L'impact de l'automatisation et de l’IA sur la valorisation des actifs logistiques


Introduction : Un tournant pour le marché logistique
La logistique est en pleine mutation. Avec l’essor de l’automatisation et de l’intelligence artificielle (IA), le secteur des actifs logistiques vit une transformation profonde, redéfinissant les critères de valorisation et d’investissement.
Le marché mondial de l’automatisation des entrepôts était estimé à 20,19 milliards de dollars en 2024. Il pourrait atteindre 30 milliards de dollars d’ici 2026, avec une croissance annuelle de 12 %. Cette évolution s’accompagne d’une prime technologique valorisant les infrastructures intégrant ces innovations. À l’inverse, 50 % des entrepôts traditionnels pourraient devenir obsolètes d’ici 2030 s’ils ne s’équipent pas en automatisation et IA, face à la compétitivité des sites modernes. (Selon Statista, une étude de JLL)
Ces transformations influencent fortement les décisions d’investissement immobilier. Autrefois considérés comme des biens classiques, les actifs logistiques sont désormais soumis à des impératifs technologiques. Les entrepôts automatisés gagnent du terrain, tandis que les autres risquent de perdre en valeur. Le développement de l’IA pousse à repenser la valorisation des actifs à court, moyen et long terme. Il ne s’agit plus seulement d’innover, mais de réviser en profondeur les critères d’évaluation : liquidité, attractivité et rentabilité deviennent techno-dépendants dans ce secteur clé de l’économie mondiale.
Révolution technologique : quand l’IA et l’automatisation redéfinissent la logistique
Des robots dans les entrepôts, des camions sans chauffeurs sur les routes
L’automatisation, autrefois limitée aux grandes lignes de production, s’étend désormais à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Dans les entrepôts, la robotisation est devenue la norme. Amazon, en tête de cette mutation, utilise plus de 520 000 robots autonomes dans ses centres logistiques à travers le monde, tout en ayant ajouté plus d'un million d'emplois à l'échelle mondiale pour des délais de préparation de commandes raccourcis de 30 à 50 %. Sur les routes, l’autonomie prend également le volant. Les camions sans chauffeur, développés par des entreprises comme Waymo Via ou Einride, promettent une réduction des coûts de transport longue distance de l’ordre de 29 à 40 %. Cette technologie pourrait, à terme, bouleverser la logistique du "dernier kilomètre" et répondre à la pénurie de chauffeurs routiers. (Selon une étude menée par Ryder et Pascal Van Hentenryck)
L’intelligence artificielle, chef d’orchestre invisible
La révolution ne se joue pas seulement en surface. Derrière les machines, c’est l’intelligence artificielle qui orchestre désormais l’ensemble des opérations. Grâce à elle, les entreprises peuvent anticiper à la demande, ajuster les stocks en temps réel et optimiser les itinéraires de livraison. Des géants comme JD.com en Chine ou Ocado au Royaume-Uni exploitent déjà pleinement ces technologies. Les bénéfices sont concrets, les entreprises dotées des chaînes d'approvisionnement les plus avancées sont 23 % plus rentables que leurs concurrents. L’IA devient ainsi un outil stratégique, aussi essentiel qu’un entrepôt ou une flotte de véhicules. (Source : étude Accenture, NYSE : ACN, 2024)
Dark stores : la ville, nouveau terrain de jeu logistique
Face à la montée du commerce en ligne et à la demande d’ultra-rapidité, les acteurs du retail adoptent de nouveaux formats : les dark stores, des points de vente fermés au public, exclusivement destinés à la préparation des commandes. En France, Carrefour, Monoprix ou encore Auchan ont multiplié ces espaces dans les centres urbains pour offrir des livraisons en moins de 30 minutes. Le phénomène explose : le marché mondial des dark stores était estimé à 22,84 milliards de dollars en 2024 et McKinsley prévoit une augmentation de 35% d’ici 2027.
