Perspectives 2025 : trop vite, trop haut, trop fort ? (Tikehau Capital)

Analyses de marchés
perspectives de marchés 2025

En 2024, les actifs risqués ont poursuivi leur tendance à la hausse, portés par plusieurs moteurs :
La désinflation continue des deux côtés de l'Atlantique, alimentant le cycle actuel de baisse des taux d'intérêt.
Un environnement macroéconomique qui s’est globalement avéré résilient, en particulier aux Etats-Unis.
Des fondamentaux qui sont restés positifs, bien qu'en voie de normalisation.
Des mesures de relance monétaire et budgétaire déployées dans le monde entier.

Les marchés anticipent donc un scénario idéal et les performances récentes laissent peu de marge d’erreur. Néanmoins, ce scénario pourrait être remis en cause par plusieurs facteurs.


Les facteurs clés à surveiller en 2025

Bien que les principaux facteurs de performance restent en place (stimulus monétaire et fiscal, désinflation continue, résilience macroéconomique et croissance des bénéfices jugée attractive), certaines incertitudes persistent dans des marchés à valorisations élevées.

La croissance économique face à une normalisation progressive

Les données économiques pointent vers une décélération progressive, bien que les résultats récents aient été dans l'ensemble meilleurs que prévus. Si l'activité manufacturière reste confrontée à des défis à travers le globe, le secteur des services reste dans l’ensemble robuste. En parallèle, face à une inflation persistante et un marché du travail qui ralentit progressivement, les consommateurs se tournent de plus en plus vers des produits moins coûteux (phénomène de "trading down"). A ce titre, de nombreuses entreprises de consommation ont pour la plupart revu à la baisse leurs prévisions de ventes aux Etats-Unis.


En Chine, une croissance en déclin structurel

Les mesures de relance récemment adoptées par les autorités chinoises visent à sortir la Chine de son marasme économique et déflationniste et à éviter la "japonisation" de l'économie. Néanmoins, les incertitudes à long terme subsistent :
Des problèmes structurels, tels qu'une profonde crise de confiance, des déséquilibres économiques, un effet de levier excessif et une bulle immobilière qui n'a pas été résorbée, posent encore des défis importants.
Il n'est pas certain que les mesures monétaires axées sur les injections de liquidités ou les mesures fiscales, qui ne sont pas suffisamment détaillées à l'heure actuelle, permettront d'y remédier pleinement.


Impact du changement de régime de taux d'intérêt

La hausse des taux d'intérêt pourrait continuer à entraîner une plus grande dispersion des actifs. Du côté des entreprises, l’effet de levier excessif est synonyme de stress. Par exemple, un émetteur CCC se finance aujourd’hui à des niveaux près de trois fois supérieur au niveau de coupon actuel, soit 14% au lieu de 5%. . Une hausse de près de 10 points, susceptible d'avoir des répercussions significatives sur la structure de capital des émetteurs.

Du côté des gouvernements, et en raison des niveaux élevés des déficits budgétaires, les politiques économiques adoptées pour répondre à l’endettement excessif des États joueront un rôle crucial dans la détermination du coût de la dette publique.


Trump 2.0 : « pro business » mais riche en contradictions

Les mesures fiscales de l’administration Trump demeurent les plus disruptives sur le plan économique, incluant entre autres le maintien des exonérations fiscales actées en 2017 au-delà de 2025 et de nouvelles potentielles baisses des taux d’imposition sur les sociétés visant à promouvoir la croissance. Bien que ce nouveau régime fiscal semble particulièrement porteur pour les entreprises américaines sur des secteurs cycliques, il est également perçu par les investisseurs comme un facteur pouvant alourdir davantage le déficit budgétaire déjà massif des États-Unis.

De plus, les droits de douane constituent une potentielle menace pour le pouvoir d'achat des ménages, les consommateurs devant faire face à des augmentations de prix. Nous pouvons également raisonnablement imaginer que, dans le cas où les droits de douanes annoncés étaient appliqués, des répercussions importantes pour certaines entreprises notamment chinoises et, dans une moindre mesure, européennes, seraient à prévoir. Néanmoins, et compte tenu du temps nécessaire de mise en place d’une telle politique, la visibilité des marchés à cet égard reste encore limitée.

Les fondamentaux de marché demeurent positifs dans l’ensemble : l’environnement macroéconomique reste résilient en particulier aux Etats-Unis, le cycle de désinflation semble se poursuivre, des mesures de relance monétaire et budgétaire sont déployées dans le monde entier et les mesures fiscales de l’administration Trump accompagnées de dérégulations pourraient soutenir davantage les actifs risqués. Néanmoins, les valorisations des actifs risqués restent élevées, ce qui contribue à la volatilité de marché et à l'absence de soutien pendant les périodes de stress, pouvant créer des « trous d’airs ». En parallèle, l'économie et la consommation se normalisent et les droits de douane ainsi que les déficits budgétaires colossaux pourraient peser sur les marchés et créer de nouveaux pics de volatilité.

