La décision de la Fed : une croissance plus forte a un prix (Janus Henderson)

Jim Cielinski, responsable mondial de la gestion obligataire, et Daniel Siluk, responsable Global Short Duration, expliquent comment la décision de décembre de la Réserve fédérale (Fed) montre qu'une croissance économique soutenue aux États-Unis se fait au prix de taux plus élevés.
Mercredi, la Réserve fédérale (Fed) a apporté des preuves supplémentaires à ce que le marché avait évalué depuis septembre : le cycle économique américain se prolonge et, bien que cela soit susceptible de profiter aux actifs plus risqués, le paysage pour de nombreux segments du marché des obligations devient moins certain.
Depuis que la Fed a adopté une posture plus accommodante il y a exactement un an – qui n’a été interrompue que brièvement par une poussée d’inflation persistante au début de l’année 2024 –, l’on s’attendait à un cycle d’assouplissement agressif. La limite supérieure du taux cible des fonds fédéraux – 5,50 % à l’époque – était bien au-dessus de la mesure de l’inflation privilégiée par la banque centrale américaine, ce qui indiquait une politique très restrictive.
La baisse des taux de 25 points de base (pb) de la Fed n’a pas été un cadeau, car elle s’est accompagnée de perspectives politiques moins favorables. La résilience de l’économie américaine et l’adoption de politiques favorables à la croissance par la future administration Trump ont inversé le scénario d’un « compromis ». La réduction à 4,5 % cette semaine était largement attendue par le marché. L’on s’attendait également à de modestes révisions à la hausse du résumé des projections économiques de la banque centrale. Toutefois, le degré d’adaptation de ces attentes est sans doute ce que nous avons retenu de plus important de cette réunion.
En contrôlant ces déclarations, il est important d’identifier les éventuelles incongruités entre la rhétorique générale et les détails. Alors que le président de la Fed, Jay Powell, a déclaré que les deux volets du double mandat de la banque centrale étaient « à peu près équilibrés », nous pensons que la tendance est à nouveau à la gestion du risque d’inflation.
En chiffres
Dans les projections actualisées de la Fed, la révision de la croissance économique réelle, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), a confirmé ce que la plupart des acteurs du marché savaient déjà : avec un taux de 2,5 % en 2024, les États-Unis restent dans la catégorie des économies avancées.
La solidité de la croissance américaine s’est traduite par un léger relèvement des prévisions de PIB pour 2025 et 2026 et par une légère baisse du taux de chômage pour 2024 et 2025. Le président Powell s’est empressé de rappeler qu’un marché de l’emploi résilient était une évolution positive et qu’il ne s’attendait pas à ce que les salaires exercent une pression à la hausse sur l’inflation.
Les révisions les plus notables concernent les projections d’inflation plus élevées. Pour 2025 et 2026, l’inflation globale mesurée par l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle a été révisée à la hausse à 2,5 % et 2,1 %, respectivement. L’inflation de base pour ces deux années devrait désormais s’établir à 2,5 % et 2,2 %, respectivement. Selon cette mesure, la Fed ne prévoit d’atteindre son objectif d’inflation de 2,0 % qu’en 2027.
Nous mettons ici l’accent sur la composante « services de base » de l’inflation. Nous pensons que la Fed pourrait s’inquiéter du fait que ce facteur clé de la stabilité globale des prix pourrait atteindre son point le plus bas bien avant que l’inflation n’ait atteint son objectif. Selon ce raisonnement, le maintien d’une position accommodante pourrait anéantir les progrès récents en matière d’inflation.
Pour mieux comprendre
Il convient également de noter les révisions des attentes de la Fed en ce qui concerne la trajectoire de sa politique. Une grande partie de la trajectoire accommodante précédente avait déjà été écartée. Cette tendance s’est poursuivie, l’enquête actuelle ne prévoyant plus que deux réductions en 2025 (au lieu de quatre) et deux autres en 2026, conformément aux estimations précédentes. Fait notable, le taux final de ce cycle devrait être de 3,0 %. Il y a seulement un an, l’on prévoyait 2,5 %.
