Ubisoft reprend sa cotation après une semaine d’incertitude et confirme l’arrivée imminente de Tencent

Une semaine après avoir interrompu sa cotation en Bourse sans explication détaillée, Ubisoft a finalement repris ses échanges le 21 novembre 2025. L’éditeur français avait suspendu son action le 13 novembre, juste avant la publication de ses résultats semestriels, une annonce tardive qui avait immédiatement alimenté les spéculations autour d’une éventuelle vente ou d’un événement financier majeur. Ce contexte a pris d’autant plus d’ampleur que l’entreprise, connue pour Assassin’s Creed, Far Cry, Rainbow Six ou Just Dance, a traversé plusieurs années difficiles, marquées par une division par dix de sa valorisation depuis 2018 et près de 3 000 suppressions de postes.
La société a levé le voile ce matin en expliquant que cette suspension était due à un retraitement comptable lié à l’application de la norme IFRS 15 concernant la reconnaissance des revenus d’un partenariat. Les nouveaux auditeurs, nommés en juillet, ont identifié un problème dans la comptabilisation d’un accord conclu sur l’exercice 2024-2025, ce qui a obligé Ubisoft à retraiter ses comptes selon IAS 8 et à reporter d’une semaine la publication de ses résultats.
Un retraitement comptable qui a provoqué la violation de covenants financiers
Les explications fournies par la direction précisent que l’échéancier d’un partenariat basé sur l’usage aurait dû conduire à une reconnaissance progressive du revenu selon IFRS 15. L’application correcte de cette norme a fait apparaître rétroactivement un non-respect de certains ratios d’endettement prévus dans les accords de financement, notamment sur les emprunts Schuldschein, pour lesquels Ubisoft devait maintenir un ratio dette nette sur EBITDA en dessous du seuil contractuel.
Cette situation rendait théoriquement exigibles certaines créances. Ubisoft assure toutefois que le problème est en cours de résolution, notamment grâce à l’arrivée imminente de nouveaux fonds.
L’investissement stratégique de Tencent entre dans sa phase finale
La bonne nouvelle attendue par les actionnaires concerne l’accord stratégique annoncé au printemps avec Tencent. Ubisoft confirme que « toutes les conditions suspensives ont été satisfaites » et que l’investissement de 1,16 milliard d’euros du groupe chinois sera finalisé dans les prochains jours. Cette opération vise à désendetter Ubisoft et à renforcer son développement autour d’une nouvelle filiale, Vantage Studios, créée le 1er octobre.
Tencent en détiendra 25 %, tandis qu’Ubisoft conservera 75 %. Cette structure regroupera les trois licences les plus rentables de l’éditeur, Assassin’s Creed, Far Cry et Rainbow Six, avec l’objectif affiché de générer au moins un milliard d’euros de revenus annuels via les jeux console, PC, mobile, les déclinaisons audiovisuelles et les produits dérivés. Vantage Studios est dirigée par Charlie Guillemot et Christophe Derennes. Ubisoft précise par ailleurs que son organisation globale sera remodelée autour de nouvelles « maisons créatives » autonomes dont les contours seront détaillés en janvier.
Une amélioration notable des résultats semestriels
Malgré la confusion autour de la publication des résultats, Ubisoft affiche des chiffres semestriels en progression. Le chiffre d’affaires atteint 772,4 millions d’euros, en hausse de 20,3 % sur un an, dont 490 millions pour le deuxième trimestre, un niveau supérieur aux attentes internes et au consensus des analystes. L’entreprise explique cette performance par des partenariats plus importants qu’anticipé et par la solidité du back-catalogue, ainsi que par le dynamisme d’Assassin’s Creed Shadows, qui cumule 211 millions de jours de sessions depuis le début de l’année, en hausse de 35 % sur deux ans.
Le résultat opérationnel ressort à 27,1 millions d’euros en données non IFRS, après une perte de 252 millions l’an passé. Le résultat net reste déficitaire à –37 millions d’euros, un recul nettement moindre que celui de 2024.
Une volatilité accentuée par les attentes du marché
À la reprise de la cotation, le titre a d’abord reculé avant de bondir de plus de 10 % en matinée. Cette réaction traduit à la fois la déception de ceux qui anticipaient une opération capitalistique majeure et le soulagement lié à des résultats meilleurs qu’attendu, ainsi qu’à la confirmation de l’arrivée des fonds de Tencent. La direction explique que le retour à une génération de trésorerie solide reposera sur la croissance du chiffre d’affaires, la nouvelle organisation et les 69 millions d’euros déjà économisés sur les 100 millions annoncés en mai.