Le crédit est-il encore attractif ?

Bien que les primes de risque crédit se soient resserrées des deux côtés de l’Atlantique, l’obligataire est redevenu un actif incontournable dans une allocation. Pour la première fois depuis plus de dix ans (hors Covid) , les investisseurs ont la possibilité de verrouiller un rendement jugé attractif, que ce soit sur l’Investment Grade ou le High Yield : le crédit est devenu un produit de rendement, et non plus un produit de spread.

Sur le haut rendement plus particulièrement, les fondamentaux des émetteurs restent bien orientés selon nous : les taux de défaut restent contenus et les marges nettes se maintiennent à des niveaux confortables en Europe. De plus, des facteurs techniques ont également participé au resserrement des primes de risques depuis le début de l’année sur le HY européen. En effet, nous constatons des flux de capitaux importants et continus dans la classe d'actifs au cours des deux dernières années à l’heure où la taille du marché du haut rendement européen diminue (de 500 milliards d’euros environ en 2021 à 375 milliards aujourd’hui).

En ce sens, constituer un portefeuille exposé à des émetteurs de qualité, ayant des niveaux de levier jugés raisonnables et affichant 4 % à 7 % de rendement constitue désormais une stratégie cœur. Nul besoin de s’aventurer dans des dossiers trop complexes et sujet à des problématiques de refinancement pour trouver de la rentabilité puisque désormais même des signatures de qualité permettent d’obtenir un rendement attractif. À ce socle peuvent s’ajouter des stratégies plus satellites, permettant d'optimiser le rendement embarqué des portefeuilles tout en tirant parti des dislocations significatives des marchés.


La sélection de titres au sein des notations plus basses et notamment le CCC

En effet, la récente surperformance du segment BB a rendu ce segment moins attractif (les ratios de primes de risque BB sont proches des points bas par rapport au haut rendement) . Par conséquent, s’écarter de l’univers BB en allant sélectionner des émetteurs jugés de qualité mais de notations plus basses, notamment CCC, peut générer un surplus de rendement. Avec un rendement proche des 15% malgré des taux de défaut d’environ 3% seulement, cette cohorte offre un vivier intéressant aux investisseurs rigoureux et sélectifs.


Les subordonnées financières

Les résultats du dernier trimestre démontrent encore une fois la solidité des fondamentaux du secteur bancaire européen. Au sein des obligations financières, nous privilégions en particulier les subordonnées financières AT1 qui offrent un rendement jugé attractif en absolu et en relatif par rapport aux obligations d’entreprises de même notation (avec un écart de spreads moyens estimé à 150 bps entre les AT1 et les obligations d’entreprise de même notation).

Au sein des bancaires, nous ciblons principalement les banques européennes de premier rang, bien capitalisées et affichant des niveaux de solvabilité sains. Nous restons également exposés aux banques périphériques, à l’image des bancaires espagnoles et portugaises, qui ont entrepris des efforts considérables pour assainir leurs bilans ces dernières années.

Au sein du crédit, de manière générale, nous maintenons pour l’instant une sensibilité toujours limitée aux taux : la faible pente de la courbe de crédit réduit l’attractivité des maturités trop éloignées. De plus, la volatilité des taux pourrait être le principal canal de transmission de stress en 2025 compte tenu des niveaux des déficits budgétaires et des ambitions de l’administration Trump.


Comment investir en actions ?

Nous sommes sélectifs en ce qui concerne les actions compte tenu des valorisations élevées qui laissent peu de marge d’erreur aux investisseurs. Néanmoins, des opportunités existent dans ces marchés actions très disloqués :
Aux Etats-Unis, le secteur technologique reste indispensable dans une allocation actions. Par ailleurs, l’assouplissement fiscal prévu par Trump couplé aux baisses de taux de la Fed pourraient s’avérer bénéfiques aux entreprises cycliques américaines, dont les petites capitalisations boursières.
En Europe, face à une décote historique par rapport aux marchés américains, l’émergence des concepts de souveraineté, d'autonomie et de résilience présentent des opportunités d’investissement dans des secteurs tels que la défense, la technologie, la pharmaceutique, les infrastructures ou l’énergie. De plus, le secteur du luxe ayant fortement pâti du ralentissement chinois pourrait retrouver une dynamique favorable.