Accélération de l’obsolescence des actifs non équipés
Les entrepôts sans automatisation ni connectivité sont de moins en moins recherché par les logisticiens. Leur taux d’occupation baisse, et leur valeur locative chute de 15 à 25 % par rapport aux entrepôts modernisés. Selon CBRE, d’ici 2030, 40 % des entrepôts actuels seront considérés comme obsolètes sans investissements technologiques. Toutefois en 2024, les commandes de projets d'automatisation d'entrepôt ont diminué de 3 %, en raison de facteurs politiques, économiques et spécifiques au marché ralentissant le rythme des commandes. (Source : étude Interact Analysis, 2024 )
L'automatisation, levier de valorisation et d’attractivité financière
Les entrepôts nouvelle génération, nouvelle valeur refuge
La technologie ne transforme pas seulement les méthodes de travail : elle redéfini également la dynamique de la valeur immobilière. Entre 2019 et 2023, le prix des entrepôts automatisés a bondi de 27 % en Europe, contre une hausse de seulement 12 % pour les sites traditionnels. Ce fossé témoigne d’un intérêt croissant pour les infrastructures logistiques modernisées, devenues des actifs prisés sur le marché. En Île-de-France, cette tendance est encore plus marquée : les entrepôts équipés de solutions d’automatisation se négocient en moyenne à 1 500 €/ m², là où les bâtiments classiques plafonnent à 1 050 €/m². Une différence qui s’explique par la performance opérationnelle supérieure de ces sites, capables d’absorber une intensité logistique croissante, notamment sous la pression du e-commerce. (Source : étude CBRE, 2024)
Une prime technologique pour les entrepôts connectés
L’attractivité financière ne se limite plus à l’emplacement ou à la surface. Désormais, les investisseurs scrutent la présence d’outils intelligents. Capteurs IoT, systèmes de gestion d’entrepôt (WMS), automatisation des flux : les actifs dotés de ces technologies affichent une prime de rendement allant jusqu’à +1 point. On parle de “prime technologique” Cette "prime technologique" s’explique par la valeur stratégique de ces infrastructures. Plus flexibles, plus efficaces, elles permettent une meilleure anticipation des besoins, une réduction des coûts d’exploitation et une agilité renforcée face aux aléas du marché. Pour les investisseurs comme pour les exploitants, elles s’imposent comme un choix rationnel, autant qu’un pari sur l’avenir. (Source : étude JLL, 2024)
Rentabilité accrue grâce à la réduction des coûts d’exploitation
L’automatisation n’est pas qu’un pari sur l’avenir : elle génère dès aujourd’hui des gains tangibles. Un entrepôt modernisé nécessite en moyenne 30 à 50 % de personnel en moins, tout en affichant une consommation énergétique réduite de 20 %, grâce à des systèmes de gestion intelligents. Résultat : des coûts d’exploitation largement optimisés et une rentabilité boostée. Pour les investisseurs, ces performances font des entrepôts automatisés des actifs à fort potentiel, alliant efficacité économique et respect des nouvelles normes environnementales. Un cocktail idéal dans un contexte de recherche de placements durables. (Source : étude Colliers International, 2024)
Des actifs plus liquides, prisés sur le marché
Avec l’essor technologique, les entrepôts intelligents gagnent aussi en liquidité. Entre 2018 et 2024, le délai moyen de vente est passé de 7 à 4 mois. Une accélération significative, portée par l’appétit croissant des fonds d’investissement pour des biens logistiques stables, performants et résilients face aux incertitudes économiques. Aux États-Unis, le marché industriel devrait se stabiliser en 2024, avec une absorption nette équivalente à celle de l’année précédente et une croissance modérée des loyers, autour de 8 %. De quoi offrir un niveau de liquidité soutenu pour les actifs les plus performants, même en période de volatilité. (Source : étude CBRE, 2024)
Cas concrets : quand l’innovation devient un moteur de croissance
Certaines entreprises ont fait de la modernisation logistique un véritable levier de performance. Prologis, leader mondial de l’immobilier logistique, a investi plus de 2 milliards de dollars dans ses entrepôts. Résultat : un taux d’occupation record de 98 % et une hausse des loyers de 15 % en seulement trois ans. Du côté des nouveaux venus, la start-up française Cajoo a misé sur des dark stores entièrement digitalisés pour proposer une livraison ultra-rapide. Une stratégie gagnante : en 2022, elle est rachetée par le géant allemand Flink, confirmant l’intérêt stratégique des modèles logistiques urbains. Autre exemple : Geodis, acteur majeur du secteur, a équipé plusieurs de ses hubs de robots autonomes (AGV). Bilan : des délais de traitement réduits de 40 %, preuve que l’automatisation est désormais un facteur clé de compétitivité (Source : rapports d’entreprise – Prologis, Geodis, Flink – 2024).
