La dette privée : une solution au financement de la restructuration capitalistique des groupes familiaux (Club Monceau, Tikehau Capital)

Analyses de marchés
Club Monceau
dette privée groupes familiaux

La transmission d'entreprise au sein des groupes familiaux est un enjeu important pour le tissu économique français et européen. D’ici 2030, ce sont près de 30% des entreprises familiales qui devraient être concernées par une succession.

Ce passage de témoin n’est pas sans risque. La pérennité de ces opérations repose sur une planification minutieuse visant à trouver un équilibre entre leur financement, la préservation des valeurs et du patrimoine familial, ainsi que la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie. Il est aussi important pour ces groupes familiaux de savoir relativement tôt s’il s’agit d’une transmission au sein de la famille et si les prochaines générations resteront impliquées.

Dans ce contexte, la dette privée, source de financement alternatif au crédit bancaire, est aujourd’hui une solution de financement privilégiée par les PME et les ETI qui y voient de nombreux avantages. La palette des financements offerts par les fonds de dette privée qui couvrent quasi capital, mezzanine, unitranche permet de proposer des solutions sur mesure alliant flexibilité, confidentialité et rapidité, valeurs chères à des groupes familiaux.

La dette privée surtout par les outils de quasi fonds propre et mezzanine offre ainsi la possibilité de limiter la dilution du capital tout en accédant aux liquidités nécessaires pour les montages de financement de transmission. A cela s’ajoute une flexibilité dans la structuration de la dette qui offre la possibilité au management de déployer une stratégie ambitieuse.
Dans cette optique, l’échange entre Steve Metoudi, membre du Club Monceau, et Laura Scolan, directrice France de la dette privée chez Tikehau Capital, met en lumière les avantages et les défis que cette solution présente pour les groupes familiaux.

Stratégie et contraintes initiales

Depuis 2022, nous constatons une évolution profonde des paradigmes de marché du private equity marquée par une hausse des taux dans un contexte inflationniste, un ralentissement de la croissance, et une instabilité géopolitique.
En parallèle, les banques, acteurs traditionnels du financement des PME et ETI familiales, restreignent leur prise de risque et ont tendance à se désengager du financement des opérations de transmission d’entreprise.
Dès lors, les familles qui s’engagent dans la transmission intergénérationnelle de leur patrimoine professionnel, soucieuses de conserver leur indépendance et de ne pas se confronter au court termisme des marchés financiers, doivent se tourner vers des solutions alternatives.


La dette privée : une alternative au recours au financement bancaire et au fonds d’investissements, mais non sans conditions


Les fonds d’investissement spécialisés en dette privée se posent donc comme une solution intéressante. Elle permet aux dirigeants de conserver leur indépendance et leur liberté d’action avec une dilution réduite et une gouvernance plus souple. Notamment le remboursement de la dette mezzanine ou unitranche peut provenir de la génération de cash flow de la société sans déclencher un besoin de sortie ou de cession de la société.
En ce sens, Tikehau Capital privilégie l’octroi de prêts unitranche ou mezzanine sur une durée moyenne de sept ans. L’unitranche porté par un seul ou deux/ trois prêteurs selon la taille créancier, combine dette senior et dettes subordonnée en une seule tranche qui est généralement assortie d'un taux d'intérêt variable. La mezzanine, entre le capital et la dette, permet à la société de garder proximité et relations avec ses banques historiques qui ont pu accompagner le groupe familial pendant plusieurs décennies.
Selon la taille, les repreneurs- successeurs bénéficient ainsi d’un endettement avec un ou un nombre très limité de prêteurs, stable et fidèle , suffisant pour soutenir leur opération de reprise initiale, et garantissant une certaine flexibilité pour de futurs financements ou restructurations. Ils se préservent également des contraintes liées à la coordination de différentes classes de créanciers qui ont chacune des priorités de remboursement distinctes.
Néanmoins, il est essentiel que les dirigeants saisissent les attentes spécifiques de ces partenaires financiers.

