Présidence Trump : quel impact pour les investisseurs ? (Financière de la Cité)

Analyses de marchés
Présidence Trump

Alors que J. Biden vient d'annoncer son retrait de la course à l'élection présidentielle américaine, vous trouverez ci-dessous une note synthétique concernant les orientations économiques d'un éventuel prochain mandat de D. Trump et ses conséquences en termes d'investissement.

Lors d’une entrevue récente à Bloomberg, précédant de quinze jours la tentative d’assassinat dont il fut l’objet, D. Trump a précisé au média américain quels seraient les contours économiques d’un nouveau mandat. Ces thèmes ont également été abordés par J.D. Vance, son colistier récemment investi lors de la convention républicaine. Bien que l’on ne connaisse pas le détail des mesures qui seraient prises par la nouvelle administration américaine, ces interventions permettent toutefois de brosser à grands traits les orientations économiques d’un éventuel prochain mandat de D. Trump et d’en tirer les conclusions en matière d’investissement.

Une guerre commerciale, en particulier avec l’Europe

Comme lors du précédent mandat, les questions commerciales reviennent au premier plan et semblent même devenues le fil conducteur de la politique étrangère américaine. Pour D. Trump, le commerce demeure « une guerre d’argent ». L’ancien président américain raisonne comme s’il y avait une quantité fixe d’argent qui circulerait de par le monde et dont le fermier et l’ouvrier américains auraient été « privés » par les politiques de partenaires déloyaux. Au premier chef, sont visés l’Allemagne et l’Union européenne :

“ C’est sûr l’Europe est un endroit merveilleux et beaucoup d’entre nous viennent de là-bas. (…) Mais cela mis de côté, ces pays nous traitent violemment. Ils n’achètent pas nos voitures et nous achetons les leurs par millions. Ils n’achètent pas nos produits agricoles, ou très peu d’entre eux (…) Personne ne se rend compte à quel point l’Europe nous a mal traité. »

Curieusement, les accusations de D. Trump visent en priorité l’Union européenne et le Japon avant la Chine :

“Sans le Covid, nous aurions dû avoir une balance commerciale équilibrée avec la Chine, mais le Covid est arrivé et nous avons dû sauver le pays. Et nous avons dû aussi acheter des choses à la Chine parce que, comme vous le savez, ils fabriquaient toutes les choses que nous ne faisions pas. »

Plus tard, D. Trump semble même conditionner le soutien stratégique à Taiwan au rééquilibrage des relations commerciales avec les Etats-Unis :

“Taiwan. Je connais très bien ce peuple et je le respecte profondément. Ils ont pris environ 100% de notre fabrication de puces électroniques. Je pense que Taiwan devrait nous payer payer pour sa défense. Vous savez, nous ne sommes pas si différents d’une compagnie d’assurance. Taiwan ne nous donne rien. Taiwan est à 9 500 miles [des Etats-Unis] et à 68 miles de la Chine. »

D. Trump semble donc au premier chef vouloir exercer une pression maximale sur les alliés des Etats-Unis afin qu’ils rééquilibrent leurs relations économiques avec l’Amérique. C’est la politique commerciale de l’Union européenne et en particulier de l’Allemagne qui est directement visée. En effet, D. Trump n’incrimine plus, comme il le faisait lors de son mandat antérieur, la politique monétaire de la BCE qu’il accusait dans le passé de favoriser un euro faible.

Dans le cadre de ces déclarations, l’ancien président américain a proposé une augmentation de 10% sur l’ensemble des importations et de 60% sur les importations chinoises. Le parti républicain semble assez largement conquis par cette ligne « anti-globalisation ».

➔ La focalisation de D. Trump sur les déséquilibres courants n’est pas nouvelle et était déjà au coeur des affrontements entre l’Union européenne (principalement l’Allemagne) et les Etats-Unis entre 2016 et 2020. Une partie significative du déficit courant américain peut en effet être imputé à la faiblesse de la demande européenne (consommation et investissement), qui résulte de la stratégie de déflation interne menée à la suite de la crise de la zone euro. Les excédents de l’Union européenne sont compensés par les déficits et les dettes des autres pays et notamment des Etats-Unis. Le retour de D. Trump au pouvoir pourrait donc entraîner un renchérissement des exportations européennes et impacter notablement les secteurs concernés : luxe, automobile, aéronautique, chimie, machines-outils en particulier. Dans ce contexte, les grandes entreprises européennes pourraient envisager d’accélérer leur stratégie d’implantation sur le territoire américain, dans la foulée de BASF, Siemens, Volkswagen, LVMH, etc. en profitant de surcroît d’une énergie sûre et bon marché.

