Oracle s’enfonce en Bourse, symbole des doutes sur la rentabilité de l’IA

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Une chute boursière spectaculaire depuis septembre

La dégringolade du titre Oracle se poursuit et cristallise les inquiétudes croissantes des marchés autour de l’intelligence artificielle. Depuis son plus haut atteint en septembre, l’action du géant américain des centres de données a chuté d’environ 45 %, effaçant plus de 400 milliards de dollars de capitalisation boursière en l’espace de quatre mois. Une baisse brutale après une envolée tout aussi spectaculaire, lorsque l’annonce d’investissements massifs dans les data centers et d’un contrat colossal avec OpenAI avait propulsé le cours de l’action de près de 40 %.

Cette correction a également eu des conséquences symboliques pour son fondateur et patron, Larry Ellison, brièvement devenu l’homme le plus riche du monde avant de reculer à la quatrième place du classement Forbes.

Le coup de semonce du projet de data center dans le Michigan

Le dernier épisode en date est survenu mercredi 17 décembre, après la publication d’un article du Financial Times affirmant qu’Oracle aurait perdu le soutien de Blue Owl Capital, l’un de ses principaux partenaires financiers, dans un projet de centre de données estimé à 10 milliards de dollars dans le Michigan. Cette information a suffi à faire plonger le titre de plus de 5 % sur la séance et à peser sur l’indice Nasdaq, fortement exposé aux valeurs technologiques.

Oracle a toutefois tenté de rassurer. Dans un communiqué transmis à l’AFP, son porte-parole Michael Egbert a indiqué que Related Digital, en charge du projet, avait « sélectionné le meilleur partenaire financier parmi un groupe d’options concurrentielles, qui dans ce cas précis n’était pas Blue Owl ». Selon lui, l’avancée des discussions serait « conforme au calendrier ». Des explications qui n’ont pas apaisé les craintes des investisseurs.

Des engagements financiers hors norme dans l’IA

Oracle s’est fortement endetté pour s’imposer comme un acteur majeur de l’infrastructure dédiée à l’intelligence artificielle. Son carnet de commandes est conséquent et en forte croissance, mais une partie significative provient d’entreprises dont la solidité financière reste fragile. OpenAI, créateur de ChatGPT, s’est ainsi engagé à acheter pour 300 milliards de dollars de puissance de calcul sur cinq ans.

Or, comme le souligne Steve Sosnick, analyste chez Interactive Brokers, OpenAI est « une entreprise qui prévoit de réaliser un chiffre d’affaires d’environ 20 milliards de dollars cette année ». Au total, le pionnier de l’IA générative se serait engagé à verser près de 1 400 milliards de dollars à Oracle et à ses concurrents, alors même que son modèle économique n’a pas encore démontré sa rentabilité.

Ce décalage entre les montants investis et les revenus générés « a conduit de nombreux investisseurs à se demander si les prévisions concernant les dépenses en intelligence artificielle pouvaient réellement être réalisées », observe Steve Sosnick, d’autant que les bénéfices concrets de l’IA sur les performances financières des entreprises restent difficiles à mesurer.

Oracle, reflet des interrogations sur la bulle de l’IA

Pour de nombreux observateurs, le cas Oracle dépasse la seule trajectoire du groupe texan. « Oracle est probablement l’exemple type des questionnements relatifs aux dépenses d’investissement (…) et aux interrogations sur les marges réalisées dans le secteur », estime Art Hogan, analyste chez B. Riley Wealth Management. Il nuance toutefois l’ampleur de la correction, rappelant que le titre affiche encore une progression de 7 % depuis le début de l’année.

La publication, début décembre, de résultats trimestriels accompagnés d’une annonce d’augmentation des investissements dans l’IA, portés de 35 à 50 milliards de dollars, avait déjà déclenché une chute de plus de 10 % du titre en une séance. Pour certains investisseurs, ces montants sont jugés excessifs au regard de profits encore incertains, nourrissant les spéculations sur l’existence d’une bulle de l’intelligence artificielle.

Un malaise qui s’étend à l’ensemble de l’écosystème

Oracle n’est pas un cas isolé. CoreWeave, spécialiste de la location de puces graphiques dédiées à l’IA, a vu sa capitalisation boursière divisée par trois depuis son pic de juin et a encore perdu plus de 7 % lors de la même séance. Les investisseurs s’interrogent également sur la capacité du réseau électrique à soutenir la demande croissante des data centers et sur la durée de vie réelle des puces IA, souvent estimée à cinq ou six ans par les industriels, contre moitié moins par certains spécialistes.

La multiplication des accords croisés entre acteurs du secteur, ainsi que les valorisations élevées, renforcent le scepticisme. Nvidia, par exemple, s’est engagé à investir 100 milliards de dollars dans OpenAI tout en lui fournissant des puces, illustrant la circularité des financements au sein de l’écosystème.

Une correction qui interroge le modèle économique de l’IA

Alors que le cabinet Gartner anticipe des dépenses mondiales en infrastructures IA pouvant atteindre 1 500 milliards de dollars en 2025, la question du retour sur investissement devient centrale. Le Fonds monétaire international a récemment averti que « la déception engendrée par les résultats de l’IA sur le plan des revenus et des gains de productivité pourrait entraîner une brutale réévaluation des valeurs technologiques ».

La chute d’Oracle apparaît ainsi comme un signal d’alerte pour les marchés, qui semblent désormais exiger des preuves tangibles de rentabilité, au-delà des promesses et des annonces spectaculaires.

Sources
capital.fr, lemonde.fr, latribune.fr

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