Marchés européens : une valorisation relative attractive avant l’amorce d’un cercle vertueux (Rothschild & Co AM)

Contrairement au marché américain dont la valorisation est gonflée par les espoirs sur l’IA, le marché européen affiche une valorisation attractive en amont du déploiement des plans de relance. L’impact, à ce stade, limité des droits de douane sur la croissance et l’inflation aux États-Unis a tiré la performance et la valorisation des marchés américains, avec un phénomène de concentration qui s’amplifie autour de ces valeurs. À l’inverse, la hausse du marché européen est plus homogène et la valorisation n’intègre pas encore les impacts positifs du déploiement des plans à venir.
L’impact des tarifs tarde à se matérialiser sur l’économie
Le troisième trimestre 2025 a été marqué par une intensification des tensions commerciales, notamment sous l’impulsion de la stratégie protectionniste de Donald Trump. Ce dernier a réussi à imposer des droits de douane moyens de 17,9 % 1 tout en engrangeant 118 milliards de dollars de recettes douanières depuis le début de l’année . Paradoxalement, la suspension temporaire des mesures réciproques a permis à l’économie mondiale de faire preuve de résilience, poussant le FMI à relever ses prévisions de croissance à +3,2 % pour l’année 3.
Aux États-Unis, la croissance du PIB a fortement rebondi au deuxième trimestre (+3 % en rythme annualisé4 ), portée par la reprise de la consommation et surtout par les exportations nettes. L’inflation reste élevée, incitant la Fed à maintenir ses taux en juillet, malgré des dissensions internes. En août, la modération du marché du travail et la stabilité de l’inflation ont permis à Jerome Powell d’envisager une baisse des taux, concrétisée en septembre par une réduction de 25 points de base, avec la promesse de nouvelles baisses à venir. Toutefois, la pression politique exercée par la Maison Blanche sur la Fed et les dérives autoritaires du président américain ravivent les inquiétudes institutionnelles.
En Zone euro, la croissance a ralenti (+0,1 % au T25), affectée par les tensions commerciales, notamment en Allemagne. La BCE, après huit baisses de taux consécutives, a marqué une pause en juillet, tout en reconnaissant un environnement exceptionnellement incertain. Le marché de taux est resté stable, avec une inflation maîtrisée autour de 2 %5. Néanmoins, des incertitudes politiques, notamment en France, pourraient influencer la trajectoire monétaire.
Sur les marchés financiers, la saison des résultats du deuxième trimestre a été globalement positive, soutenant les actions américaines. L’investissement productif, stimulé par les perspectives de gains liés à l’intelligence artificielle, devient un moteur de croissance, bien que les risques liés à la guerre commerciale et aux tensions géopolitiques demeurent.
Le rebond des marchés se poursuit de part et d’autre de l’Atlantique, mais avec des divergences de valorisation marquées
Les investisseurs américains voient pour l’instant leurs deux principales craintes se lever : l’impact des droits de douanes semble limité sur l’inflation et la croissance résiste ! Dans ce contexte, l’enclenchement du cycle de baisse des taux aux États-Unis a porté les indices américains et en particulier la sphère technologique qui continue à bénéficier d’annonces d’investissements massifs.
Cela a permis aux indices américains de poursuivre leur rebond avec une progression du S&P 500 de 8,2 % sur le trimestre en euros, tiré par le segment de la technologie comme en atteste la progression de 11,5 % du Nasdaq sur la période6. L’Eurostoxx progresse également, mais dans une moindre mesure à +4,1 %. Depuis le début de l’année, sa surperformance reste toutefois marquée, avec une progression de 18,1 % contre 1,1% pour le S&P 500, aidée par un effet devise important.
La surperformance du style value7 s’est, elle, confirmée sur le trimestre avec une performance de 6,3 % (contre 3,2 % pour le style croissance8 ) encore tirée par le secteur bancaire qui prenait 16,8 %. On trouvait également parmi les meilleurs secteurs les matières premières et les biens industriels qui intègrent peu à peu les effets positifs du plan d’infrastructure qui s’annonce, ainsi que la santé qui rebondissait sur des nouvelles positives en provenance des États-Unis. À l’inverse, les médias, les services financiers et l’alimentation-boisson continuaient à souffrir.