Plus largement, l’arrivée d’une administration républicaine déterminée à réduire les déséquilibres commerciaux constitue un défi majeur pour l’Union européenne, qui s’est engagée depuis la fin du Covid dans une stratégie de contraction monétaire et budgétaire et dont la croissance est essentiellement due à l’amélioration du solde commercial, en particulier avec les Etats-Unis. Le retour de l’isolationnisme américain pourrait conduire l’union européenne à adopter une stratégie de croissance fondée sur le développement du marché intérieur. Toutefois le manque de visibilité politique en France, l’hostilité culturelle de l’Allemagne aux politiques de relance interne et la fixation de la BCE sur ses objectifs d’inflation rendent cette éventualité peu probable à moyen terme. Les perspectives de croissance de la zone euro risquent donc d’être assombries par la stratégie américaine. Les économies situées en dehors de la zone et bénéficiant de capacités de production locales et d’un niveau élevé de productivité (Suisse, pays scandinaves) ou d’une plus grande flexibilité (Royaume-Uni) seraient moins touchées.

Une guerre des devises, notamment avec la Chine et le Japon

Sans mentionner directement l’euro, D. Trump dénonce la force relative du dollar par rapport au yuan et au yen, qui pénalise les exportations américaines vers la Chine et le Japon :

« Nous avons un gros problème de devise. Quand j’étais président, j’ai lutté durement avec le président Xi et Shinzo Abe (…) Ils souhaitaient que [leur monnaie] reste faible et je leur disais que s’ils l’affaiblissaient davantage j’appliquerais des tarifs douaniers sur leurs importations. Plus personne ne parle de ce sujet et nous avons un écart de change qui est le plus important depuis 38 ans avec ces pays. »

Dans le même sens, J.D. Vance a fréquemment mis en cause la force relative du dollar dans la presse américaine et lors de la convention républicaine en établissant une relation entre le taux de change du dollar, la désindustrialisation et le recours à une main d’oeuvre étrangère à bas coût.

➔ Déjà, dans le passé, l’administration Trump avait qualifié la Chine de « manipulateur de devise » (currency manipulator) après une dévaluation du yuan intervenue en réponse à des hausses de tarifs américains. Cette fois ci l’engagement de l’administration républicaine en faveur d’une baisse de la valeur du dollar semble très largement partagé face à la vigueur des exportations chinoises. Une victoire du ticket Trump-Vance pourrait donc inaugurer un nouveau cycle de baisse de la valeur relative du dollar analogue à celui des premières années de la présidence Reagan. Cependant, la mise en oeuvre d’une politique de baisse coordonnée de la valeur du dollar n’est pas aussi facile qu’au temps des accords du Plaza, en particulier du fait de l’attitude peu conciliante de la Chine. En outre, 40 ans de globalisation ont fait des ménages américains un soutien déterminant de la croissance, plus de 65% du PIB étant lié à des dépenses d’achats de biens dont une large quantité est produite en dehors des Etats-Unis.

La combinaison de baisses de taux d’intérêt par la Fed, de hausse des tarifs douaniers et d’une politique visant à faire chuter la valeur du dollar pourrait ainsi se traduire par une hausse de l’inflation et une contraction du PIB, sans que cette politique soit immédiatement compensée par une progression notable de l’emploi industriel. Cependant, le maintien d’une croissance forte aux Etats-Unis, fondée sur des politiques monétaires et budgétaires adaptées pourrait aussi favoriser un maintien du dollar à des niveaux élevés en dépit des efforts de la nouvelle administration. En l’absence de coordination internationale, l’enclenchement d’un cycle de forte baisse du dollar, analogue à celui que nous avons connu à la suite des accords du Plaza, ne semble donc pas l’hypothèse à privilégier. Cependant, des pressions à la baisse pourraient créer des points d’entrée sur certaines classes d’actifs, portées par d’autres facteurs, telles que l’or en particulier. Compte tenu des orientations de la politique monétaire de la BCE, qui exclut de remettre en cause son objectif d’inflation (cf. déclarations récentes de C. Lagarde), la baisse du dollar se traduirait bien évidemment, toutes choses étant égales par ailleurs, par une dégradation de la « compétitivité prix » des grandes entreprises européennes, qui pourrait inciter davantage ces dernières à renforcer leur présence aux Etats-Unis, rendant plus incertain l’agenda de « réindustrialisation » que s’est prescrit la commission européenne pour son nouveau mandat.

Un soutien aux grandes entreprises moins assuré ?

Dans son agenda « pro-business » D. Trump promet une nouvelle vague de dérégulation et de baisses d’impôts avec la pérennisation des baisses d’impôts décidées en 2017 qui ont vocation à expirer l’année prochaine. Cependant le discours vis-à-vis des grandes entreprises est plus ambigu, avec la contestation de l’agenda « progressiste » des sociétés mondialisées (ex. Disney), la dénonciation des subventions « vertes » instituées par le plan IRA et la mise en cause de la position dominante de certaines grandes firmes de la technologie. Ce discours est notamment tenu par J.D. Vance qui s’est fait de longue date un apôtre du renforcement des lois anti-trust et apparaît, de par son parcours personnel, comme un défenseur naturel de l’Amérique des cols bleus contre les élites économiques des deux côtes.