Le secteur technologique

Le secteur technologique a connu une ascension fulgurante ces derniers mois, porté en grande partie par l’euphorie autour de l’intelligence artificielle et la conviction des investisseurs qu’elle inaugurera une nouvelle ère de croissance forte. Cet engouement a conduit à des valorisations élevées, l’indice MSCI World Information Technology traitant à 36,6x ses bénéfices, par rapport à un ratio cours/bénéfices de 21x pour l’indice MSCI World.

Cependant, ce segment représente une opportunité d’expansion majeure selon nous, avec de nombreuses entreprises affichant des taux de croissance à deux chiffres notamment dans la publicité en ligne et le cloud. En ce sens, le bastion de croissance de la technologie reste incontournable et s’y exposer nous semble indispensable.

En parallèle, certaines sociétés de ce segment continuent d’afficher des niveaux de valorisations jugées raisonnables. A titre d’exemple, Alphabet (publicité digitale) traite à 20,5x ses bénéfices, un niveau relativement faible par rapport à son historique, pénalisé par les incertitudes réglementaires.

En ce qui concerne l'intelligence artificielle, la lisibilité des perspectives du secteur reste faible, face à des anticipations optimistes du marché. Nous privilégions donc une exposition indirecte afin d’atténuer toute potentielle déception qui pourrait apparaître autour de ce thème. Nos investissements dans certains des principaux acteurs de la technologie américaine, à l'instar de Microsoft ou Amazon, nous exposent au cloud, à la publicité en ligne ainsi qu’à la thématique de l’intelligence artificielle. Ces sociétés génèrent d'importants flux de trésorerie et sont en mesure d’investir massivement dans l'IA.
Ces investissements colossaux représentent un double intérêt selon nous. D’une part, si une application révolutionnaire venait à être développée, capable de transformer radicalement notre quotidien, elle émanerait probablement de l'un de ces grands acteurs, ce qui en ferait une opportunité sans précédent. D’autre part, ces efforts leur permettront d'améliorer leur offre actuelle (par exemple, offrir un meilleur outil de recherche en ligne), tout en conservant un modèle économique qui reste relativement indépendant du succès de cette technologie.

Une seconde stratégie consiste à se tourner vers les entreprises pour lesquelles l'intelligence artificielle représenterait un relais de croissance supplémentaire, mais non indispensable. Nous pouvons par exemple citer Accenture, société spécialisée dans l’accompagnement des entreprises dans la transformation digitale.


Dérégulation, assouplissement fiscal : vers un renouveau des smid ?

L’univers des petites capitalisations a massivement sous-performé depuis la remontée des taux en 2022. Phénomène rare, la valorisation des petites capitalisations est désormais inférieure à celles des grandes capitalisations. Or, l’assouplissement fiscal de l’administration Trump pourrait notamment s’avérer bénéfique aux entreprises américaines à petite capitalisation. De plus, celles-ci sont bénéficiaires directes de la tendance à la « relocalisation » et pourraient également retrouver une dynamique de marché favorable à mesure que les baisses de taux se poursuivent.  


Actions européennes : décote historique importante par rapport aux États-Unis

Le sentiment négatif des investisseurs, la sous-exposition et la décote historiquement importante par rapport aux États-Unis sont autant de signaux d'un point d'entrée favorable à l'investissement dans les actions européennes. En ce sens, la négativité semble déjà en grande partie reflétée dans les prix, et ces facteurs défavorables pourraient potentiellement pivoter (Chine, droits de douane, croissance, Allemagne).

Le secteur du luxe par exemple a massivement sous-performé le reste du marché. En effet, les actions du secteur semblent subir les conséquences de la dégradation de l’économie chinoise en grande partie alors que ce segment de marché offre une cohorte d’entreprises que nous jugeons de grande qualité. A ce titre, si cette contraction venait à se renverser, portée entre autres par les différentes annonces provenant de la Chine (stimulus fiscal, monétaire et budgétaire), cela pourrait créer de nouveau une dynamique favorable pour le secteur.

Dans le même temps, l’émergence de la notion de souveraineté européenne ouvre de nouvelles perspectives d'investissement sur le vieux continent. A ce titre, la Commission européenne et les États membres ont lancé différentes initiatives qui visent à investir des sommes colossales dans certains secteurs identifiés comme stratégiques dont la défense. Accompagner les sociétés européennes qui pourraient bénéficier de ces investissements, à l’image d’Airbus ou encore Rheinmetall, serait selon nous génératrice de performance sur le long terme.

Cet environnement sans précédent pour l’investisseur sera synonyme de fortes dispersions de marché : il faudra plus que jamais favoriser le travail d’analyse fondamentale et de sélection de valeurs, tant sur les marchés crédit qu’actions.

Lire aussi : les thèmes majeurs à surveiller en 2025

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