puis, il y a des stress tests, par exemple, un écartement des spreads de crédit de X bp ne doit pas coûter plus de 30 % de la VNI du fonds, de la même manière sur les marchés actions ou taux. C’est ainsi que se crée le cadre de risque, issu du cadre bancaire dont nous venons.
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