Marchés au sommet : optimisme rationnel ou excès de confiance ? (Eiffel IG)

Après un été marqué par la crainte d’un scénario noir, le troisième trimestre s’achève sur des marchés en pleine euphorie. De nombreux actifs risqués tutoient leurs plus hauts. Cette dynamique reflète-t-elle une confiance rationnelle dans les fondamentaux ou un excès de complaisance vis-à-vis de niveaux de valorisation souvent tendus ?
Des fondamentaux globalement rassurants
En Europe, l’inflation converge vers l’objectif des 2%, les prévisions de croissance se redressent (1,2% attendu en 2025 contre 0,8% il y a quelques mois) et la BCE semble avoir trouvé son point d’équilibre avec ses taux directeurs autour de 2%. Aux États-Unis, l’incertitude demeure en revanche sur la trajectoire de politique monétaire. La Fed semblant en effet assez divisée sur le niveau terminal de ses taux (les prévisions de ses gouverneurs oscillent entre 2,5% et 4,0% pour les deux prochaines années), le marché anticipe aujourd’hui des baisses significatives mais sans visibilité précise.
Sur le plan microéconomique, la santé des entreprises demeure solide : leur rentabilité se situe à des niveaux historiquement élevés, la relative modération des prix de l’énergie depuis le choc de 2022/23 constitue un facteur de soutien, les niveaux d’endettement sont assez modérés dans de nombreux secteurs et enfin les conditions de crédit sont globalement favorables. Autrement dit, le scénario catastrophe redouté avant l’été ne s’est pas matérialisé.
Des valorisations qui interpellent
Reste une question essentielle : les niveaux actuels reflètent-ils réellement la robustesse des fondamentaux ou traduisent-ils une certaine complaisance face au risque ?
Sur le crédit coté, les spreads des obligations d’entreprises bien notées (Investment Grade) se situent à des niveaux historiquement serrés, et les obligations à haut rendement américaines (High Yield) affichent des primes de risque au plus bas depuis 2007.
Du côté des actions, l’écart de valorisation entre les États-Unis et l’Europe reste marqué : un PER de 27x pour le S&P 500 contre 16x pour le Stoxx 600, porté par la croissance des bénéfices bien supérieure outre-Atlantique et l’effet des « Magnificent 7 ».
Enfin, les marchés privés conservent un attrait significatif, avec des rendements attendus entre 6,5% et 8,5% sur la dette d’entreprise et d’infrastructure, soit encore trois points au-dessus des niveaux observés avant le « grand repricing » de 2022 marqué par la forte hausse des taux d’intérêts. Cette prime reflète à la fois un environnement de taux durablement plus élevé et une meilleure rémunération du risque. Elle conforte notre conviction que la dette privée offre encore aujourd’hui un couple rendement/risque attractif pour les investisseurs.
Des risques aujourd’hui ignorés par les marchés ?
Certains risques majeurs restent bien réels en arrière-plan, connus mais insuffisamment pris en compte aujourd’hui par les marchés.
D’abord, le risque souverain : le rendement de la dette de la France à 10 ans est désormais le plus élevé de la zone euro (3,5 %) pour la première fois depuis la création de l’euro. Et cela, dans un environnement où les émissions des États de la zone euro atteindront un niveau record en 2025, avec près de 1 600 milliards d’euros. Aux Etats-Unis, le déficit budgétaire pourrait atteindre 9% du PIB à horizon 10 ans, et les émissions nettes annuelles pourraient dépasser 2 000 milliards de dollars à court et moyen termes.
Cette situation soulève deux enjeux : la soutenabilité de la dette dans de nombreux pays majeurs, mais également le risque d’un « effet d’éviction », où l’afflux massif d’emprunts d’État pourrait capter une grande partie de la demande des investisseurs, rendant plus difficile et plus coûteux le financement obligataire des entreprises.
Ensuite, la géopolitique : malgré plusieurs conflits armés, des tensions persistantes dans plusieurs régions, de profonds changements d’alliances en cours et des élections à venir toujours plus imprévisibles, les marchés semblent faire preuve d’une étonnante indifférence. Si les poussées de volatilité ont disparu des radars depuis l’épisode Liberation Day, il nous semble néanmoins probable que certains événements géopolitiques provoqueront à nouveau une remontée de l’aversion au risque des marchés.
Enfin, la démographie : alors que les États-Unis sont parvenus à maintenir une croissance démographique, économique et financière unique parmi les grands pays développés, l’Europe continue de décliner en la matière, contribuant à la perte de son poids économique et boursier relatif face à l’Asie, une tendance structurelle qui pèse sur sa compétitivité à long terme.
Jusqu’à quand cette complaisance pourra-t-elle durer ?
Notre conviction
Si les marchés saluent à juste titre une normalisation macroéconomique et la solidité des entreprises, l’optimisme actuel semble ignorer les fragilités structurelles de l’Europe. Dans ce contexte, il nous semble qu’aux niveaux actuels :
▪ L’obligataire souverain européen (en particulier français) a retrouvé de la valeur à des niveaux de rendement situés entre 3,0% et 3,5%,
▪ À contrario, l’obligataire Investment Grade n’offre plus vraiment de valeur, alors que ses rendements sont similaires aux emprunts d’état,
▪ L’obligataire High Yield reste attractif entre 5,5% et 6,0% malgré la baisse des rendements des 18 derniers mois,
▪ La dette privée d’entreprises ou d’infrastructures procure encore un avantage unique avec des rendements attendus entre 6,5% et 8,5%,
▪ Une performance significative des actions européennes passe d’abord par une accélération de la croissance des résultats qui demeure très inférieure à celle des États-unis, ce que l’écart de valorisation actuel entre les deux zones semble prendre en compte.
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