Un détroit et du pétrole (Financière de l'Arc)

Analyses de marchés

Nous venons de vivre depuis le 13 juin, date du lancement de l’opération Rising Lion par Israël contre l’Iran, le scénario le plus redouté par les investisseurs, à savoir celui d’une extension du conflit actuel au Moyen-Orient. Pourtant, la réaction des marchés a été, pour le moment, modérée et le cours spot du Brent est revenu le 26 juin (66,55 $) en dessous de celui du 12 juin (70,86 $), après avoir connu un pic à 78 $ le 19 juin.

Comment expliquer une telle sérénité ? Pourquoi le détroit d’Ormuz n’est-il pas bloqué par Téhéran ? L’échiquier géopolitique aurait-t-il changé ? Qui détient réellement les cartes, selon l’expression si chère à Donald Trump, employée dans le bureau ovale le 28 février dernier, à une tout autre occasion ?

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La situation actuelle est à la fois complexe et subtile et le récent bruit des armes peut, à tout moment, remettre le feu sur le marché pétrolier, ainsi qu’entre les nations présentes dans la région. Nous sommes donc très certainement dans un équilibre précaire entre les différentes forces en présence (militaires, économiques, politiques et religieuses).

Dans le domaine de la défense, les frappes israéliennes, complétées par celles américaines du 21 juin vers 2 heures du matin, heure locale, ont mis tout le monde d’accord. La suprématie aérienne n’est pas du tout du côté de l’Iran et Téhéran n’a riposté que modérément. L’opération Midnight Hammer (le marteau de minuit), baptisée ainsi par Washington, porte bien son nom, car celle-ci a été un véritable coup de massue, aussi bien sur le plan matériel que psychologique. Le fait que les États-Unis puissent lancer 7 avions B2 furtifs de leur territoire pour frapper trois sites nucléaires sur place, sans essuyer un seul tir, témoigne de leur supériorité militaire. Les moyens utilisés et décrits lors de la conférence de presse du 22 juin sont éloquents : plus de 120 appareils, des douzaines d’avions ravitailleurs et un sous-marin lanceur d’engins, ont été mobilisés. En plus du groupe de diversion, les 7 bombardiers B2 utilisés, dont le coût unitaire dépasse allègrement le milliard de dollars, auraient consommé, à eux seuls, plus de 2,5 millions de litres de kérosène lors de leur vol aller-retour de plus de 36 heures sans se poser. On comprend aisément l’importance du pétrole dans les conflits armés !

L’Iran dispose toutefois d’une arme économique, qui serait de bloquer le détroit d’Ormuz, lieu de passage maritime pour le pétrole en provenance du Golfe persique. Selon JP Morgan, le baril pourrait atteindre le cours de 130 dollars dans cette situation. Selon l’Administration de l’Information sur l’Énergie, l’équivalent de 20 millions de barils jour de produits pétroliers transitent par ce point névralgique, soit approximativement 20 % de la demande mondiale. Les exportations non seulement de l’Iran, mais aussi de l’Arabie Saoudite, de l’Irak, de Bahreïn, des Émirats Arabes Unis, du Qatar et du Koweït seraient en grande partie bloquées. La parade repose sur les oléoducs. L’Arabie Saoudite possède celui reliant l’Est à l’Ouest de son territoire, ayant une capacité non utilisée de 3 millions de barils jour. Cependant, cette infrastructure est très ancienne (construite en 1981) et sa vraie capacité supplémentaire repose sur celle du terminal pétrolier sur la mer Rouge, celui de Yanbu (1 million de barils jour).

Actuellement, il n’existe pas de vraie alternative au détroit d’Ormuz et le parlement iranien en a autorisé récemment le blocage. Pourquoi le gouvernement en place ne le fait-il pas ? Il existe trois explications à cela.

La première est que cela le priverait de ses propres recettes pétrolières. La deuxième est que les autres pays du Golfe seraient également pénalisés. La troisième se trouve du côté du principal client de l’Iran et de tous les pays voisins : la Chine. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la production de l’Iran était autour de 3,4 millions de barils jour. Selon des sources non officielles, 90 % de cette quantité iraient dans les ports de l’Empire du Milieu. De surcroît, les importations totales de Pékin via le détroit d’Ormuz représenteraient 4,9 millions de barils jour, soit 45 % de ses importations. On comprend donc l’importance géopolitique de la Chine. Par conséquent, en bloquant le détroit, Téhéran se priverait de ses recettes pétrolières, pénaliserait également l’Occident, mais affaiblirait sa position vis-à-vis de la deuxième puissance économique et politique mondiale.

Le dernier volet important pour la stabilité dans la région est la solidarité des pays arabes. On se souvient évidemment que l’origine du premier choc pétrolier de 1973 remonte à la guerre du Kippour. Celui de 1979 est dû à la révolution iranienne. Tout le monde redoute un troisième choc mondial. Pour le moment, les principaux pays sunnites ne veulent pas brouiller leurs relations avec les Occidentaux et ne sont pas solidaires des ambitions militaires et nucléaires non civiles iraniennes. Toutefois, la situation reste fragile et explique les actions militaires limitées des acteurs étrangers, souhaitant une trêve, voire une paix rapide entre les différents protagonistes.

Lettre hebdomadaire de Arnaud BENOIST-VIDAL, Gérant d’actifs, Financière de l'Arc

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