Nouveaux modèles d’investissement et structuration patrimoniale
Achat vs location d’actifs logistiques high-tech
La montée en puissance des équipements technologiques, souvent onéreux, pousse les entreprises à se tourner vers la location pour moderniser leurs infrastructures logistiques. Ce modèle permet de disposer d’actifs de dernière génération sans mobiliser un capital initial trop important. En réponse à cette demande, les grandes foncières comme Segro ou Goodman développent des offres de baux « clé en main », intégrant la maintenance, les mises à jour technologiques et parfois même des solutions énergétiques, facilitant ainsi l’accès à des entrepôts toujours plus performants. (Source : étude sectorielle menée par Savills, 2024).
Impact des smart contracts et de la blockchain sur la gestion d’actifs
La blockchain révolutionne la logistique : plus de transparence, moins d’erreurs Peu à peu, la blockchain fait son entrée dans le monde de la logistique. Cette technologie, souvent associée aux cryptomonnaies, permet dans ce cas de mieux suivre les marchandises, de protéger les données et d’automatiser certaines tâches. Résultat : moins de paperasse, moins d’erreurs, et des délais raccourcis. Par exemple l’entreprise CargoX, s’appuie sur la blockchain pour suivre les conteneurs maritimes. Grâce à ce système ultra-fiable, les litiges entre partenaires ont chuté de 85 %. Chacun peut accéder aux informations, sans craindre qu’elles soient modifiées ou perdues. À terme, ces innovations promettent une logistique plus fluide, plus solide face aux imprévus, et mieux protégée sur le plan juridique. (Source : rapport Blockchain in Logistics, DHL & Accenture, 2024).
Influence de l’automatisation sur la perception du risque et les décisions d’investissement
Dans les entrepôts, les machines prennent de plus en plus le relais. Moins dépendants des aléas liés à la main-d’oeuvre, les sites automatisés assurent une activité plus stable et mieux optimisée, notamment grâce à des systèmes intelligents de rangement et de préparation des commandes. Conséquence directe : des loyers plus réguliers, moins de mauvaises surprises, et une meilleure solidité face aux crises économiques. Un point fort pour les investisseurs, notamment les grands fonds, qui regardent désormais de près le niveau d’automatisation, l’efficacité énergétique ou encore la connectivité d’un site avant d’y placer leur argent. (Source : étude BNP Paribas Real Estate, 2024).
Stratégies d’investissement : Comment tirer profit de cette mutation ?
Critères de sélection pour un actif logistique performant
À l’heure où la technologie transforme le secteur, les entrepôts doivent répondre à de nouvelles exigences pour rester attractifs. L’automatisation poussée est désormais un atout pour accélérer les flux de marchandises et limiter les coûts. La proximité avec les villes est un autre critère clé. Les dark stores permettent de livrer plus vite en zone urbaine, un avantage stratégique pour le fameux "dernier kilomètre". Les entrepôts modulables, eux, offrent une flexibilité pour s’adapter aux besoins changeants des entreprises. La connectivité aussi joue un rôle grandissant : capteurs IoT et logiciels de gestion avancés (WMS) assurent un pilotage en temps réel des opérations. Et dans un contexte de transition écologique, la performance énergétique, validée par des labels comme BREEAM ou HQE est devenue un incontournable. (Source : rapport Emerging Logistics Assets, Cushman & Wakefield, 2024).
Opportunités et risques à anticiper
Opportunités
Les actifs logistiques modernisés enregistrent une valorisation rapide, portés par l’intégration de technologies avancées et de solutions durables. Cette montée en gamme se traduit par une attractivité locative renforcée : les entreprises privilégient désormais des sites performants, connectés et flexibles, capables de soutenir leurs objectifs opérationnels. Par ailleurs, ces actifs permettent une réduction structurelle des coûts, grâce à l’automatisation, à une meilleure gestion énergétique et à des outils digitaux qui optimisent chaque maillon de la chaîne logistique. Des arguments de poids qui séduisent investisseurs et utilisateurs à la recherche de rentabilité et de résilience. Source : étude Logistics Investment Trends, Savills, 2024.