Ubisoft maintient ses objectifs pour l’exercice, avec des revenus stables autour de 1,9 milliard d’euros, un résultat opérationnel non IFRS proche de l’équilibre et un désendettement lié à la transaction avec Tencent. L’éditeur compte également sur plusieurs sorties majeures au quatrième trimestre, dont le remake de Prince of Persia : Les Sables du Temps, et sur les performances de Rainbow Six Siege.
Sources : Le Monde · Le Figaro · BFM Bourse
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Retour sur la suspension Ubisoft de novembre 2025
L’action Ubisoft a été suspendue à la Bourse de Paris à la demande du groupe, après l’annonce du report à la dernière minute de la publication de ses résultats semestriels. Euronext a confirmé que la suspension s’appliquait à compter de l’ouverture des marchés du 14 novembre et se poursuivrait jusqu’à nouvel avis. Ubisoft a indiqué que ses résultats seraient publiés « dans les prochains jours », sans préciser les raisons du décalage. Dans un courriel interne adressé aux salariés, le directeur financier Frédérick Duguet a expliqué que le groupe avait besoin d’un délai supplémentaire pour finaliser la clôture du semestre, et que la suspension visait à limiter les spéculations et la volatilité.
Ce décalage inhabituel suscite de nombreuses spéculations. Plusieurs analystes estiment qu’un rachat pourrait faire partie des options envisagées, dans un contexte où le secteur connaît une accélération des opérations de concentration. Des rumeurs de discussions entre Ubisoft et Tencent avaient déjà circulé fin 2024, et le géant chinois est aujourd’hui déjà présent au capital. Ubisoft a par ailleurs créé une nouvelle filiale regroupant ses trois licences principales, détenue à environ 25 % par Tencent via un apport de 1,16 milliard d’euros, dans une opération dont la finalisation est prévue fin 2025 sous réserve des autorités réglementaires. Cette structuration pourrait ajouter une complexité financière supplémentaire au groupe.
Malgré ces annonces stratégiques, le titre Ubisoft connaît une forte dégradation. L’action a reculé de près de 50 % depuis le début de 2025, approchant son plus bas niveau depuis 2012. Les lancements récents du groupe ont déçu, avec l’arrêt précoce de son jeu en ligne XDefiant et un tassement des ventes du dernier volet de la saga Assassin’s Creed, « Shadows », selon plusieurs cabinets spécialisés. Le groupe vient également de sortir « Anno 117: Pax Romana », sans avoir annoncé d’autres titres majeurs pour les prochains mois, hormis le remake de « Prince of Persia: les Sables du temps ».
Depuis 2023, Ubisoft mène un plan de réduction des coûts qui s’est traduit par la fermeture de plusieurs studios et le départ de milliers de salariés. En Suède, un plan de départs volontaires a été annoncé dans les studios de Stockholm et Malmö, pourtant impliqués dans Star Wars Outlaws, un titre dont la réception a été jugée mitigée. Le groupe poursuit sa restructuration autour de ses licences fortes et de la maîtrise de ses dépenses, dans un marché très concurrencé.
Avant ce report, Ubisoft avait publié des résultats mitigés pour le premier trimestre 2025-2026, avec des ventes nettes de 281,6 millions d’euros, en baisse de 2,9 % sur un an et en dessous des attentes internes. Les performances du catalogue ont été plus faibles que prévu et le calendrier de sorties relativement creux. Ubisoft avait néanmoins confirmé ses prévisions annuelles, évoquant des « net bookings » stables, un résultat opérationnel non-IFRS proche de l’équilibre et un flux de trésorerie négatif. L’analyste Deutsche Bank anticipait pour le premier semestre des « net bookings » de 430 millions d’euros, inférieurs aux objectifs initiaux du groupe en raison de ventes moins solides sur la franchise Assassin’s Creed.
L’ensemble du secteur du jeu vidéo traverse une crise de croissance depuis la fin de la période Covid, marquée par des performances irrégulières, des réorganisations massives et une concurrence accrue. La suspension de cotation d’Ubisoft intervient dans ce contexte tendu, où la confiance des investisseurs s’est fragilisée au fil des reports de jeux, des ventes décevantes et de l’incertitude stratégique entourant l’éditeur français.
Sources :
AFP / Boursorama, BFM Bourse, Le Monde
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