L’UE fait-elle un pas décisif vers la titrisation ? (Janus Henderson Investors)

Économie
UE titrisation

Une réforme européenne pour simplifier la titrisation

Les gérants Ian Bettney et Robert Schramm-Fuchs donnent un aperçu des réformes proposées par l'UE en matière de titrisation et se demandent si le cadre réglementaire simplifié va suffisamment loin pour donner un second souffle à ce marché.

La Commission européenne (CE) a récemment annoncé un ensemble de mesures très attendues visant à simplifier le cadre de l’UE en matière de titrisations et à revitaliser le marché, tout en continuant à préserver la stabilité financière. L’idée est que les réglementations existantes peuvent être améliorées et simplifiées, ce qui contribuerait à flécher davantage d’investissements vers l’économie réelle.

Le SECR de 2019, entre transparence et rigidité

Le cadre initial du règlement de l'UE sur la titrisation (SECR) de 2019 a introduit un ensemble de règles visant à améliorer les protections pour les investisseurs, en garantissant la transparence et la stabilité du marché de la dette titrisée. Celle-ci regroupe des actifs individuels, tels que des dettes de carte de crédit, des prêts immobiliers ou d'autres formes d'emprunt, pour les transformer en véhicules collectifs qui peuvent ensuite être négociés.

Le retard européen face au marché américain de la titrisation

Même si un solide cadre réglementaire est sans doute nécessaire, les contraintes qui accompagnent ces réglementations ont été identifiées au sein du secteur comme un obstacle à la croissance, contribuant finalement à une contraction significative du marché européen de la dette titrisée, et conduisant à un contraste frappant avec la croissance observée aux États-Unis.

Les représentants du secteur financier plaident depuis longtemps en faveur d’une réforme et, après examen, la Commission européenne a identifié certains aspects des règles existantes qui entravent selon elle le développement du marché et imposent des coûts opérationnels inutiles. Cette réforme prévoit une réduction du ratio de couverture de liquidité (LCR) qui détermine le volume d’actifs liquides que les banques émettrices doivent détenir pour répondre à leurs besoins à court terme[i].

Les changements réglementaires ciblés visent à remédier à ces lacunes et à stimuler le marché de la titrisation dans l’UE, contribuant ainsi à stimuler la croissance économique, à encourager l’innovation technologique et des entreprises, et à créer à terme davantage d’emplois dans l'ensemble du continent.

Ces changements proposés ont des ramifications dans toute l'Europe, tant pour les marchés actions que pour celui de la dette titrisée. Voici quelques réflexions de nos gérants à ce sujet :

Actions européennes (Robert Schramm-Fuchs)

Les réformes réglementaires annoncées (et programmées) représentent un tournant potentiellement significatif pour le marché de la titrisation dans l’UE.

En outre, le Comité Mixte, un forum conçu pour renforcer la coopération entre les différentes Autorités Européennes de Surveillance (AES) du secteur financier, a publié sa propre évaluation visant à débloquer l'utilisation des titrisations pour aider à stimuler la croissance économique (en accordant une attention particulière à la préservation de la stabilité financière).

La relance du marché de la titrisation de l'UE a été soulignée comme essentielle pour atteindre l'objectif de l'Union de l'Épargne et de l'Investissement (UEI), une initiative de la Commission européenne visant à améliorer l'intégration et l'efficacité de l'écosystème financier pour les citoyens et les ménages de l'UE. Le rapport se concentre sur les recommandations visant à optimiser le fonctionnement du SECR, en améliorant la clarté de son champ juridictionnel.

Qu'est-ce que tout cela implique pour les actions européennes ?

Si l’Europe est toujours « riche en épargne », elle est depuis longtemps « pauvre en investissements ». Plusieurs initiatives sont en cours pour changer cela, afin de libérer l’énorme volume d’épargne existante « piégée » et de la flécher vers des utilisations productives. Ces initiatives sont sous le contrôle total de l'Europe, et les énormes pressions politiques externes (et internes) conduisent finalement à des mesures qui vont dans le bon sens, ce qui n'est tout simplement pas encore intégré dans la valorisation des actions européennes.

Comme nous l’avons déjà noté, les prêts bancaires couvrent environ 80 % de l'ensemble des besoins de financement européens, tandis que le marché de l'occasion (titrisations) qui permet de recycler du capital, ou de vendre des prêts collectivisés, s’est rétréci en Europe. En 2010, alors que le PIB de l’Union européenne s’élevait à 13 100 milliards d’euros, le marché européen de la titrisation représentait environ 2 000 milliards d’euros. En 2023, alors que le PIB de l'Union européenne atteignait 17 100 milliards d'euros, le marché de la titrisation s'était réduit à 1 200 milliards d'euros, même si environ la moitié de ce montant était conservée par les banques émettrices via des opérations de pensions livrées auprès des banques centrales, et n'était donc pas distribuée aux investisseurs.

