Private Equity, le bon timing pour les épargnants ? Frédéric Stolar (Altaroc), Julie Compagnon et Yann Pelard

Private Equity
Altaroc, Club Patrimoine

À l’occasion de Patrimonia 2024, Frédéric Stolar, Fondateur et Managing Partner d'Altaroc, a répondu aux questions de Julie Compagnon, Présidente du Groupe Magnacarta, et de Yann Pelard, Directeur des opérations du Groupe Premium. Comment se porte le marché du Private Equity ? Quelle part du patrimoine accorder au Private Equity ? La démocratisation du Private Equity entraîne-t-elle une érosion de la performance ?

Avant d'entrer dans le vif du sujet, Frédéric, quelques mots de présentation d'Altaroc.

Frédéric Stolar : J'ai créé Altaroc il y a 3 ans avec Maurice Tchenio avec une ambition claire, offrir un Private Equity de qualité institutionnelle à des clients privés par le biais des CGP et des banques privées à partir de 100 000€. Donc, ce qui autrefois requérait des centaines de millions d'euros et beaucoup d'expertise est aujourd'hui disponible à des clients privés à partir de 100 000 € sous forme d'abonnement.Le client s'abonne. Il va engager 10 000€ par semestre, fin mars, fin octobre. À partir de 10 000€, il a accès à un portefeuille clé en main d'une simplicité digitale par le biais de CGP de qualité. C'est notre modèle.

Julie Compagnon :

Comment se porte le marché du Private Equity et quelles sont les tendances que vous observez ?

FS : Le marché du Private Equity institutionnel, qui est le cœur de nos moteurs, se porte bien dans l'ensemble, sauf qu'il a connu un petit ralentissement d'activité, depuis 18 mois, pour une raison simple, c'est que vous avez une hausse des taux d'intérêt fin 2022, un effondrement des marchés boursiers fin 2022. Donc les fonds de Private Equit y qui avaient beaucoup d'actifs à vendre ont eu un problème parce que les fonds acheteurs de Private Equity anticipaient que les prix des actifs allaient baisser parce que les marchés boursiers avaient baissé et que les taux avaient monté. Et donc les fonds acheteurs ont posé des prix sur les actifs plus bas que les vendeurs ne les attendaient. Et donc vous avez ce qu'on appelle un vrai Bid-Ask Spread. Et pendant 12 mois, il y a eu un blocage du marché. Les vendeurs et les acheteurs n'arrivaient pas à trouver un prix d'équilibre. Jusqu'au moment où les vendeurs intériorisent le fait que les prix vont baisser et les prix ont baissé. Et donc, depuis 6 mois aux Etats-Unis, il y une vraie reprise du marché à des prix ajustés à la baisse. Donc, le marché américain repart très fortement, d'autant facilité par la baisse des taux. Et le marché européen est en train de repartir. Le marché instit' redémarre fortement.

Yann Pelard : Aujourd'hui, l'offre en Private Equity se multiplie.

Quel critère objectif pourriez-vous donner à un CGP qui est devant une offre qui se multiplie ? Quel critère objectif pourriez-vous donner pour faire une sélection efficiente ?

FS : Je dirais deux critères. D'abord, il faut s'appuyer sur des experts parce que c'est quand même un métier de professionnel. Nous réalisons que beaucoup de CGP ne sont pas encore bien équipés sur la classe d'actifs. Donc, nous sommes sur un moment du marché où les CGP, je ne dirais pas qu'ils découvrent, mais ils se familiarisent avec la classe d'actifs. Donc ils doivent s'appuyer sur des professionnels de cet écosystème. Donc ça, c'est le premier critère. Le deuxième critère, c'est des professionnels qui ont bâti des vraies usines. Nous ne nous rendons pas compte, mais pour traiter des clients privés avec un Private Equity qualité institutionnelle, il faut des grosses usines digitales. Et si le fournisseur de Private Equity n'a pas l'écosystème digital, alors la vie du CGP sera compliquée. Et la vie du client sera compliquée. Ce qui est important, c'est de s'appuyer sur des fournisseurs qui ont vraiment bâti les usines et l'infrastructure, qui ont la compétence et l'expertise. Et la réalité, Yann, il n'y en a pas tellement. Donc nous avons, sans être prétentieux, nous avons créé un marché qui n'existait pas vraiment il y a trois ans avec pas mal d'ambition, Maurice et moi. Nous avons créé des usines. Nous avons collecté 1,2 Mds€ en 2 ans et demi, C'est des vraies volumétries. Nous sommes 70 personnes. J'ai démarré tout seul. Nous sommes à peine rentables aujourd'hui parce que les usines sont chères dans le Private Equity. Nous avons voulu créer un écosystème technologique et serviciel pour servir au mieux, notre premier client, c'est le CGP. Notre premier client, c'est le CGP, parce que si nous ne simplifions pas sa vie dans cet écosystème par du conseil, de la formation, du service et de la technologie, sa vie sera complexe et la vie de son client sera d'autant plus compliquée. Donc, il faut s'appuyer sur des prestataires industriels. Et c'est ce que nous essayons de faire.

