Alerte à Mar-a-Lago (Edmond de Rothschild AM)

Analyses de marchés

La Bourse américaine en baisse


Les investisseurs ont été pris à contre-pied en ce début d’année : ils attendaient une baisse de la fiscalité des entreprises et un programme de déréglementation, ils se retrouvent avec le début d’une guerre commerciale. Les tarifs douaniers avaient été perçus comme un levier pour obtenir des concessions, pas comme un objectif prioritaire. Et le président Trump prend officiellement de la distance avec la Bourse, à la grande différence de son premier mandat. Une incompréhension profonde des investisseurs est en train de s’installer.

Un programme bien trempé


Le programme de l’administration Trump 2.0 a été largement rédigé par Heritage Foundation, profondément républicain et libertarien mais dans un cadre America First. Ce plan vise à pousser par tous les moyens les entreprises mondiales à relocaliser leurs bases de production aux États-Unis. Barrières douanières, dévaluation du dollar, abaissement de la fiscalité des entreprises et de la réglementation à son plus simple élément, se débarrasser de tous les oripeaux et pratiques poursuivis par le reste du monde occidental comme sur le climat, la diversité et la biodiversité. La séquence choisie par l’administration Trump (commencer par le plus difficile, peut-être pour ne pas polluer la préparation des midterms) est une surprise mais elle ne signifie pas que le programme soit abandonné.

Dévaluer le dollar


Stephen Miran, nommé prochain responsable du Council of Economic Advisers, exprime très clairement dans un texte le lien entre les tarifs douaniers et le dollar. Les tarifs ne seraient que le préambule à un « Mar-a-Lago accord », une version 2.0 des accords du Plaza de 1985. Il s’agirait notamment de convaincre les pays alliés, en échange du maintien de la protection militaire américaine et d’une annulation de tout ou partie des nouveaux tarifs douaniers, de vendre une portion de leurs réserves en dollars tout en acceptant d’échanger une partie de leurs obligations d’État américaines contre des obligations perpétuelles zéro coupon. En effet, organiser une baisse du dollar est une opération à haut risque car les États-Unis cumulent les déficits jumeaux (publics et balance courante) : il ne faudrait pas que les investisseurs privés fassent remonter les taux longs en vendant leurs obligations américaines en dollars, donc autant mettre les investisseurs publics en face. À défaut d’un accord multilatéral « Mar-a-Lago », une taxe (nommée droit d’usage) sur les réserves en dollars déposées à la Réserve fédérale par les banques centrales des pays aux devises sous-évaluées pourrait être mise en place, afin de les inciter à basculer sur d’autres devises.

« Mar-a-Lago » en clair-obscur


Il est difficile de savoir à quel point « l’accord Mar-a-Lago » est le projet de toute l’administration américaine. On notera que Scott Bessent, secrétaire d’État au Trésor, y fait référence dans ses discours et que certains médias croient savoir que JD Vance le soutient aussi.
D’un côté, Stephen Miran indique qu’il serait préférable que l’inflation soit au préalable revenue à la normale afin d’éviter trop de perturbations sur les marchés, nous n’y sommes pas tout à fait. De l’autre, les pays européens demanderaient actuellement aux États-Unis le maintien d’une protection militaire en Europe de 5 à 10 ans, le temps de s’organiser. La notion de protection militaire étant un instrument de levier explicite dans l’accord Mar-a-Lago, la négociation de la recomposition géostratégique pourrait tout aussi bien précipiter le projet monétaire. Affecter une probabilité à une telle occurrence et son calendrier relève de l’impossible mais elle n’est certainement pas nulle.

Impact d’un « Mar-a-Lago »


La séquence pourrait mettre les marchés sous pression. L’annonce même de l’entrée en négociation d’un Mar-a-Lago provoquerait une baisse du dollar et des obligations américaines dans un premier temps, ce qui impacterait également les marchés d’actions. On ne revisite pas abruptement « Bretton Woods II » sans créer de secousses.

D’une part, il est probable que la volonté de mettre en place un « Mar-a-Lago » se heurterait à une très forte résistance et déclencherait une crise. Même si, en théorie des jeux, les pays alliés perdraient éventuellement moins à accepter un tel accord que de le refuser, quel homme politique dans la pratique accepterait devant ses électeurs de sacrifier une partie du patrimoine financier national pour acheter des obligations zéro coupon perpétuelles américaines ? Surtout qu’une telle concession se ferait en contrepartie d’une notion de garantie de sécurité offerte par les États-Unis qui a été rendue plus aléatoire par la nouvelle administration. On peut ainsi imaginer qu’un refus se traduirait par une nouvelle vague de tarifs et des marchés financiers sous pression. Le dollar serait soumis à des forces contradictoires : les tarifs américains le pousseraient à monter, la volonté affichée des autorités américaines à dévaluer le dollar le ferait baisser. Dans un premier temps en tout cas, le dollar serait en forte baisse.

Impact dans la gestion de portefeuille


Ce projet de « Mar-a-Lago » est si peu abouti et tellement out of the box qu’il demeure spéculatif, en dehors de notre scénario central. En revanche, il est suffisamment latent et établi pour ne pas l’ignorer. À ce titre, opter pour des stratégies de couverture ou réduire son exposition sur le dollar fait sens. Dans un scénario Mar-a-Lago où les obligations et les actions pourraient baisser fortement, le dollar serait en tête de gondole. Couvrir le dollar a un coût (actuellement de l’ordre de 2 % par an) mais il permet donc de continuer à investir tout en se protégeant contre le cumul des risques qu’aurait un portefeuille international dans un tel environnement. Au sein de notre comité d’investissement, nous avons choisi de sous-pondérer le dollar, non pas que nous ayons une vue négative sur cette devise mais pour se prémunir contre le risque d’une montée en puissance de ce projet. Le dollar a le plus souvent protégé les portefeuilles dans des périodes de forte volatilité mais si l’ombre politique que fait régner l’administration Trump sur l’économie et le système monétaire se diffuse aux marchés, nous serons dans le cas de figure où il y aura peut-être une exception.

Achevé de rédiger le 25/03/2025, par Benjamin Melman, Global CIO Asset Management Edmond de Rothschild Asset Management.

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