7 pays européens lancent le label « Finance Europe » pour concrétiser l’Union de l’épargne et de l’investissement

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Un label pour mobiliser l’épargne des ménages au service de l’économie européenne

Le 5 juin 2025, sept États membres de l’Union européenne – la France, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal, le Luxembourg et l’Estonie – ont annoncé le lancement du label « Finance Europe ». Ce nouveau dispositif vise à orienter l’épargne des particuliers vers l’économie réelle du continent, en sélectionnant des produits répondant à des critères exigeants d’investissement à long terme. Pour obtenir ce label, les produits devront allouer au moins 70 % de leurs actifs à des entreprises de l’UE, encourager la détention sur cinq ans minimum, sans garantie publique de capital, et privilégier les placements en actions.

Cette initiative concrétise l’un des volets de la stratégie européenne pour l’Union de l’épargne et de l’investissement (UEI), promue par la Commission européenne et les autorités de supervision nationales comme la Banque de France et l’AMF. Elle marque un tournant vers l’opérationnalisation d’un marché de l’épargne plus intégré à l’échelle européenne.

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Une ambition ancienne qui entre dans sa phase d’accélération politique

L’Union européenne de l’épargne et de l’investissement franchit ainsi une nouvelle étape. Après les projets d’unification des marchés financiers (Union des marchés de capitaux, UMC) et bancaires, les institutions européennes ont décidé de fédérer ces chantiers dans une stratégie globale de financement à l’échelle continentale. L’objectif est de rediriger les 10 000 milliards d’euros d’épargne des ménages européens vers des investissements productifs et stratégiques. En mars 2025, la Commission européenne a formalisé cette stratégie autour de trois piliers majeurs, tandis que les superviseurs européens, dont l’AMF et l’ACPR, plaident pour une mise en œuvre rapide.

Un cadre d’action coordonné avec les recommandations de Letta et Draghi

La déclaration du Conseil des gouverneurs de la BCE du 7 mars 2024 appelle à une accélération du processus. Cette ambition s’inscrit dans le sillage des rapports Letta et Draghi, qui ont insisté sur l’impératif de souveraineté économique et sur la nécessité de faire converger les législations nationales. Dans cette perspective, la nouvelle Commission européenne a reçu mandat d’élaborer des mesures concrètes à déployer dans les deux à trois années à venir, avec pour horizon une date mobilisatrice : le 1er janvier 2028.

La France en première ligne pour porter l’intégration financière européenne

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, défend l’idée d’un marché unique de l’épargne depuis plusieurs années. Il voit dans l’UEI une réponse stratégique au tournant opéré par les États-Unis et un moyen de renforcer l’autonomie européenne. La présidente de l’AMF, Marie-Anne Barbat-Layani, qualifie même ce projet de « plus important de notre génération en matière financière », estimant qu’il donnera à l’Europe les moyens de ses ambitions industrielles, écologiques et militaires.

Trois piliers pour structurer l’Union de l’épargne et de l’investissement

Le soutien à l’investissement des particuliers

Le premier pilier consiste à faciliter l’investissement des épargnants dans l’économie européenne. Il s’appuie sur l’harmonisation du parcours client et sur une stratégie de simplification de l’offre de produits financiers. Le nouveau label « Finance Europe » illustre cette volonté d’identification claire et de transparence. L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) a lancé un appel à contributions à ce sujet, tandis que la stratégie de finance pour l’investisseur particulier (RIS) est en phase de trilogue à Bruxelles.

Le renforcement de la supervision européenne

Le deuxième pilier vise à réduire la fragmentation réglementaire. Les pratiques nationales hétérogènes sont considérées par l’AMF comme un frein majeur au bon fonctionnement du marché. L’émergence d’un superviseur européen unique est donc une priorité. L’UEI entend opérer un transfert de compétences des autorités nationales vers une structure communautaire, dans le but d’éviter la surrèglementation et de fluidifier les investissements transfrontaliers.

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La relance encadrée du marché de la titrisation

Le troisième pilier porte sur la relance du marché européen de la titrisation. Malgré les réticences liées aux souvenirs de la crise des subprimes, les régulateurs européens plaident pour une révision du règlement Titrisation. L’objectif est d’accroître les capacités de financement des banques sans alourdir leur bilan. Entre 2007 et 2022, les émissions d’actifs titrisés sont passées de 407 à 157 milliards d’euros en Europe, contre plus de 1 200 milliards de dollars aux États-Unis. Une réforme encadrée permettrait de réactiver cet outil de financement.

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Une stratégie pour résorber un besoin de financement estimé à 800 Md€

Selon la Commission européenne, les besoins de financement supplémentaires d’ici 2030 s’élèvent à 750 à 800 milliards d’euros. Le vivier d’épargne disponible justifie une telle ambition : les dépôts bancaires des ménages européens atteignent 10 000 milliards d’euros. L’enjeu est donc moins la quantité que la circulation de cette épargne, encore largement cantonnée à des placements peu productifs ou nationaux. L’UEI propose d’activer des leviers institutionnels, technologiques et réglementaires pour réorienter ces flux vers des projets utiles à l’échelle continentale.

Des infrastructures numériques pour accélérer l’intégration des marchés

Parmi les mesures évoquées figure la création d’un registre unifié européen – le « European Unified Ledger ». Cette infrastructure commune permettrait de sécuriser les transactions financières tout en les rendant accessibles à l’ensemble des acteurs du marché intérieur. Ce registre renforcerait la rapidité, la traçabilité et la fiabilité des opérations, et constituerait un pas décisif vers un véritable marché unique du financement dans l’Union.

Un changement d’échelle attendu dans un contexte géopolitique incertain

La fragmentation actuelle limite la compétitivité européenne face aux géants américains. Seules trois banques de la zone euro figurent parmi les dix premiers établissements générant des commissions de banque d’investissement, captant 27 % du total, contre 57 % pour les institutions américaines. Dans ce contexte, l’unification de l’épargne européenne apparaît comme un levier de souveraineté. L’Europe ambitionne de reprendre la main sur le financement de sa transition énergétique, de son industrie et de sa défense.

Un projet structurel au long cours, mais désormais porté par une dynamique politique forte

L’idée d’un marché intégré de l’épargne remonte à l’Acte Unique de 1986. Elle a été relancée à l’occasion de l’Union monétaire en 1999, puis avec l’UMC en 2015 et 2020. Désormais, les autorités européennes, en synergie avec les superviseurs nationaux, entendent faire de l’UEI une réalité d’ici la fin de la décennie. Le patron d’ING se dit prêt à accompagner cette dynamique, y voyant une opportunité de croissance et de cohésion économique. La feuille de route est posée, reste à concrétiser l’ambition en actes.

Sources : Reuters, Banque de France, Gestion de Fortune

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