JC : Vous y avez partiellement répondu tout à l'heure, mais

quelles sont les influences des conditions économiques que nous connaissons aujourd'hui d'inflation et de taux sur le Private Equity ?

FS : Quand nous regardons sur très longue période, le Private Equity a été un hedge fantastique contre l'inflation. C'est une vraie protection contre l'inflation. Et si nous choisissons bien les fonds, nous avons une conviction absolue, c'est qu'il faut un portefeuille de fonds chaque année. Le client privé ne doit pas faire un fonds. Il ne doit pas faire deux fonds. Il doit faire un portefeuille de fonds parce que ça participe d'une vraie. Et lorsque nous réussissons à construire un portefeuille de fonds de très grande qualité sur longue durée, il y a hedge fabuleux contre l'inflation. Et si je regarde, dans le cas d'un portefeuille de fonds premier quartile, et bien sur longue durée, ces fonds premier quartile en tout cas historiquement, ils ont livré à peu près 22-23% net de frais quand le marché moyen du Private Equity faisait 13% et que les marchés actions faisaient 7%. Donc historiquement, en tout cas, alors après, il y a plein de questions. Est ce que l'Histoire est un bon prédicateur de l'avenir ? Mais historiquement, le Private Equity premier quartile a surperformé massivementles marchés moyens du PE et les marchés cotés. Avec une vraie contrainte. Il faut rester engagé sur moyenne ou longue durée pour le Private Equity et pour que ça livre la performance. Mais historiquement, ça a été un moteur de performance fantastique avec une volatilité bien moindre que celle des marchés cotés. Ça a été historiquement le cas. Ma conviction, c'est que ça va le rester. Donc pour le client privé, sur une partie du patrimoine pour un client qui veut s'exposer à une vraie perf' longue, à volatilité moindre, donc historiquement très performant.

Quelle part du patrimoine, justement ?

FS : Alors ça, c'est une question. Tout dépend du patrimoine. Vous me permettez, Vincent. Non, il y a plein de questions dans votre question. Il y a un angle réglementaire. Donc, si je fais très attention à ce que je dis, l'AMF recommande jusqu'à 10% du patrimoine en Private Equity. Donc ça, c'est la vision un peu formatée. Maintenant, le vrai sujet, ça dépend de l'appétence du client ou de la cliente à l'illiquide et à la durée. Donc, la vraie question, ce que le CGP va faire avec son client, c'est un vrai diagnostic. Quelle est la partie du patrimoine long dont le client ou la cliente n'a pas besoin ? C'est la première discussion. Et sur cette partie longue, est-ce que le client ou la cliente est prêt à accepter de l'illiquidité sur 5-7 ans ? Si la réponse à ces questions, c'est que je n'ai pas de patrimoine long, et même si j'en ai, je ne suis pas prêt à accepter une certaine forme d'illiquidité, le client ou la cliente ne doit pas investir en Private Equity. Si le client ou la cliente a un vrai patrimoine long et qu'il est prêt à accepter une forme d'illiquidité, la question, c'est : Quelle est sa vraie appétence ? Et si le client vous dit, j'ai mis de côté 500 000€, c'est un patrimoine très long dont je n'ai pas besoin, ni pour mes enfants, ni pour les écoles, ni pour un projet opérationnel ou industriel, ni pour une maison, il peut mettre 100% de cette partie longue du patrimoine non nécessaire. Mais c'est vraiment cette philosophie-là. À regarder ce que font les familles fortunées aux US, elles sont équipées aujourd'hui à 30% en Private Equity de leur patrimoine total. L'AFFO a sorti une étude il y a deux mois : les familles françaises très fortunées, + de 100 M€ de patrimoine, sont équipées aujourd'hui à 23% de leur patrimoine total en Private Equity. C'est assez proche. Pour des familles fortunées, je dirais 20% plus. Pour un client ou une cliente un peu moins fortuné, je dirais 10 à 15%. C'est une question qui semblait anodine, mais qui demandait à bien préciser les choses. Qui demande d'être bien conseillé, Vincent. Et c'est toute importance du travail du CGP. Oui, parce que c'est une classe d'actifs de pros. Mon conseil, c'est de ne pas le faire en direct parce que c'est un produit compliqué sur lequel il faut être très accompagné.

