La Blue Dial : la montre qui a fragilisé une relation de 170 ans entre Tiffany et Patek Philippe

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Rémy Gicquel
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La montre Blue Dial : une histoire d’exclusivité mal gérée

Tiffany & Co. (propriété de LVMH depuis 2021) a suscité la colère de nombreux clients fortunés après avoir mal géré la vente très attendue de la montre Patek Philippe Nautilus 5711 à cadran bleu Tiffany ( « the Blue Dial »), une édition limitée à 170 exemplaires célébrant les 170 ans de partenariat entre les deux maisons de luxe. Plutôt que de vendre cette montre au prix affiché de 52 635 dollars, Tiffany a mis en place une stratégie informelle incitant les clients à dépenser entre 2 et 5 millions de dollars en bijoux pour espérer y avoir accès, sans liste d’attente officielle ni garantie d’achat.

Cette méthode a engendré un fort ressentiment parmi les collectionneurs de montres de luxe, certains ayant dépensé des fortunes en vain. Le processus de sélection opaque, perçu comme injuste et arbitraire, a entraîné une rupture de confiance. Même les acheteurs qui ont obtenu la montre ont parfois été frustrés en constatant sa revente sur le marché secondaire à des prix déclinants (de 3,2 millions $ en 2022 à 1,2 million $ en 2025), contraire aux attentes de rareté et d’exclusivité.

Le ressentiment semble être partagé par Patek Philippe, qui a par la suite fermé trois de ses quatre boutiques dans les magasins Tiffany, ce qui a nui aux ventes et aux relations entre les deux marques. Certains clients mécontents ont cessé leurs achats chez Tiffany, préférant se tourner vers des concurrents comme Cartier. Ce fiasco aurait également conduit à des retours exceptionnels de bijoux coûteux, une politique inhabituelle pour Tiffany.

Croissance en berne chez LVMH Joaillerie : la leçon Tiffany ?

La pratique du « bundling » (conditionner l’achat d’un produit très convoité à celui d’autres articles) est répandue dans l’univers du luxe, bien qu’elle suscite de vives critiques. Cette stratégie, souvent perçue comme opaque ou discriminatoire, rappelle d’autres cas controversés impliquant des marques comme Hermès ou Ferrari, qui ont elles aussi été confrontées à des plaintes ou à des actions en justice.

L’affaire Tiffany est rapidement devenue emblématique des dérives potentielles liées à une gestion maladroite de l’exclusivité. Ce qui devait marquer un coup d’éclat commercial et symboliser le renouveau de la maison sous l’ère LVMH s’est transformé en un avertissement : mal calibrée, l’exclusivité peut éroder la confiance des clients les plus fidèles et ternir l’aura d’une marque patrimoniale.

Hasard ou non, sur les deux dernières années, la division Montres et Joaillerie de LVMH (dont Tiffany est le principal contributeur) n’a enregistré aucune croissance, tandis que son grand rival Richemont (propriétaire de Cartier et Van Cleef & Arpels) a affiché une progression de plus de 14% sur la période. Un contraste qui souligne les conséquences possibles d’une stratégie d’élitisme mal maîtrisée dans un secteur où la fidélité et la perception du prestige sont aussi précieuses que les produits eux-mêmes.

Par Rémy Gicquel, Swiss Life Gestion Privée

Source : Bloomberg

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