Risques
L’intégration massive de technologies dans la logistique s’accompagne de nouveaux défis. L’obsolescence rapide des équipements, liée à l’évolution constante des standards technologiques, impose aux acteurs du secteur une veille permanente. Les coûts de maintenance et de mise à niveau peuvent rapidement s’envoler, notamment pour les systèmes automatisés complexes ou les infrastructures connectées. Résultat : les cycles d’investissement se raccourcissent, obligeant investisseurs et exploitants à repenser leurs stratégies de financement et à intégrer plus de flexibilité dans leurs plans de développement. De plus, les chaînes de production conçue sur mesure en fonction des besoins spécifiques des clients rend leur vente particulièrement complexe. En effet, ces outilsultra-personnalisés sont difficilement exploitables par d’autres entreprises, en raison de leur spécificité et de l'adaptation requise. Prenons l’exemple de Maison du monde qui souhaite actuellement vendre un local de 69 000m2 dont 30 000m2 automatisé selon leurs besoins. Il se retrouve alors dans une impasse les obligeant à vendre leur bien au prix du m2 d’un local non automatisé. (Source : rapport Logistics & Tech Risks, Knight Frank, 2024).
Intégration des critères ESG
De plus en plus, les investisseurs privilégient les entrepôts qui réduisent leur impact environnemental tout en améliorant leur efficacité opérationnelle. Par exemple, un entrepôt certifié BREEAM « Excellent » consomme 30 % d’énergie en moins qu’un bâtiment classique. L’utilisation de matériaux biosourcés, la récupération des eaux de pluie ou encore les panneaux solaires rendent ces sites encore plus attractifs, répondant ainsi aux normes écologiques et aux attentes des investisseurs soucieux de durabilité. (Source : étude Green Logistics 2024).
Dans un entretien riche et sans langue de bois, Matthieu Urruty, Directeur Immobilier chez THEOREIM revient sur les mutations profondes du secteur logistique, entre transition écologique, pressions réglementaires et l’essor de l’intelligence artificielle.
Selon lui l’approche traditionnelle du simple calcul en mètres carrés ne suffit plus à refléter la véritable valeur d’un entrepôt. « L’important aujourd’hui est d’intégrer des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) à chaque étape du projet », souligne-t-il. Cependant, il précise que la véritable révolution ne réside pas uniquement dans les matériaux ou l’énergie, mais dans la manière dont l’usage des espaces est pensé à long terme.
L’intelligence artificielle (IA) devient un levier stratégique pour améliorer la gestion des espaces et la prise de décision. « L’IA est encore à ses débuts, mais elle structure déjà la réflexion dans le secteur », explique M. Urruty. Parallèlement, les attentes des utilisateurs évoluent, cherchant des bâtiments durables, connectés et capables de soutenir leur propre transition énergétique. M. Urruty met en garde : « Ceux qui ne s’adapteront pas rapidement à ces enjeux risquent de perdre leur compétitivité. » Le secteur est à un tournant, où innovation, durabilité et technologies redéfinissent les standards du marché.
Conclusion
L’automatisation et l’intelligence artificielle ne sont plus des options dans le secteur logistique : elles en redéfinissent les fondations. Là où la valorisation des actifs reposait autrefois sur des critères classiques – surface, localisation, accessibilité – s’imposent désormais des dimensions technologiques, énergétiques et stratégiques. L’essor des entrepôts intelligents, des dark stores ou encore de la blockchain transforme en profondeur les choix d’investissement. Les actifs modernisés bénéficient d’une prime de valeur, d’une meilleure liquidité et d’une attractivité renforcée auprès des utilisateurs comme des investisseurs. À l’inverse, l’obsolescence guette les structures non équipées, dont la valeur marchande décline rapidement. Mais cette transformation va au-delà de la performance : elle incarne un tournant dans la manière même de concevoir, gérer et exploiter l’immobilier logistique. L’intégration de l’IA, des critères ESG et de la modularité ouvre la voie à une approche plus durable, agile et résiliente. En somme, le marché logistique entre dans une nouvelle ère où l’innovation technologique devient la clé de la valorisation. Ceux qui sauront anticiper et accompagner cette mutation s’assureront une place de choix dans l’économie de demain. Pour les autres, le risque est clair : devenir invisibles dans un secteur en mouvement permanent.
Par Jean-François Degait, Adeo Patrimoine
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