YP : Oui, nous parlons pas mal de retailisation aujourd'hui du Private Equity. Moi, je préférerais parler de démocratisation, parce qu'il y un côté péjoratif dans ce terme. Certains considèrent qu'une retailisation du Private Equity amène une érosion de la performance. Est-ce mécanique ? Est-ce obligatoire ? Quel argument pourrions-nous donner pour contrebalancer cette vision ?

FS : Je vais donner notre vision. Nous avons une ambition : créer un produit ultra qualitatif, vendu à des clients privés à partir de 10 000€ d'abonnement par semestre. C'est un gros challenge et notre produit est ultra quali. Nous allons rentrer chez 6-7 gérants par an, inaccessibles aux meilleurs instit' du monde. Nous avons vraiment une ambition de produits de qualité exceptionnelle. Et néanmoins, de par la volumétrie que nous collectons et la mutualisation que nous sommes capables de construire, nous sommes capables de vendre des tranches à 100 000€ sur un abonnement de 10 000€ par semestre. Aujourd'hui, quand je vois la qualité des portefeuilles que nous construisons, ils sont retails dans le sens où ils sont accessibles aux clients privés, mais en qualité, ils sont totalement instit'. J'ai recruté il y a un an le patron des investissements Private Equity de MetLife Monde qui gérait, avant de me rejoindre, un portefeuille de 30 Mds€ de PE. Louis me dit : "Frédéric, les portefeuilles d'Altaroc sont au moins aussi qualitatifs que ceux de MetLife". Donc aujourd'hui, le vrai challenge, c'est de permettre à un client privé, qui soit Groupe Premium ou qui soit Magnacarta, de souscrire à partir de 10 000€ par semestre à un produit de qualité institutionnelle. Et c'est possible avec beaucoup de moyens, beaucoup d'investissements, beaucoup de technologies et beaucoup d'expertise.

JC :

Quel conseil donneriez-vous à un épargnant qui a envie de se créer un portefeuille long terme de Private Equity ?

FS : D'aller voir son conseil d'abord. C'est très important. C'est historiquement une classe d'actifs de professionnels. Vous ne pouvez pas l'intuiter seul. Donc il faut une discussion avec un CGP ou un banquier privé. C'est fondamental pour bien comprendre les enjeux de la classe d'actifs, les vertus et les risques aussi. Donc ça, c'est le premier bon conseil. Et ensuite, parmi les fournisseurs que le conseiller présentera, bien faire sa diligence, prendre son temps et essayer de discuter avec des gens qui connaissent intimement le secteur. Et dernier conseil, un client privé devrait s'équiper en Private Equity à côté de fournisseurs qui investissent eux-mêmes dans leurs produits. L'alignement d'intérêt, c'est très important en Private Equity. Maurice et moi investissons des sommes très importantes chaque année dans nos véhicules. Nous croyons fondamentalement à toutes les recommandations que nous prodiguons. C'est une recommandation basique : n'investir qu'avec des gens qui sont alignés avec vous.

YP :

Pour un client qui hésiterait encore à se lancer sur le PE. Notamment dans un contexte, qui s'est un peu grippé depuis les 18 derniers mois. Que lui dire pour qu'il se lance ?

FS : Quand j'ai dit à Julie que le timing était un peu "compliqué", c'est parce que les sorties des fonds sont un peu difficiles parce que les prix ont baissé. Le contexte macro est compliqué, mais en termes d'opportunité d'entrée sur un horizon long, paradoxalement, c'est un moment très intéressant pour investir parce que les prix ont baissé. Donc, le point d'entrée est très attractif. Nous sommes sur des niveaux de multiples EBITDA aujourd'hui qui sont les mêmes qu'il y a 12 ans. C'est un moment d'entrée, même s'il n'y a jamais de moment idéal en Private Equity, très intéressant sur le Private Equity aujourd'hui. C'est l'avis de tous les spécialistes institutionnels.

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