Le rebond des marchés américains a encore accentué l’écart de valorisation de part et d’autre de l’Atlantique. Le marché américain affiche désormais une valorisation de 23.0x en P/E, touchant des points hauts historiques. Cette valorisation est tirée principalement par les « mégacaps » technologiques, entrainant un phénomène de concentration qui rappelle la situation qui prévalait lors de la bulle Internet. A contrario, avec une valorisation beaucoup plus raisonnable à 14.9x, la concentration des marchés européens est, elle, revenue sur des points bas, les dix plus grosses capitalisations ne représentant que 15,5 % des indices en Europe contre 37,2 % aux États-Unis, validant le fait que la hausse des indices européens a été plus homogène.
Europe : vers un cercle vertueux porté par l’investissement public ?
Si la croissance des EPS en Europe sera finalement nulle en 2025, les analystes attendent pour leur part une croissance de 12,4 % pour 2026, portée notamment par le déploiement du plan d’infrastructure allemand10.
Nous partageons cette vision selon laquelle ce plan, couplé à la hausse des dépenses de défense, pourrait en effet initier un cercle vertueux en Europe. La hausse des investissements (via les carnets des commandes) devrait en effet permettre d’augmenter l’utilisation des capacités de production ce qui, dans un contexte de chômage qui reste faible, pourrait se traduire par une amélioration de la productivité. Cette hausse de la croissance et de la productivité pourrait dès lors ramener de la confiance chez les ménages qui, par reflexe Ricardien continuaient jusqu’ici à épargner massivement. La consommation d’une partie de cette épargne contribuerait à soutenir la croissance, bouclant ainsi ce cercle vertueux.
Si les analystes semblent croire aux effets bénéfiques de ce plan, ce n’est pas le cas des économistes qui continuent de miser sur une croissance stable pour la Zone euro en 2026 autour de 1,1 % 11 , malgré l’ampleur des plans allemands qui devraient représenter, sur le papier, près de 2% de croissance additionnelle par an pour l’Allemagne. Pourtant, la remontée des indicateurs anticipés comme les PMI 12 manufacturiers revenus sur des niveaux proches de 50 semblent valider cette tendance. Elle ne nous parait en tout cas pas reflétée dans la valorisation des marchés européens qui, à 14.9x en P/E est, certes, au-dessus de leur moyenne historique mais qui est la plus faible des grandes zones géographiques.
Si le risque politique fait son retour en Europe avec, de nouveau, une forte instabilité politique en France, cela n’est pas de nature selon nous a remettre en cause la trajectoire du déficit dans les années à venir. L’enjeu réel reste, à nos yeux, la présidentielle de 2027 même si cette instabilité pourrait entraîner une certaine volatilité sur les marchés (notamment le CAC 40) d’ici cette échéance. Cette situation est à mettre en perspectives avec la situation aux États-Unis où l’interventionnisme de l’administration Trump dans l’affectation des postes clefs constitue également un risque non négligeable.
Par Anthony Bailly, Responsable de la Gestion Actions Européennes, Rothschild & Co AM
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[1] Source : The Budget Lab, Yale University, 26/09/2025.
[2] Source : CBO (Congressional Budget Office), octobre 2025.
[3] Source : World Economic Outlook Update, FMI, juillet 2025.
[4] Source : Bureau of Economic Analysis, octobre 2025.
[5] Source : Eurostat, octobre 2025.
[6] Source : Bloomberg, 30/09/2025.
[7] On parle de stratégie “value” lorsque l’investisseur recherche des sociétés sous-évaluées par le marché à un instant donné, c’est-à-dire dont la valorisation boursière est inférieure à ce qu’elle devrait être au regard des résultats et de la valeur des actifs de l’entreprise. Les investisseurs « value » sélectionnent des titres présentant des ratios cours/valeur comptable faibles ou des rendements de dividendes élevés.
[8] L’investisseur privilégiant le style « croissance » se focalise principalement sur le potentiel de croissance des bénéfices des sociétés en espérant que la croissance du chiffre d’affaires et des résultats soit supérieure à celle de son secteur ou à la moyenne du marché.
[9] Earning per share : bénéfices par action.
[10] Source : Factset, Goldman Sachs, 10/10/2025.
[11] Projections macroéconomiques, BCE, septembre 2025.
[12] Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50, il exprime une expansion de l’activité ; inférieur à 50, une contraction.
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