Il convient de savoir ce qui se cache derrière les attentes d’une trajectoire de taux plus courte. Si elle est motivée par l’anticipation d’une croissance économique plus forte grâce à un programme favorable aux entreprises, elle est positive pour les marchés. Toutefois, si les éléments les plus inflationnistes du programme de la nouvelle administration américaine – par exemple, les droits de douane – nécessitent des taux d’intérêt plus élevés, les investisseurs s’inquiéteront à juste titre de la volatilité des échéances moyennes et longues de la courbe des rendements américains.
Des marchés en mouvement
L’éventail des éventuels résultats pour les marchés obligataires s’est élargi. Une prolongation du cycle aux États-Unis s’accompagne d’un risque d’arrêt des progrès en matière d’inflation, qui se traduirait par une volatilité accrue des obligations à moyen et long terme. L’incertitude quant aux priorités politiques de la nouvelle administration vient encore assombrir le tableau. Jusqu’à présent, l’économie américaine a réussi l’insaisissable atterrissage en douceur. Le raffermissement de la croissance économique pourrait tranquiliser les esprits, ou bien il pourrait ramener les attentes des consommateurs en matière d’inflation dans une fourchette plus élevée, ce qui obligerait la Fed à revoir ses hypothèses sous-jacentes.
En règle générale, les investisseurs accueilleraient favorablement le retour d’une prime à terme sur la courbe des bons du Trésor américain. Mais cette augmentation des rendements entre les obligations à 2 ans et à 10 ans – actuellement d’environ 15 points de base – témoigne de l’incertitude croissante concernant l’inflation américaine et la réponse appropriée de la politique. Les investisseurs doivent décider si ce rendement supplémentaire vaut le risque.
Les valorisations sont également importantes. Une prolongation du cycle devrait profiter aux sociétés émettrices de qualité. Mais les rendements de bon nombre de ces titres comparés à leur indice de référence sans risque sont faibles par rapport aux normes historiques, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour se protéger contre la volatilité des taux. Bien que les défauts de paiement soient faibles et que l’économie en croissance puisse aider les entreprises à maintenir leurs ratios de couverture, nous pensons que les crédits titrisés représentent une meilleure opportunité à l’heure actuelle, compte tenu des valorisations plus intéressantes et du potentiel d’appréciation de leurs actifs sous-jacents.
Les projections actualisées de la Fed affirment qu’à l’échelle mondiale, la croissance économique et les réponses politiques divergent. La révision à la hausse des prévisions de taux signifie que les États-Unis restent une destination attrayante pour le rendement. À l’inverse, la faiblesse de l’Europe et d’autres territoires devrait entraîner un assouplissement supplémentaire de la politique et une baisse des taux. En outre, plusieurs segments du marché mondial du crédit se négocient actuellement à des prix inférieurs à ceux de leurs homologues américains ayant une notation similaire.
Conclusion
L’ère des marchés obligataires synchronisés et des faibles rendements est révolue. Les investisseurs ont donc la possibilité de renforcer leurs portefeuilles plus larges grâce à la capacité des obligations à générer des revenus, à jouer un rôle de diversificateur et à réduire la volatilité.
Pour ce faire, les investisseurs doivent toutefois faire preuve d’agilité et chercher à identifier les segments qui présentent les compromis les plus intéressants. Contrairement aux années précédentes, tous les leviers sont importants, y compris la région, la notation de crédit et l’exposition à la duration. Les investisseurs avisés ont la possibilité de s’appuyer sur ces disparités pour trouver un équilibre entre l’attitude défensive et l’obtention de rendements excédentaires.
Par Jim Cielinski, CFA, Responsabke mondial de la Gestion Obligataire & Daniel Siluk, Responsable Global Short Duration and Liquidity / Gérant de portefeuille, Janus Henderson Investors
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