➔ Le programme de D. Trump devrait bénéficier en premier lieu aux entreprises du secteur pétrolier qui profiteront de nouveaux droits de forage, notamment en Alaska où les projets ont été gelés par l’administration Biden sous la pression des écologistes. Cette stratégie de relance de la production pétrolière traduit une volonté de faire baisser fortement les cours qui devrait soutenir la croissance, y compris en Europe. Plus largement, la logique de réindustrialisation devrait avantager les secteurs industriels classiques (énergie, défense, automobile, consommation de base, pharmacie) qui seraient également les premiers à enregistrer une détente des conditions financières via la baisse des taux d’intérêt et du dollar. Les sociétés bénéficiant d’un fort levier sur la politique « verte » de l’administration Biden pourraient être davantage pénalisées.

S’agissant du secteur de la technologie, qui demeure le principal vecteur de hausse de la bourse américaine, l’analyse est plus contrastée. Si D. Trump et son colistier ont mis en cause certaines grandes entreprises pour alignement avec les thèses « globalistes » du parti démocrate et mis en cause leur position dominante, une grande partie des milliardaires de la tech se sont déclarés en faveur de l’ancien président américain. Par ailleurs, D. Trump a plaidé pour un rapatriement de capacités de production de logiciels et de puces sur le sol américain. Cependant, l’engagement de l’ancien président américain et surtout de son colistier en faveur de l’Amérique « industrielle » pourrait entraîner un rééquilibrage des indices en faveur des secteurs plus traditionnels de l’économie : défense, consommation de base, énergie, pharmacie, etc.

Un maintien des orientations monétaires et financières

Dans son entretien avec Bloomberg, D. Trump a confirmé le maintien de J. Powell, le président du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, avec un discours « anti-inflation » par lequel il semble donner son blanc-seing au cycle précédent de remontée des taux :

« Maintenant, vous devez laisser les taux où ils sont jusqu’à ce que l’économie se rétablisse et qu’ils puissent baisser à nouveau. L’inflation peut détruire un pays [Trump fait allusion ensuite à la sur-inflation allemande de 1923]. Je souhaite baisser les coûts pas nécessairement les taux d’intérêt. Parce que si vous avez des coûts plus bas, vous pouvez alors baisser les taux d’intérêt.»

➔ Il ne faut donc pas s’attendre à une remise en cause fondamentale des objectifs de la politique monétaire américaine en cas de réélection de D. Trump. La nomination, un moment évoquée, de personnalités contestées, partisanes d’une ligne monétaire fortement conservatrice, voire d’un retour à l’étalon-or, semble écartée. Comme lors de son mandat antérieur, D. Trump semble plaider en faveur d’une politique monétaire favorable à l’activité impliquant naturellement des conditions financières souples. La mention de J. Dimon, PDG de JP Morgan comme éventuel directeur du Trésor au sein de la nouvelle administration, constitue également un signal de continuité et de stabilité donné au marché. Dans ce contexte, le mouvement de baisse des taux d’intérêt initié récemment avec la confirmation de la stabilisation de l’inflation, devrait se poursuivre. A plus long terme, la pression à la baisse sur le dollar, la diminution des taux d’intérêt et la mise en oeuvre de la déréglementation devraient concourir à des conditions financières accommodantes. Sur les marchés de taux longs, le maintien de la croissance américaine et l’acceptation prévisible d’un niveau d’inflation plus élevé pourraient induire certaines tensions sur les taux à long terme.

Sur le plan économique et financier, l’arrivée d’une nouvelle administration républicaine, disposant d’une large majorité au Congrès et susceptible de mettre en oeuvre le programme « America first » de Trump ne devrait donc pas entraîner de remise en cause profonde de la trajectoire économique des Etats-Unis depuis la crise financière de 2008. L’économie américaine a ainsi vocation à conserver le régime de « haute pression » qu’elle connaît depuis plusieurs années. Les actifs financiers américains demeurent partant caractérisés par une forte visibilité à moyen terme confortée par la cohérence de la politique budgétaire et de la politique monétaire.

En revanche, pour les pays de la zone euro, qui ont fait de la contraction de la demande interne l’axe principal de leur politique économique, une nouvelle présidence Trump devrait impliquer une remise en cause radicale des orientations dans le sens d’un soutien marqué à la demande interne et d’un renforcement des moyens financiers pour faire face aux nouveaux enjeux stratégiques. Compte tenu de l’évolution des équilibres politiques en Europe, de la culture monétaire de la BCE et de la démographie du continent, cette révision demeure toutefois très peu probable. L’écart de croissance entre l’Europe et les Etats-Unis qui s’est créé depuis l’épisode de la « crise de la zone euro » devrait donc se maintenir à moins qu’une précipitation des événements ne conduise à une prise de conscience collective.

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