Le simple retour du marché à sa taille nominale (non ajustée de l’inflation) de 2010 représenterait un stimulus de 800 milliards d’euros pour le PIB européen (soit environ 4 % du PIB selon nos estimations). Ce soutien serait bien plus important que le plan d'infrastructures récemment annoncé par l'Allemagne. Il pourrait se répercuter sur la croissance beaucoup plus rapidement que le plan de relance allemand, compte tenu des 10 années nécessaires au déploiement complet de ce dernier.

Titrisation européenne

(Ian Bettney)

Du point de vue de la communauté des investisseurs en titrisations, les mesures proposées par la Commission européenne ouvrent des perspectives prometteuses pour le marché. Ces mesures établissent un équilibre entre le maintien de la surveillance réglementaire et la promotion de la croissance, ce que de nombreux acteurs du secteur ont salué. Toutefois, même si les propositions sont de nature à lever certaines des limitations existantes, elles ne parviennent pas à apporter les changements radicaux que certains avaient anticipés.

La Commission souligne les avantages plus larges de la titrisation, non seulement pour les banques mais aussi pour les investisseurs à la recherche d’opportunités de grande qualité. Cela correspond aux objectifs de l'UEI, qui donne la priorité à la croissance économique plutôt qu'aux intérêts des seules institutions bancaires. Ce plan reflète une conception du marché sous forme d'un écosystème, visant un recalibrage plutôt qu’une déréglementation, même si sa dépendance à une surveillance améliorée pourrait s'avérer trop optimiste.

Principaux points positifs :

  • Simplified due diligence: The proposals reduce mandatory due diligence requirements, adopting a principle-based approach that lowers standards for senior tranches and repeat transactions. Specific obligations for EU-supervised issuers are removed, easing processes for market participants.
  • Simplified reporting: By making 35% of existing reporting templates voluntary, the need for new IT expenditures for originators is reduced, and the elimination of loan-by-loan disclosure requirements for certain highly granular pools is a welcome change.

Principales préoccupations :

  • Complexité de la sensibilité au risque : l’introduction de catégories sensibles au risque, telles que les tranches senior « résilientes », ajoute de la complexité au cadre existant, ce qui pourrait compliquer les exigences prudentielles.
  • Conséquences financières en matière de reporting : l’élargissement de la définition des titrisations publiques et l’exigence de reportings complets peuvent augmenter les coûts et créer des disparités avec d’autres secteurs du marché, ce qui pourrait détourner les transactions de la titrisation publique.
  • Sanctions élargies : des inquiétudes émergent quant à la portée plus large et à la sévérité accrue des sanctions liées au respect des obligations de due diligence, notamment du fait de la suppression de la possibilité de déléguer cette responsabilité.

En attente de clarification :

Assureurs européens : les modifications associées à Solvency II n'ont pas encore été annoncées mais devraient suivre. Cette large base d’investisseurs européens est actuellement très peu exposée aux actifs titrisés en raison des exigences en capital excessivement pénalisantes. À l'opposé, les assureurs américains bénéficient du traitement moins strict appliqué aux actifs titrisés et sont donc beaucoup plus exposés.

En résumé, l'entrée en vigueur de ces propositions sera probablement repoussée, potentiellement pas avant mi-2027, après une longue période de consultation et de négociatio

Bien que ces évolutions constituent une étape positive vers la revitalisation du marché européen de la titrisation, elles ne sont peut-être pas suffisamment ambitieuses dans leur forme actuelle pour favoriser une reprise significative du marché ou pour faire progresser de manière décisive les objectifs de l'UEI.

[i] Cette réforme prévoit une réduction du ratio de couverture de liquidité (LCR) qui détermine le volume d’actifs liquides que les banques émettrices doivent détenir pour répondre à leurs besoins à court terme.

Janus Henderson Investors

Lire aussi :

Dissiper les mythes sur le marché européen de la titrisation

Naviguer sur une mer agitée : profiter de la résilience procurée par la titrisation européenne

7 pays européens lancent le label « Finance Europe » pour concrétiser l’Union de l’épargne et de l’investissement

Découvrez d'autres contenus du même partenaire

Contributeurs

À découvrir
Graph du jour

Chaque jour, nous sélectionnons pour vous, professionnels de la gestion d'actifs, une actualité chiffrée précieuse à vos analyses de marchés. Statistiques, études, infographies dans divers domaines : épargne, immobilier, économie, finances, etc. Ne manquez pas l'info visuelle quotidienne !

Voir tous nos graphs
Agenda

Ne loupez aucun événement de nos partenaires : webinars, roadshow, formations, etc. en vous inscrivant en ligne.

Voir notre agenda
Challenges & Club Patrimoine
Lire une sélection d'articles publiés dans le numéro spécial 2025 Gestion de Patrimoine "Le nouveau paradigme".
Découvrir
Et retrouvez également une sélection d'articles du numéro 2024
Les fonds de nos partenaires