La gestion de la transmission


Le succès de cet engagement repose sur le partage de l’information, la transparence, et une confiance mutuelle dans la stratégie de l’entreprise.
La stratégie et la qualité du management sont primordiales. Au-delà de la soutenabilité de la charge de la dette, les investisseurs ont besoin de s’appuyer sur un management qui dispose d’une stratégie claire et ambitieuse. La nouvelle génération doit donc se réinventer, trouver de nouveaux relais de croissance, repenser la gouvernance et réorganiser le capital.

L’aspect capitalistique : distinguer les héritiers prêts à s’engager de ceux qui souhaitent ne pas s’impliquer

Un des premiers défis consiste à redéfinir l’actionnariat. La question de l'engagement de la nouvelle génération est cruciale.

Cette étape peut nécessiter des besoins en financement importants. Les membres du cercle familial qui ne souhaitent pas s’investir dans un nouveau projet sont souvent sortis par le rachat de leur part, ou par le biais d’une compensation avec de la détention d’actifs plus patrimoniaux.

L’aspect stratégique : la capacité à générer une rentabilité suffisante pour assumer le coût de la dette privée et investir sur l’avenir


Concomitamment, l’élaboration d’une nouvelle stratégie est un exercice tout aussi complexe. Le nouveau management doit capitaliser sur la réussite passée tout en accompagnant le changement et en développant de nouveaux relais de croissance.
L’équilibre entre le coût de la dette et la capacité de l’entreprise à générer des rendements est une dynamique complexe.

Elle doit être clairement évoquée dans la phase de négociation des termes avec les fonds de dette privée. En effet, ces restructurations capitalistiques sont souvent couplées avec un gros projet d’investissement ou de croissance externe comme en témoigne l’expérience de Laura Scolan : « les dernières opérations auxquelles nous avons participé portaient sur des opérations mixtes pour des groupes qui avaient des plans de croissance très ambitieux. A titre d’exemple, dans une de ces opérations, les fondateurs – dirigeants ont réalisé une opération de cash out/ de liquidité ce qui a nécessité de mettre en place un premier financement, et ensuite, ont sollicité un financement pour des opérations de croissance externe ».

L’aspect humain, indispensable au bon déroulement d’une transmission pérenne


Dans ce contexte, la conduite du changement est un exercice difficile. La direction des groupes familiaux est souvent organisée autour d’un « fondateur-patriarche » qui centralise la prise de décisions autour d’une équipe d’« historiques »
Dès lors, la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie ne pourra se faire sans un renouvellement du management qui épaulera la nouvelle direction. Charge à cette dernière de capitaliser sur le savoir-faire des « historiques », se séparer de ceux qui ne partagent pas ses ambitions, et dynamiser l'organisation par l’intégration de nouveaux talents.
Là encore, les besoins de financement peuvent s’avérer importants et donc impliquer le ou les partenaires financiers.

La sécurisation de l’opération : maîtriser les enjeux fiscaux de la transmission, le rôle des conseils spécialisés

La dette privée s’impose comme un levier stratégique et flexible pour sécuriser les opérations de transmission, à condition d’être intégrée dans une démarche globale, réfléchie et encadrée. Il ne s’agit donc pas d’un outil financier mais bel et bien d’une solution stratégique au service de la pérennité des entreprises familiales.
Sa structuration permet non seulement d’assurer une transition en douceur entre générations, mais aussi d’optimiser les enjeux fiscaux grâce à des outils comme le Pacte Dutreil ou des dispositifs de sous-capitalisation maîtrisés.
Cependant, le recours à la dette privée requiert une expertise multidimensionnelle. Les conseils spécialisés, comme ceux membres du Club Monceau, jouent un rôle central dans la réussite de ces projets. Ils accompagnent les dirigeants dans la recherche de financements adaptés, participent à la construction de stratégies ambitieuses, et aident à anticiper les sujets juridiques et fiscaux.

Par Steve Metoudi et Laura Scolan

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